N° P.24.0405.F
1. O. D.
2. S. D.
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Séverine Solfrini, avocat au barreau de Liège-Huy, et Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 janvier 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen dans un mémoire commun annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 505, alinéa 1er, 2° à 4°, du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au respect des droits de la défense et à la présomption d’innocence et de la notion de présomption de fait.
Les demandeurs reprochent aux juges d’appel de les avoirs déclarés coupables de plusieurs faits de blanchiment alors que l’arrêt admet que le dossier ne contenait aucun élément de nature à rattacher les préventions à une quelconque infraction primaire permettant de conclure à l’origine illicite des fonds, mais considère que les demandeurs ne démontraient pas davantage leur provenance licite. Ce faisant, selon le moyen, les juges d’appel ont imposé à la défense de démontrer l’absence de culpabilité des prévenus, en violation de la présomption d’innocence.
La déclaration de culpabilité du chef d’une infraction de blanchiment prévue à l’article 505, alinéa 1er, 2°, 3° ou 4°, du Code pénal, requiert que la provenance ou l'origine illégale des choses visées à l’article 42, 3°, du Code pénal soit établie. Il n'est pas requis que le juge connaisse l’infraction précise d’où proviennent ces choses, à la condition que, sur la base des données de fait, il puisse exclure toute origine légale.
Le juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu librement contredire.
L’arrêt constate que, s’agissant des fonds visés aux préventions de blanchiment, les demandeurs ont fait valoir qu’ils provenaient de leurs revenus consistant en des salaires et des allocations sociales, de donations reçues de parents, ou encore d’activités commerciales non déclarées. À cet égard, l’arrêt relève que des fonds issus d’activités commerciales non déclarées constituent des revenus du travail frauduleux et, partant, des avoirs dont l’origine est illicite. Les juges d’appel ont également considéré que les frais et dépenses du ménage étaient très élevés, notamment en raison de charges hypothécaires, et que les fonds « dont l’origine licite [était] établie permettaient seulement à la famille de vivre » pendant les périodes délictueuses. Ils ont ajouté que si certaines donations d’argent et de bijoux devaient être admises, ainsi que des travaux réalisés gratuitement par des proches dans les habitations des demandeurs, ces dons et ouvrages n’avaient pu atteindre les montants et l’importance vantés par les prévenus. Selon la cour, cette discordance résulte, pour les premières explications avancées, de leur défaut de vraisemblance pour justifier la possession des montants en cause dans le chef des prétendus donateurs et leur transfert allégué aux demandeurs et, pour les secondes explications, de l’ampleur considérable des travaux et des connaissances techniques requises pour en effectuer certains. Les juges d’appel ont ensuite observé la présence d’importants dépôts en liquide sur les comptes bancaires des demandeurs, ainsi que de nombreux paiements également réalisés en espèces et des opérations accomplies sans raison économique. L’arrêt considère enfin que les attestations produites et qui émaneraient du père et de l’oncle du demandeur sont indigentes et inaptes à expliquer la hauteur des dons allégués, qui correspondraient à la quasi intégralité du patrimoine liquide de ces prétendus donateurs, même si certains cadeaux, évalués par la cour à 50.926,24 euros, doivent être tenus pour vraisemblables, compte tenu des habitudes familiales lors d’évènements de la vie.
Ainsi, les juges d’appel n’ont pas reproché aux prévenus de ne pas être parvenus à rapporter la preuve de leur innocence en démontrant l’origine licite des fonds qu’ils ont reçus ou utilisés pour financer les dépenses visées aux préventions. Ils ont jugé, ce qui est différent, que les explications données et les éléments produits à cet égard par la défense soit confirmaient l’origine illicite des revenus, soit, pour le surplus, étaient pour partie dépourvus de la vraisemblance apte à convaincre de la possibilité d’une origine licite de ces avoirs de sorte que, pareille provenance étant exclue, les fonds concernés ne pouvaient avoir qu’une origine illégale.
Partant, sans violer les droits de la défense ni renverser la charge de la preuve, l’arrêt justifie légalement la décision que les faits de blanchiment sont établis.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente-sept euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.