N° P.24.1175.F
I. V. T.,
prévenu,
ayant pour conseil Maître Anthony Rizzo, avocat au barreau de Bruxelles,
II. A. B.,
prévenu, détenu,
ayant pour conseil Maître Cédric Vergauwen, avocat au barreau de Bruxelles, et représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 28 juin 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur sub II invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de V. T. :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi d’A. B. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 2bis, § 4, b, de la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques.
Le demandeur soutient que les juges d’appel n’ont pu déduire d’aucun des éléments de fait relevés dans l’arrêt qu’il avait la qualité de dirigeant d’une association ayant pour activité principale ou accessoire la culture, la détention et la mise en vente de cannabis.
Selon le moyen, certains des éléments retenus ne présentent aucun lien avec ladite qualité, tandis que l’origine des messages et documents épinglés par les juges d’appel est incertaine, à défaut d’indiquer s’ils ont été envoyés ou reçus par le demandeur. Toujours selon le moyen, plusieurs constatations de l’arrêt sont, en outre, incompatibles avec un tel rôle. A cet égard, le moyen précise, d’une part, que le recrutement d’une personne à laquelle le demandeur se serait borné à proposer un travail et à demander d’effectuer des tâches ne traduit pas un pouvoir de direction et, d’autre part, que celui-ci n’est désigné, par les juges d’appel, que comme coordinateur d’une partie des activités du groupement, à savoir celles relatives à quatre des huit plantations, alors que ces exploitations sont liées et que le dirigeant doit être à la tête de la hiérarchie de l’ensemble de la structure.
Pour avoir la qualité de dirigeant de l’association, il suffit que le prévenu exerce une fonction dirigeante au sein de l’association et, partant, qu’il commande et contrôle dans une certaine mesure son fonctionnement. Il n’est pas requis qu’il soit la seule personne dirigeante, ni qu’il soit à la tête de la hiérarchie.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
L’arrêt expose, en page 28, que le coprévenu N. a admis avoir travaillé pendant sept mois dans des plantations de cannabis qu’il supervisait, et qu’il s’est rendu avec son patron dans celle située à Haren. L’arrêt précise que, dans un premier temps, ce coprévenu n’a pas souhaité donner les informations nécessaires pour identifier son patron, puis a désigné un albanais du nom de T.. Aux pages 51 et 52, l’arrêt indique que, réinterrogé par le juge d’instruction, le coprévenu N. a désigné le demandeur comme étant son patron, à savoir celui qui lui donnait des ordres et le payait, avant de se rétracter lors d’une confrontation avec ce dernier.
L’arrêt relève ensuite que, devant la cour d’appel, le demandeur a nié toute implication dans le trafic de stupéfiants en faisant notamment valoir, d’une part, que les déclarations du coprévenu N. ont fortement évolué et, d’autre part, que c’est le coprévenu B. qui était à la tête de l’association.
L’arrêt considère que, nonobstant ces dénégations, la culpabilité du demandeur résulte notamment des éléments suivants :
- selon le coprévenu N., le demandeur recherchait les lieux destinés à l’installation des plantations et les indiquait aux coprévenus désignés pour les gérer ;
- devant le juge d’instruction, ce coprévenu a confirmé qu’il avait été engagé par le demandeur pour le travail dans la plantation à Evere, ce dernier lui demandant de l’entretenir comme un jardinier mais aussi d’aller chercher à manger pour les ouvriers ainsi que des produits d’entretien ;
- la téléphonie démontre que, contrairement à ce que ce coprévenu a affirmé lors d’une confrontation avec le demandeur, ceux-ci se connaissent et les déclarations évolutives du coprévenu N. sont manifestement imputables aux craintes ressenties par ce dernier à la suite de ses accusations à l’encontre du demandeur, le récit donné pour expliquer le revirement n’étant pas crédible ;
- le coprévenu S. a également déclaré avoir été recruté par le demandeur, et ce pour démonter une plantation ;
- le demandeur n’a pas pu apporter d’explications convaincantes quant aux messages donnant des injonctions relatives aux plantations.
Par ces considérations, l’arrêt justifie légalement sa décision de dire établie la circonstance aggravante de participation, en qualité de dirigeant, à une partie des activités de l’association ayant eu pour objet la mise en place et l’exploitation de plantations de cannabis.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l’ordre d’arrestation immédiate :
En raison du rejet du pourvoi dirigé contre elle, la décision de condamnation acquiert force de chose jugée.
Le pourvoi dirigé contre le mandement d’arrestation immédiate devient sans objet.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cent huit euros quatre-vingts centimes dont I) sur le pourvoi de V. T. : deux cent cinquante-quatre euros quarante centimes dus et II) sur le pourvoi d’A. B. : deux cent cinquante-quatre euros quarante centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.