N° F.22.0132.F
NETWAY, société à responsabilité limitée,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 24 juin 2021
par la cour d’appel de Bruxelles, rectifié par l’arrêt du 24 mars 2022.
Le 22 octobre 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général
Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Aux termes de l’article 779 du Code judiciaire, le jugement ne peut être rendu que par le nombre prescrit de juges ; ceux-ci doivent avoir assisté à toutes les audiences de la cause ; le tout à peine de nullité.
Il ne résulte pas de cette disposition que, lorsque la juridiction du juge est épuisée sur un point litigieux et qu’une décision définitive a été rendue sur ce point, seuls les juges ayant statué sur ce point peuvent procéder à l’examen des autres points litigieux.
En vertu de l’article 356, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, lorsqu’une décision du fonctionnaire compétent ou du fonctionnaire délégué par lui fait l’objet d’un recours en justice, et que le juge prononce la nullité totale ou partielle de l’imposition pour une cause autre que la prescription, la cause reste inscrite au rôle pendant six mois à dater de la décision judiciaire ; pendant ce délai de six mois, qui suspend les délais d’opposition, d’appel ou de cassation, l’administration peut soumettre à l’appréciation du juge, par voie de conclusions, une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d’imposition que la cotisation primitive.
Le même article dispose, en son alinéa 4, que la cotisation subsidiaire n’est recouvrable ou remboursable qu’en exécution de la décision du juge.
Il suit du texte de cette disposition que le juge qui prononce la nullité totale ou partielle de la cotisation primitive reste saisi de plein droit de la cause pendant le délai de six mois au cours duquel l’administration peut lui soumettre, par voie de conclusions, une demande de validation d’une cotisation subsidiaire et, s’il épuise sa juridiction en ce qui concerne la légalité de la cotisation primitive, il peut statuer sur la demande de validation d’une cotisation subsidiaire qui constitue une nouvelle cotisation, à l’égard de laquelle il n’a pas encore épuisé sa juridiction.
La circonstance que la cause reste inscrite au rôle pendant un délai de six mois au cours duquel l’administration peut soumettre au juge la validation d’une cotisation subsidiaire ne fait pas de la décision d’annuler la cotisation primitive une décision d’avant-dire droit en ce qui concerne cette cotisation subsidiaire.
Il s’ensuit que la décision judiciaire statuant sur la validation d’une cotisation subsidiaire ne doit pas être rendue par les mêmes juges que ceux qui, par leur décision, ont annulé la cotisation primitive.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
D’une part, l’arrêt non attaqué du 11 janvier 2018, qui, sur la base des énonciations reprises au moyen, en cette branche, annule la cotisation primitive au motif que « l’administration a fait preuve […] d’arbitraire, dès lors que ses agents contrôleurs avaient […] constaté sur place, au siège d’exploitation de la [demanderesse], une occupation professionnelle effective partielle des lieux, même s’ils l’ont qualifiée de minime », ne tranche pas le point litigieux relatif à l’importance de l’occupation professionnelle dont il admet l’existence.
D’autre part, en considérant que « l’affectation professionnelle de l’immeuble n’est démontrée [que jusqu’] à concurrence d’un bureau de 28 mètres carrés et de pièces louées de 80 mètres carrés », l’arrêt attaqué ne statue pas à nouveau sur le principe même de cette occupation mais en détermine l’importance.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Dans la mesure où il est pris du principe de la convention-loi et du principe de l’opposabilité aux tiers de l’effet externe des contrats, qui ne constituent pas des principes généraux du droit distincts des articles 1134, 1135 et 1165 de l’ancien Code civil, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, d’une part, en retenant 50 p.c. des surfaces louées pour déterminer la quotité des frais professionnels concernant l’immeuble déductibles par la demanderesse, l’arrêt attaqué ne revient pas sur les motifs décisoires de l’arrêt non attaqué du 11 janvier 2018, qui annule la cotisation primitive pour cause d’arbitraire au motif que l’administration n’a pas tenu compte des « conséquences juridiques liées à l’existence d’un bail d’habitation en vertu duquel la [demanderesse] a exploité le bien pour la partie qu’[elle] n’occupait pas ».
D’autre part, en décidant qu’il y a lieu « de tenir compte, pour fixer la quotité des frais […] professionnels, d’un loyer encaissé couvrant la jouissance de la moitié des surfaces louées, soit 80 mètres carrés », sur la base de la considération non critiquée que la demanderesse « a accordé à son gérant un avantage de toute nature qu’elle n’a pas déclaré, pour la part de celui-ci dans la jouissance des lieux dans l’immeuble destiné à l’habitation de sa famille et dont la [demanderesse] admet qu’elle n’a perçu [qu’]un loyer de l’épouse qui ne couvre que l’habitation de celle-ci dans les lieux », l’arrêt attaqué reconnaît à la convention de bail conclue entre la demanderesse et l’épouse du gérant de cette dernière, les effets qu’elle a légalement dans l’interprétation qu’il en donne et ne viole ni la force obligatoire de cette convention ni l’opposabilité aux tiers de ses effets externes.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent six euros six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte,Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.