N° F.22.0106.F
WERELDHAVE BELGIUM, société anonyme, dont le siège est établi à Vilvorde, Medialaan, 30, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0412.597.022,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maître Pierre Desenfans et Maître Michaël Houbben, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
VILLE DE LIÈGE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Liège, en l'hôtel de ville, place du Marché, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0207.343.933,
défenderesse en cassation,
ayant pour conseils Maître François Delobbe, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, place des Nations unies, 7, et Maître Renaud Simar, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 58.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 octobre 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le 22 octobre 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Simon Claisse a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt constate que le litige concerne des taxes à charge des propriétaires ou des titulaires de droits de jouissance sur des parkings desservant des immeubles affectés à une activité commerciale, industrielle ou artisanale, enrôlées à la charge de la demanderesse pour les exercices 2016 et 2017, sur la base d’un règlement de la défenderesse adopté le 17 décembre 2014, et que les exploitants de parkings payants sont imposés sur la base d’un autre règlement de la défenderesse du 17 décembre 2014.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l’affirmation que le règlement litigieux taxe de la même manière les exploitants de parkings gratuits et les exploitants de parkings payants, manque en fait.
Quant aux deuxième, troisième et quatrième branches réunies :
La règle de l'égalité des Belges devant la loi contenue dans l'article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges inscrite dans l'article 11 de la Constitution ainsi que celle de l'égalité devant l'impôt exprimée dans l'article 172 de la Constitution s’opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure prise ainsi que de la nature des principes en cause ; le principe d’égalité et de non-discrimination est également violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Il en résulte que la circonstance que des catégories de personnes soient traitées de manière identique n’est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination que pour autant que cette identité de traitement concerne des situations qui ne sont pas essentiellement différentes ou que le traitement identique de situations essentiellement différentes soit raisonnablement justifié.
D’une part, si, pour constater que des situations frappées d’un même impôt ne sont pas essentiellement différentes, le juge doit examiner le but et les effets de cet impôt, il ne s’ensuit pas qu’il doive procéder à ce constat au regard de chacun des objectifs assignés à la taxe.
D’autre part, l’autorité publique qui soumet à un traitement identique des catégories de contribuables différents ne doit pas fonder cette décision sur des constatations et des faits devant être prouvés concrètement devant le juge.
L’arrêt constate que le règlement du 17 décembre 2014, sur la base duquel les taxes litigieuses à charge des propriétaires ou des titulaires de droits de jouissance sur des parkings desservant des immeubles affectés à une activité commerciale, industrielle ou artisanale ont été enrôlées, poursuit, selon le dossier administratif de la défenderesse, notamment un objectif budgétaire mais que « seuls les emplacements de parkings affectés à une activité commerciale sont pris en compte afin de tenir compte de la faculté contributive des contribuables » et que les exploitants de parkings payants sont quant à eux imposés en vertu d’un autre règlement de la défenderesse du 17 décembre 2014.
Il considère que, d’une part, les propriétaires ou titulaires de droits de jouissance sur des emplacements de parking desservant des immeubles affectés à une activité commerciale, industrielle ou artisanale et, d’autre part, les personnes exploitant des parkings payants exploités comme tels, se trouvent dans une situation comparable étant donné que « tant les premiers que les secondes tirent un gain financier du fait de l'existence d’emplacements de parking », que « les premiers […] exploitent […] eux-mêmes les espaces commerciaux concernés via le chiffre d'affaires généré par les opérations d'achat de biens et de services effectuées par les clients de tels établissements, clients qu’ils attirent via la mise à disposition gratuite d’emplacements de parking, ou […] donnent en location ces espaces, via le loyer, dont le montant peut être majoré du fait de l'existence d’un parking attenant, [tandis que] les secondes [les exploitent] via le montant directement payé par l'occupant d'un emplacement de parking », et que « l'importance du profit réalisé par les uns et les autres, et donc leur capacité contributive, présente un lien avec le nombre d'emplacements de parking disponibles ».
Par ces considérations, l’arrêt justifie légalement sa décision que les propriétaires ou les titulaires d’un droit réel de jouissance sur des emplacements de parking desservant des immeubles affectés à une activité commerciale, industrielle ou artisanale et les exploitants de parkings payants exploités comme tels ne sont pas dans des situations essentiellement différentes et qu’il n’est pas discriminatoire de taxer ces personnes de manière identique.
Le moyen, en aucune de ces branches, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille cent quatre-vingt-un euros septante-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.