N° P.24.1429.F
A. T.,
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Antoine Moreau, avocat au barreau de Liège-Huy, et Marguerite-Marie le Hodey, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 octobre 2024 par le tribunal de l’application des peines de Liège.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général délégué Véronique Truillet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 5 et 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 47 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté.
Au motif qu’il existe un risque que le demandeur ne commette de nouvelles infractions graves, le jugement attaqué refuse sa mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire.
Quant à la première branche :
Le jugement relève notamment que le demandeur conteste ou minimise sa culpabilité dans les faits qui lui ont valu d’être condamné à la peine d’emprisonnement en cours d’exécution.
Selon le moyen, ce motif porte atteinte à l’article 9 de la Convention, disposition qui garantit à toute personne le droit à la liberté de pensée.
Le demandeur n’a pas été privé du droit d’exprimer son point de vue. En décrivant son discours et en y décelant le révélateur d’une déresponsabilisation annonciatrice d’un risque de nouveau passage à l’acte, les auteurs du jugement, également destinataires du droit garanti par l’article 9, se sont bornés à exercer l’activité intellectuelle inhérente à l’acte même de juger.
Ne viole dès lors pas la disposition conventionnelle visée au moyen, le juge qui déduit, des allégations d’une partie, les motifs conduisant à dire sa prétention infondée.
Le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Selon le demandeur, le jugement fonde essentiellement le rejet de la modalité d’exécution de la peine, sur la constatation que le condamné persiste à nier sa culpabilité, ce qui ne constitue pas une des contre-indications prévues par l’article 47, § 2, de la loi du 17 mai 2006.
Mais le jugement n’encourt pas le grief invoqué.
Selon le tribunal de l’application des peines,
- le demandeur a été condamné pour avoir orchestré un trafic de migrants destiné à s’enrichir à leurs dépens ;
- il nie ou minimise les faits ;
- il ne témoigne d’aucune empathie envers les victimes mises en danger lors des traversées illégales vers l’Angleterre ;
- il semble se préoccuper exclusivement des conséquences de sa détention sur sa situation personnelle et familiale ;
- son couple semble se trouver dans une situation financière préoccupante ;
- il présente des antécédents judiciaires de nature à remettre en cause le caractère prétendument fortuit de sa délinquance ;
- il a déclaré consommer du cannabis à l’époque des faits ;
- les raisons qu’il attribue à son immigration en Belgique demeurent évasives et confuses.
De l’ensemble de ces éléments, le tribunal a pu déduire un risque de perpétration de nouvelles infractions graves, contre-indication prévue par l’article 47, § 2, 2°, de la loi.
Le jugement est ainsi légalement justifié.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Aucune disposition légale n’impose qu’en l’absence de conclusions, le tribunal de l’application des peines motive le délai dans lequel le condamné peut introduire une nouvelle demande d’une modalité d’exécution de la peine.
Reposant sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du treize novembre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.