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06/11/2024 | BELGIQUE | N°P.24.1447.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 novembre 2024, P.24.1447.F


N° P.24.1447.F
E. O.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 octobre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé

au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a f...

N° P.24.1447.F
E. O.,
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Zouhaier Chihaoui, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, rue Lambermont, 2,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 octobre 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
Le premier avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le demandeur a soutenu devant la chambre des mises en accusation, et fait valoir devant la Cour, que la décision privative de liberté dont il a fait l’objet le 28 août 2024 aurait dû se fonder sur l’article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.
Selon le moyen, c’est à tort que la décision susdite prend appui sur l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi : cette disposition n’autorise pas la détention à la frontière d’un étranger dont l’entrée sur le territoire s’est faite de plein droit par le seul écoulement du délai de quatre semaines visé à l’article 74/5, § 4, 5°.
Il ressort des constatations de l’arrêt que
- le demandeur a été interpellé le 6 juin 2024 à l’aéroport de Zaventem, en transit vers le Canada, muni d’un passeport sans visa ;
- il a refusé de prendre l’avion à destination de Toronto et a formulé une demande de protection internationale ;
- il a fait l’objet, le même jour, d’une décision de refoulement avec maintien à la frontière en application de l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 2° ;
- le 5 juillet 2024, il a été autorisé à entrer dans le Royaume, conformément à l’article 74/5, § 4, 5°, quatre semaines s’étant écoulées sans que le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides n’ait statué sur la demande de protection internationale ;
- à la suite de son entrée sur le territoire belge, le demandeur a fait l’objet, le même jour, d’une décision de maintien prise en application de l’article 74/6, § 1er, de la loi ;
- par décisions du Commissaire général prises les 12 juillet et 20 août 2024 et confirmées respectivement les 29 juillet et 2 septembre 2024 par le Conseil du contentieux des étrangers, la demande de protection internationale a été rejetée et sa réitération déclarée irrecevable ;
- la décision soumise au contrôle de légalité du Pouvoir judiciaire est une mesure de réécrou, prise le 28 août 2024 après deux refus d’embarquement, sur le fondement de l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi.
Le droit d’entrée prévu par l’article 74/5, § 4, 5°, n’est accordé qu’afin de permettre le traitement de la demande de protection internationale.
En vertu de l’article 52/3, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, l’étranger qui a introduit une demande de protection internationale à la frontière, n’est pas admis à entrer dans le Royaume après le rejet de cette demande.
Au moment de l’adoption, le 28 août 2024, du titre contesté, E. O. avait définitivement perdu la qualité de demandeur de la protection internationale, en manière telle qu’il ne pouvait plus prétendre aux facilités que la loi réserve aux titulaires de cette qualité.
Le maintien décrété le 28 août 2024 concerne donc un étranger qui, en application de la loi du 15 décembre 1980, peut être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières.
C’est l’hypothèse prévue par l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi, de sorte que la chambre des mises en accusation ne s’est pas dérobée au contrôle de légalité qui lui incombe, en validant sur cette base le titre querellé.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Contrairement à ce que le demandeur soutient, l’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, ne limite pas la détention à la frontière aux seuls étrangers qui n’ont « jamais » fait l’objet d’une autorisation d’entrer sur le territoire.
Il suit de l’article 52/3, § 3, que l’introduction de la demande d’asile suspend le caractère exécutoire de la mesure d’éloignement mais que cette suspension est limitée à la durée du traitement de ladite demande.
Il en résulte que l’étranger qui tente d’entrer illégalement dans le Royaume et qui présente une demande de protection internationale à la frontière s’expose, dès le rejet de celle-ci, à l’exécution du refoulement.
L’article 74/5, § 1er, alinéa 1er, ne comporte donc pas la restriction que le demandeur lui assigne.
Le moyen manque en droit.
Sur la demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne :
Le demandeur invite la Cour, au cas où le second moyen manquerait en droit, à poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle libellée comme suit :
L’article 14 du règlement (UE) 2016/399, et l’article 15 de la directive 2008/115/CE peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent la rétention à la frontière d’un ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière qui a préalablement été autorisé à entrer sur le territoire de l’Etat membre concerné conformément à l’article 43 de la directive 2013/33/UE dans le cadre d’une procédure de protection internationale à la frontière ?
L’article 43.2 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, dispose que les Etats membres veillent à ce que toute décision, dans le cadre des procédures de demande de protection internationale à la frontière, soit prise dans un délai raisonnable.
L’article 43.2 ajoute que, si aucune décision n’a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’Etat membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions de la directive.
Cette disposition ne fait pas, du droit d’entrer sur le territoire, un droit à un titre de séjour mais se borne à suspendre provisoirement le caractère exécutoire de la mesure de refoulement pendant le temps nécessaire à l’examen de la demande de protection.
Il résulte des pièces de la procédure qu’au moment où le demandeur a fait l’objet du titre contesté, il ne bénéficiait pas de cette suspension.
Partant, le demandeur ne se trouve pas dans la situation visée par l’article 43.2, d’où il suit que la question n’est pas pertinente pour la solution du pourvoi.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi et la demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, premier avocat général, avec l’assistance de Lutgarde Body, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.1447.F
Date de la décision : 06/11/2024
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-11-06;p.24.1447.f ?

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