N° F.22.0043.F
INTERPARKING, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Brederode, 9, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.459.919,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 251/10, où il est fait élection de domicile,
contre
COMMUNE DE WOLUWE-SAINT-LAMBERT, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, dont les bureaux sont établis à Woluwe-Saint-Lambert, en l’hôtel communal, avenue Paul Hymans, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 10 juin 2021
par la cour d’appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 30 septembre 2024, le premier président a renvoyé
la cause devant la troisième chambre.
Le 3 octobre 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général
Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Dans ses conclusions, la demanderesse soutenait que le règlement communal sur les emplacements de parking litigieux instaure une discrimination en prévoyant des taux de taxe différents, de 159 euros par an pour les emplacements mis gratuitement à la disposition des clients, visiteurs et fournisseurs et de 265 euros par an pour les emplacements affectés aux mêmes personnes mais exploités comme tels commercialement par la perception d’un droit de location.
Pour rejeter cette contestation, l’arrêt énonce, aux pages 6 à 10, qu’« il suffit qu’il existe ou puisse exister une justification objective pour ces différentes catégories, […] par rapport au but et aux effets de […] l’impôt instauré », et un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé », que le dossier administratif précise que « la détermination des taux tient compte […], d’une part, [des] nuisances […] générées par le trafic de la clientèle […], d’autre part, [du] fait que les emplacements de parking payants sont en soi productifs de revenus alors que ceux qui sont mis gratuitement à disposition ne sont que l’accessoire d’une activité génératrice de revenus » et que « le règlement-taxe se donne pour but de contribuer au financement des dépenses communales selon une répartition équitable de la charge fiscale entre les différents contribuables », que le critère de distinction retenu est « raisonnable et objectif, et est donc suffisant » pour justifier la différence de taux et, aux pages 12 à 15, répondant au moyen de la demanderesse qui critiquait l’instauration de taux différents remplaçant le taux unique de 75 euros prévu antérieurement et l’augmentation à plus du triple du montant de la taxe pour les emplacements exploités commercialement, que « la justification de la différenciation des taux » est celle, précisée dans le dossier administratif, que seuls ces derniers sont en soi productifs de revenus, qu’« une commune peut fixer librement le taux de la taxe qu’elle entend appliquer, en opportunité, et ne doit donc pas le justifier », que « la seule limite à cette liberté est le caractère déraisonnable du taux ou l’interdiction des taxes prohibitives », que « la taxe doit être proportionnée à la capacité contributive du contribuable », qu’ « il convient de distinguer les taxes réellement prohibitives, qui sont interdites, des taxes seulement dissuasives », qu’« une taxe poursuivant un objectif de dissuasion n’est pas disproportionnée au seul motif que son montant est important » et que la demanderesse « ne démontre pas concrètement l’existence d’une quelconque disproportion de la taxe par rapport à une catégorie de contribuables ».
Par ces énonciations, l’arrêt ne se borne pas à vérifier l’existence de catégories de contribuables objectivement distinctes, mais apprécie, en se fondant sur le dossier administratif, que la différence de taux faite entre ces catégories de contribuables est raisonnable au regard des buts poursuivis par le règlement, dans son principe et sa proportion.
Le moyen, qui soutient tout entier le contraire, repose sur une interprétation inexacte de l’arrêt, partant, manque en fait.
Sur le second moyen :
L’article 2 du règlement communal du 26 janvier 2009 sur les emplacements de parking définit ces emplacements, que l’article 1er frappe d’une taxe, comme étant, soit un garage fermé, soit une aire de stationnement de véhicule dans un espace clos ou non clos ou à l’air libre, situé sur ou dans un bien immobilier privé et exploité ou utilisé par toute personne physique ou morale pour les usages que cette disposition précise.
Pour décider que cet article 2 n’instaure pas de discrimination « entre les exploitants d’emplacements de parking, selon que ceux-ci sont situés dans un bien immobilier privé ou [dans un bien immobilier] public », l’arrêt considère que ledit article ne vise pas les emplacements de parking « situés sur le domaine public […] communal ou régional », qu’en principe, « les biens du domaine public de l’État ainsi que les biens du domaine privé affectés à un service d’utilité publique sont exemptés de toute taxe provinciale ou communale » dès lors qu’« il serait contradictoire que l’impôt, qui n’est établi que pour l’utilité publique, frappe l’utilité publique elle-même », que « les biens du domaine public de l’État et ceux de son domaine privé qui sont affectés à un service public ou d’intérêt général ne sont, de leur nature, pas susceptibles d’être soumis à l’impôt », que « c’est donc à bon droit que le règlement-taxe limite son champ d’application au domaine privé, à l’exclusion des biens du domaine public, c’est-à-dire affectés à l’usage de tous ou à un service public » et que, « surabondamment, la différence de traitement entre les emplacements de parking du domaine privé et ceux du domaine public […] est pertinente et proportionnelle puisque les immeubles utilisés par les pouvoirs publics sont affectés ou à tout le moins participent pour partie à des missions de service public qui servent l’intérêt général ».
Il ressort de ces énonciations que, aux yeux de l’arrêt, les biens immobiliers appartenant aux personnes morales de droit public sont privés au sens de l’article 2 du règlement, et donc soumis à la taxe, lorsqu’ils ne sont pas affectés à un service d’utilité publique, un service public, un service d’intérêt général ou l’usage de tous.
L’arrêt fait de la sorte une exacte application de cet article 2.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent quarante euros quatre-vingt-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section
Mireille Delange, les conseillers Ariane Jacquemin, Marielle Moris et
Simon Claisse, et prononcé en audience publique du quatre novembre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.