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31/10/2024 | BELGIQUE | N°C.18.0113.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 octobre 2024, C.18.0113.F


N° C.18.0113.F
TVM VERZEKERINGEN NV, société de droit néerlandais, dont le siège est établi à Hoogeveen (Pays-Bas), van Limburg Stirumstraat, 250, ayant en Belgique une succursale établie à Anvers (Berchem), Berchemstadionstraat, 78, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0841.164.105,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
GRAVAUBEL, société anonyme, dont le siège e

st établi à Liège, avenue de l’Indépendance, 83, inscrite à la banque-carrefour des ...

N° C.18.0113.F
TVM VERZEKERINGEN NV, société de droit néerlandais, dont le siège est établi à Hoogeveen (Pays-Bas), van Limburg Stirumstraat, 250, ayant en Belgique une succursale établie à Anvers (Berchem), Berchemstadionstraat, 78, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0841.164.105,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
GRAVAUBEL, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, avenue de l’Indépendance, 83, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.404.104,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 15 septembre 2017 par la cour d’appel de Liège.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Disposition légale violée
Article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR), signée à Genève le 19 mai 1956 et approuvée par la loi du 4 septembre 1962, modifiée par le protocole du 5 juillet 1978, approuvé par la loi du 25 avril 1983
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt déclare recevable et fondée la demande de la défenderesse tendant à entendre condamner la demanderesse à lui payer 73 191,25 euros à majorer des intérêts de retard au taux légal depuis la date des décaissements et jusqu’au complet paiement, après avoir décidé, par les motifs suivants, que « l’exception de prescription ne peut être retenue » :
« [La demanderesse] conclut à l’irrecevabilité ou au non-fondement de la demande au motif qu’elle n’a pas été introduite dans le délai de prescription visé à l’article 32 de la Convention du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route ;
Il n’est pas contesté que la s.p.r.l. Transports D. et la [défenderesse] ont conclu un contrat de transport ;
L’article 17 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route dispose que le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle ou de l’avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison ;
L’article 32, § 1er, de cette convention énonce que
‘Les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente convention sont prescrites dans le délai d’un an. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d'après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans. La prescription court :
a) dans le cas de perte partielle, d'avarie ou de retard, à partir du jour où la marchandise a été livrée ;
b) dans le cas de perte totale, à partir du trentième jour après l'expiration du délai convenu ou, s'il n'a pas été convenu de délai, à partir du soixantième jour après la prise en charge de la marchandise par le transporteur ;
c) dans tous les autres cas, à partir de l'expiration d'un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport.
Le jour indiqué ci-dessus comme point de départ de la prescription n'est pas compris dans le délai’ ;
Dans un arrêt prononcé le 23 janvier 2014 en chambres réunies, la Cour de cassation a décidé que la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route ne règle que la responsabilité du transporteur en cas de perte ou d'avarie des marchandises transportées ou du retard à leur livraison. Elle ne règle pas la responsabilité du transporteur pour d'autres dommages et, plus particulièrement, celle qui est relative au dommage causé à des marchandises autres que les marchandises transportées, qui est régie par le droit national applicable ;
[La demanderesse] soutient que, par cet arrêt, la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur le champ d'application du délai de prescription qui, selon [elle], [est] plus large en raison de la généralité des termes de l'article 32 de la convention. Selon [la demanderesse], il ne s'agit pas uniquement des actions qui trouvent leur source dans la convention elle-même, mais plus généralement de toutes les autres actions contractuelles et extracontractuelles qui trouvent leur source dans un contrat de transport régi par cette convention ;
La jurisprudence citée par [la demanderesse], qui étend l'application de la prescription d'un an à d'autres cas que celui du dommage aux marchandises transportées du chef de perte, avarie ou retard de livraison, n'est pas transposable à la présente cause car les actions en litige se fondent sur des dispositions de la convention. Tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que [la défenderesse] exerce une action basée sur les articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
[La défenderesse] et la s.p.r.l. Transports D. ont certes conclu un contrat de transport. Toutefois, [la défenderesse] n'exerce pas une action fondée sur le contrat de transport contre les Transports D.. Le dommage dont elle demande la réparation résulte des travaux de réfection auxquels elle a dû procéder en raison des dégradations à l'asphalte qu'elle avait précédemment placé et ce, à la suite de l'écoulement de mazout en provenance du camion des Transports D.. Elle exerce une action en responsabilité extracontractuelle et invoque, notamment, le vice du camion (article 1384, alinéa 1er, du Code civil) ;
L'action est dès lors totalement étrangère au contrat de transport (aucun grief n'est formulé quant au transport de l'asphalte), de sorte qu'elle ne trouve pas sa source dans un contrat de transport régi par la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, même analysée de manière large comme le soutient [la demanderesse] ;
Il suit de ces considérations que, le sinistre étant survenu le 24 novembre 2011, l'action en responsabilité basée sur les articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où [la défenderesse] a eu connaissance du dommage et de l'identité de la personne responsable (article 2262bis du Code civil) ;
L'action introduite par citation du 29 décembre 2014 l'a donc été en temps non prescrit ».
Griefs
En vertu de l'article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à cette convention sont prescrites dans le délai d'un an. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d'après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans. La prescription court : a) dans le cas de perte partielle, d'avarie ou de retard, à partir du jour où la marchandise a été livrée ; b) dans le cas de perte totale, à partir du trentième jour après l'expiration du délai convenu ou, s'il n'a pas été convenu de délai, à partir du soixantième jour après la prise en charge de la marchandise par le transporteur, et c) dans tous les autres cas, à partir de l'expiration d'un délai de trois mois à dater de la conclusion du contrat de transport.
Il découle des termes mêmes de cette disposition que celle-ci s'applique à toutes les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports, y compris les actions extracontractuelles non réglées par la convention.
L’arrêt constate qu'à la demande de la défenderesse, l'assurée de la demanderesse a effectué le transport de tarmac vers le chantier du viaduc de ... et que, le 24 novembre 2011, alors qu'il approvisionnait le chantier, un camion Volvo de l'assurée de la demanderesse a perdu du mazout, qui s'est répandu sur l'asphalte mis en œuvre par la défenderesse. Il décide que la défenderesse et l'assurée de la demanderesse ont certes conclu un contrat de transport mais que la défenderesse n'exerce pas une action fondée sur le contrat de transport à l'encontre de l'assurée de la demanderesse, son action étant une action en responsabilité extracontractuelle basée sur les articles 1382 et 1384, alinéa 1er, du Code civil. Il conclut que l'article 32 de la convention ne s'applique pas et que l'action introduite par citation du 29 décembre 2014 n'est pas prescrite.
Par les considérations qui précèdent, l’arrêt décide de manière implicite mais certaine que le dommage s'est réalisé à l'occasion du transport et donc dans le cadre de l'exécution du contrat de transport. En décidant, dans ces circonstances, que le délai de prescription visé à l'article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route ne s'applique pas au motif que l'action exercée par la défenderesse est une action en responsabilité extracontractuelle et, pour cette raison, étrangère au contrat de transport, alors que le délai de prescription visé audit article 32 s'applique à toutes les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la convention, y compris les actions extracontractuelles, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision (violation de l'article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route).
À tout le moins, l’arrêt omet d'examiner si le dommage dont la défenderesse poursuit la réparation s'est produit pendant ou à l'occasion du transport. En décidant que le délai de prescription visé à l'article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route ne s'applique pas, sans examiner si le dommage dont la défenderesse poursuit la réparation s'est produit pendant ou à l'occasion du transport, l’arrêt ne justifie pas légalement sa décision (violation de l'article 32 de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route).
III. La décision de la Cour
L’article 32, § 1er, de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route dispose que les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à cette convention sont prescrites dans le délai d’un an et que, toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d’après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans.
Il suit des termes mêmes de cette disposition que le délai de prescription qu’elle institue s’applique à toute action à laquelle peut donner lieu un transport soumis à ladite convention, lors même qu’elle est relative à des obligations que celle-ci ne règle pas.
Tant par ses motifs propres que par adoption des motifs du jugement entrepris, l’arrêt constate que la défenderesse, effectuant des travaux de voirie sur le viaduc de ..., a chargé la s.p.r.l. Transports D., assurée de la demanderesse, d’apporter du tarmac sur le chantier ; que, alors qu’il approvisionnait le chantier, un camion de ce transporteur a perdu du mazout qui a endommagé l’asphalte posé par la défenderesse, l’obligeant à des travaux de réfection, et que celle-ci exerce contre la demanderesse une action fondée sur la responsabilité extracontractuelle du transporteur et tendant à la réparation de ce dommage.
En considérant, pour écarter l’exception de prescription déduite par la demanderesse de l’article 32, § 1er, de la Convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, que « [la défenderesse] n’exerce pas une action fondée sur le contrat de transport » qu’elle a conclu avec la s.p.r.l. Transports D. mais « une action en responsabilité extracontractuelle » à l’appui de laquelle elle « invoque […] le vice du camion (article 1384, alinéa 1er, de l’ancien Code civil) », que « l’action est dès lors totalement étrangère au contrat de transport, de sorte quelle ne trouve pas sa source dans un contrat de transport régi par la[dite] convention », l’arrêt, qui constate pourtant que le dommage est survenu lors de l’exécution de ce contrat, viole l’article 32, § 1er, précité.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du trente et un octobre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0113.F
Date de la décision : 31/10/2024
Type d'affaire : Droit commercial

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-10-31;c.18.0113.f ?

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