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30/10/2024 | BELGIQUE | N°P.24.1048.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 octobre 2024, P.24.1048.F


N° P.24.1048.F
B. E.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseils Maîtres Damien Holzapfel et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 juin 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusio

ns au greffe le 28 octobre 2024.
A l’audience du 30 octobre 2024, le président de section chev...

N° P.24.1048.F
B. E.,
prévenu,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, et ayant pour conseils Maîtres Damien Holzapfel et Mona Giacometti, avocats au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 14 juin 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe le 28 octobre 2024.
A l’audience du 30 octobre 2024, le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 65, alinéa 2, du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
A l’audience du 17 mai 2024 de la cour d’appel, le demandeur a sollicité, « à titre infiniment subsidiaire, la mise en continuation de l’affaire au plus tôt le 16 juin 2024, en vue de plaider l’application de l’article 65 du Code pénal, avec une autre décision de cette chambre à intervenir ».
Le demandeur expose s’être trouvé impliqué, devant la douzième chambre de la cour d’appel, dans deux procédures judiciaires relatives à des faits similaires, l’une ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, rendu le 14 juin 2024, l’autre à un arrêt prononcé la veille, 13 juin 2024, et également frappé d’un pourvoi.
Le moyen reproche à l’arrêt de rejeter la demande de mise en continuation formulée par le demandeur afin de solliciter, au titre de l’unité d’intention à relever entre les faits des deux causes, que le juge tienne compte, pour la fixation de la peine encourue dans l’une, de celle déjà prononcée dans l’autre.
L’article 65, alinéa 2, du Code pénal suppose l’existence d’une intention délictueuse commune entre des faits déjà jugés et d’autres qui doivent encore l’être.
La disposition légale invoquée ne s’applique pas à deux causes fixées simultanément devant le même juge et dont aucune n’a encore fait l’objet d’une décision définitive.
Ni l’article 6 de la Convention ni le principe général du droit visé au moyen n’obligent le juge du fond à ajourner l’examen d’une procédure, en vue de l’application éventuelle dudit article 65, alinéa 2, dans l’attente d’une décision à intervenir dans une autre cause fixée à charge de la même personne devant la même juridiction.
Le moyen manque en droit.

Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
Le demandeur reproche à l’arrêt de le déclarer coupable d’infraction à l’article 47bis, § 6, 8), du Code d’instruction criminelle.
En vertu de cette disposition légale, l’avocat est tenu, sous peine des sanctions comminées par l’article 458 du Code pénal, de garder secrètes les informations dont il acquiert la connaissance en apportant son assistance pendant les auditions effectuées au cours de l’information ou de l’instruction.
Il est reproché à l’arrêt de se fonder sur le principe du secret de l’instruction pour déclarer ces dispositions applicables, alors que ce principe n’est pas pertinent puisque l’avocat n’est pas une personne appelée à prêter son concours professionnel à l’instruction.
Mais l’arrêt énonce également que l’article 47bis, § 6, 8), du Code d’instruction criminelle impose à l’avocat une obligation générale de garder secrètes les informations qu’il obtient en assistant son client à l’occasion de son audition.
Les juges d’appel ont pu mettre cette obligation générale en rapport avec le principe du secret de l’instruction énoncé par l’article 57, § 1er, alinéa 1er, dudit code.
De la circonstance que l’avocat n’est pas une personne appelée à prêter son concours professionnel à l’instruction, au sens de l’article 57, § 1er, alinéa 2, il ne se déduit pas que l’obligation spécifique imposée par l’article 47bis, § 6, 8), ne lui soit pas applicable ni, dès lors, que la seule référence au principe du secret de l’instruction entache l’arrêt d’une quelconque illégalité.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Le demandeur a déposé des conclusions soutenant que les procès-verbaux d’audition qu’il lui est reproché d’avoir communiqués à un tiers n’étaient pas couverts par le secret puisqu’il s’agit de pièces délivrées au justiciable par l’autorité judiciaire et que ce dernier peut en faire ce que bon lui semble.
L’arrêt répond à cette défense en considérant que la délivrance de ces pièces au justiciable ne dispense que ce dernier de l’obligation au secret, à l’exclusion de son avocat qui, l’ayant assisté au cours de l’audition ou de l’interrogatoire, reste assujetti à la prohibition générale instituée par l’article 47bis, § 6, 8).
Le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
L’article 47bis, § 6, 8) du Code d’instruction criminelle oblige l’avocat à garder secrètes les informations qu’il recueille en apportant son assistance aux auditions de son client.
Ces informations n’échappent pas au secret imposé à l’avocat du seul fait qu’elles sont consignées dans des procès-verbaux auxquels il a accès indépendamment de sa présence à l’audition.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que la Cour constitutionnelle soit interrogée à titre préjudiciel dans les termes suivants :
« L’article 47bis, § 6, 8), du Code d’instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il impose une obligation de secret à l’avocat qui communique à un tiers la copie de l’audition remise par son client lorsqu’il a assisté à ladite audition, mais n’impose pas une telle obligation lorsque celui-ci n’a pas assisté à l’audition de son client ? ».
Les termes de la comparaison suggérée par le demandeur concernent donc, d’une part, l’avocat qui a assisté son client lors d’une audition ou un interrogatoire et, d’autre part, l’avocat qui n’a pas fourni une telle assistance. L’obligation au secret vaut pour les informations obtenues dans le cadre de la première catégorie, tandis que le législateur ne l’impose pas dans le cadre de la seconde.
La question concerne donc des personnes qui, placées dans une situation différente, sont traitées différemment. Partant, elle ne concerne pas des personnes traitées différemment alors que leur situation juridique est identique ou similaire, ni des personnes soumises à un même traitement alors qu’elles sont placées dans des situations différentes.
Il n’y a, dès lors, pas lieu d’ordonner le renvoi sollicité, la question n’étant pas préjudicielle au sens du chapitre II du titre premier de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quatre-vingt-neuf euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, le chevalier Jean de Codt, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trente octobre deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.1048.F
Date de la décision : 30/10/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 26/11/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-10-30;p.24.1048.f ?

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