N° P.24.0416.F
T. B.,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Olivier Dubois, avocat au barreau de Charleroi,
contre
J. V. de S.
prévenu,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 5 février 2024 par le tribunal correctionnel du Hainaut, division Mons, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
A la suite d’un accident de la circulation causé par le défendeur, le demandeur a perçu de son organisme assureur un montant total de 26.178,73 euros à titre d’indemnité pour incapacité de travail du 1er avril 2019 au 4 septembre 2023.
Devant le tribunal correctionnel, le demandeur a sollicité la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 10.820,57 euros, à ce même titre, pour la perte de sa valeur économique sur le marché du travail. Selon les conclusions d’appel, ce montant représente le préjudice non couvert par les versements effectués mensuellement par l’organisme assureur entre le 1er avril 2019 et le 31 janvier 2022.
Le jugement attaqué rejette la demande au motif que le total de la somme versée par la mutuelle dépasse ledit dommage.
Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, et 136, § 2, alinéas 1er et 4, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnité.
Le moyen soutient qu’il faut diviser par deux la période relative au dommage économique permanent passé. Du 1er avril 2019, date de la consolidation, jusqu’au 31 janvier 2022, le dommage subi en droit commun dépasse le montant des indemnités versées au demandeur et celui-ci peut donc prétendre à la différence. Du 1er février 2022 au 4 septembre 2023, la mutuelle a versé des indemnités plus importantes, dépassant le montant du préjudice subi, et pour cette période, le demandeur ne réclame rien.
Le moyen repose sur l’affirmation que, les indemnités de mutuelle étant versées mensuellement, il y va de deux dommages distincts en manière telle qu’on ne peut pas appliquer à la première période l’effet subrogatoire extinctif qui résulte de la seconde.
En vertu de l’article 136, § 2, alinéa 4, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, l’organisme assureur est subrogé de plein droit au bénéficiaire du droit aux indemnités d’incapacité de travail à concurrence du montant des prestations octroyées pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu du droit commun et réparent le même dommage.
Conformément à l’article 87 de la loi précitée, le bénéficiaire reçoit pour chaque jour ouvrable de la période d’un an prenant cours à la date de début de son incapacité de travail une indemnité d’incapacité primaire.
Il ne ressort ni de cette disposition, ni d’aucune autre que la périodicité du paiement effectué par l’organisme assureur au bénéfice de son assuré ait une influence sur la nature du dommage né de l’incapacité de travail.
De la circonstance que les montants alloués par la mutuelle sont payés mois après mois, il ne se déduit pas que le dommage subi ce mois-là doive être considéré comme un préjudice différent de celui subi le mois précédent ou le mois suivant.
Reposant sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Le moyen invoque la violation de l’article 162bis, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, 1022 du Code judiciaire et 2 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007 fixant le tarif des indemnités de procédure visées à l’article 1022 du Code judiciaire et fixant la date d’entrée en vigueur des articles 1er à 13 de la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et frais d’avocat.
Il reproche au jugement de fixer le montant de l’indemnité de procédure au regard de la somme effectivement allouée au demandeur alors qu’en vertu des dispositions invoquées, le juge doit fixer l’indemnité de procédure par référence au montant réclamé.
Aux termes de l’article 2 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007, le montant de l’indemnité de procédure est déterminé en fonction du montant de la demande tel que fixé conformément aux articles 557 à 562 du Code judiciaire. La demande à prendre en considération est celle qui est formulée dans l’acte introductif d’instance ou dans les dernières conclusions.
Nonobstant le prescrit dudit arrêté royal, le juge peut calculer l’indemnité de procédure sur la base du montant alloué plutôt que du montant demandé, si ce dernier résulte soit d’une surévaluation manifeste que n’aurait pas commise un justiciable normalement prudent et diligent, soit d’une majoration effectuée de mauvaise foi, dans le seul but d’intégrer artificiellement le montant de la demande à la tranche supérieure.
Selon le jugement attaqué, le défendeur sollicite que l’indemnité de procédure à allouer à son adversaire soit fixée en tenant compte de l’enjeu réel du litige. A cet égard, le jugement relève que, devant le tribunal de police, la partie civile a obtenu la somme de 277.295,55 euros et que, sur appel, il lui est désormais alloué un montant total de 242.216,59 euros. Le jugement considère qu’il y a lieu, dès lors, de fixer le montant de l’indemnité de procédure d’instance à dix mille cinq cents euros et celle d’appel à sept mille cinq cents euros.
Par aucune considération, le tribunal n’a indiqué pourquoi il se fonde sur les montants alloués et non sur les montants demandés, pour fixer le montant des indemnités de procédure.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué, en tant qu’il fixe les indemnités de procédure dues au demandeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais de son pourvoi et réserve le quart restant pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel du Hainaut, siégeant en degré d’appel, autrement composé.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent cinquante-neuf euros huit centimes dont cent vingt-quatre euros huit centimes dus et trente-cinq euros payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, le chevalier Jean de Codt, président de section, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du trente octobre deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.