N° F.20.0108.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du Centre P à Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 80), inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.159,
demandeur en cassation,
contre
B. M.,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître François Viseur, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 140.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 novembre 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 9 octobre 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Sur la première fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de l’imprécision :
Le moyen indique avec une précision suffisante qu’il invoque les articles 3, § 2, et 22, § 2, a), de la Convention du 23 mai 2007 entre le royaume de Belgique et la République démocratique du Congo en vue d’éviter la double imposition et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, et son protocole.
La mention « , et au protocole, » après l’intitulé de la convention résulte d’une erreur matérielle qui ne nuit pas à la compréhension.
Sur la seconde fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur et déduite de ce que le moyen est imprécis et qu’il invite la Cour à statuer au fond de l’affaire :
La contestation des raisonnements et de la démonstration des illégalités, développés par le moyen, est étrangère à la recevabilité de celui-ci.
Pour le surplus, l’examen de la fin de non-recevoir est indissociable de celui du moyen.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Sur le fondement du moyen :
En vertu de l’article 22, § 2, a), de la Convention du 23 mai 2007 entre le royaume de Belgique et la République démocratique du Congo en vue d’éviter la double imposition et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, la double imposition sera évitée de la manière suivante : en ce qui concerne la Belgique, lorsqu’un résident de la Belgique reçoit des revenus, autres que des dividendes, des intérêts ou des redevances, ou possède des éléments de fortune qui sont imposés en République démocratique du Congo conformément aux dispositions de la convention, la Belgique exempte de l’impôt ces revenus ou ces éléments de fortune.
L’article 1er du protocole de cette convention prévoit que les dispositions de la convention qui sont rédigées conformément aux dispositions correspondantes du modèle de convention fiscale de l’O.C.D.E. concernant
le revenu et la fortune sont censées avoir généralement le même sens que celui qui leur est donné dans le commentaire sur les articles du modèle de convention fiscale de l’O.C.D.E. et que ce commentaire, tel qu’il peut être révisé périodiquement, constitue un moyen d’interprétation au sens de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.
Suivant le point 35 du commentaire de l’O.C.D.E. relatif aux articles 23, A, et 23, B, du modèle de convention fiscale, concernant les méthodes pour éliminer les doubles impositions, les États contractants peuvent déroger à l'obligation absolue incombant à l'État de la résidence d'accorder une exemption afin d'éviter une absence d'imposition.
Suivant le préambule de la convention du 23 mai 2007, celle-ci a pour but d'éviter la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et, suivant l'exposé des motifs du projet de la loi du 13 février 2009 portant assentiment à cette convention, les revenus de source congolaise perçus par un résident de la Belgique, autre que des dividendes, des intérêts ou des redevances, qui sont effectivement imposés en République démocratique du Congo, sont exemptés en Belgique.
Il s’ensuit que, en prévoyant que la Belgique exempte de l’impôt les revenus autres que des dividendes, des intérêts ou des redevances, perçus par un résident belge, qui sont imposés en République démocratique du Congo, l’article 22, § 2, a), de la convention précitée déroge à l’article 23, A, 1, du modèle de convention de l’O.C.D.E., suivant lequel l’État de la résidence exempte de l’impôt les revenus de même nature qui sont imposables dans l’État de la source.
Il s’ensuit également que ces revenus ne sont exemptés en Belgique que s’ils sont effectivement imposés au Congo.
L’arrêt, qui constate que le défendeur « a travaillé en qualité d’enseignant salarié […] en République démocratique du Congo pour le compte d’une association sans but lucratif de droit belge » et « n’a pas été effectivement imposé sur ses revenus d’enseignant au Congo », ne décide pas légalement que, « les revenus en cause [ayant] été imposés au sens de la convention, [dès lors que] l’absence d’imposition [résulte] du régime fiscal de la [République démocratique du Congo], [le défendeur] peut bénéficier de l’exemption par la Belgique de [ces revenus] ».
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il dit l’appel recevable ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.