N° C.24.0089.F
VULKAN, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Uccle, avenue Jacques Pastur, 15, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0477.246.829,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
IMMO SUCCES, société anonyme, dont le siège est établi à Genappe (Ways), rue Émile François, 53, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0432.316.627,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 19 septembre 2023 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le second moyen :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et déduite du défaut d’intérêt :
Il ne suit pas des motifs du jugement attaqué que celui-ci décide que seule est recevable l’action de la demanderesse fondée sur une absence de commencement des travaux de reconstruction dans le délai de six mois suivant la fin de l’occupation de l’immeuble loué.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen :
L’article 25, alinéa 1er, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux, qui consacre, dans les cas qu’il détermine, le droit à une indemnité d’éviction en faveur du preneur qui s’est vu refuser le droit au renouvellement du bail et qui fixe forfaitairement le montant de cette indemnité, réserve expressément aux parties la faculté de régler ce point selon leurs conventions particulières, pour autant que leur accord survienne après l’ouverture de ce droit.
Le droit à une indemnité d’éviction naît, dans le cas prévu à l’article 25, alinéa 1er, 3°, de la loi du 30 avril 1951, lorsque le bailleur, sans justifier d’un motif grave, ne réalise pas dans les six mois ou ne poursuit pas pendant deux ans au moins l’intention pour laquelle il a pu évincer le preneur.
Il s’ensuit qu’en règle, l’accord des parties visé à l’article 25, alinéa 1er, précité ne peut être conclu qu’à partir de ce moment.
Le délai dans lequel le bailleur est tenu de réaliser l’intention pour laquelle il a pu évincer le preneur prend cours au moment où, le preneur n’occupant plus le bien loué, l’éviction a effectivement lieu.
Le jugement attaqué constate que la demanderesse et la défenderesse ont conclu un contrat de bail commercial, que, par lettre « du 13 juillet 2016, [la demanderesse] a adressé une demande de renouvellement du bail », que, « le 29 septembre 2016, [la défenderesse] a refusé celle-ci, conformément à l’article 16 de la loi sur les baux commerciaux », son intention étant « de reconstruire la partie d’immeuble dans laquelle [la demanderesse] exerçait son activité », que, « sur la base d’un accord verbal, [la demanderesse] est restée dans les lieux », que, « le 2 juillet 2018, les parties ont négocié et signé une transaction », que, « ce même 2 juillet 2018, [la demanderesse a restitué] les clés », que, « dès la fin de l’occupation précaire, [une société tierce] a procédé à l’évacuation d’un grand nombre d’objets » et a facturé ces travaux le 31 août 2018, et que la défenderesse « fait état de ce que, le 5 octobre 2020, [des tiers] ont acquis le bien [précédemment loué] ».
Il considère que « les travaux de déblai font partie des travaux annoncés, en sorte que [la défenderesse] a respecté le […] délai […] de six mois suivant la fin de l’occupation pour commencer les travaux », prévu par l’article 25, alinéa 1er, 3°, précité.
Il déduit de ces énonciations que la transaction précitée est « valable au sens de l’article 25, alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux » et que, « dans ces conditions, [la demanderesse] n’est pas fondée à se prévaloir du non-respect par [la défenderesse] de son obligation de faire réaliser elle-même les travaux de démolition et de reconstruction ».
Le jugement attaqué, qui, par ces énonciations, retient que, le preneur ayant cessé d’occuper le bien loué, l’éviction a effectivement eu lieu le 2 juillet 2018 et que les parties ont conclu valablement le même jour une convention réglant le droit de la demanderesse à l’indemnité d’éviction prévue par l’article 25, alinéa 1er, 3°, de la loi sur les baux commerciaux, viole cette disposition.
Le moyen est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le premier moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu’il reçoit l’appel principal ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.