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07/10/2024 | BELGIQUE | N°F.23.0080.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 octobre 2024, F.23.0080.F


N° F.23.0080.F
Fr. H.-E, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite en nom personnel de C. B.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Louvain, Koning Leopold I-straat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi

à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure ...

N° F.23.0080.F
Fr. H.-E, avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite en nom personnel de C. B.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Louvain, Koning Leopold I-straat, 3, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 25 mars 2022 et 9 décembre 2022 par la cour d’appel de Mons.
Le 23 août 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 23 août 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Simon Claisse a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
L’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est, en règle, pas applicable en matière fiscale. Toutefois, il est applicable aux amendes, accroissements ou majorations d’impôt ayant un caractère pénal au sens du paragraphe 1er de cette disposition.
Dans la mesure où il concerne l’impôt dont le défendeur demandait la validation par voie de cotisation subsidiaire, le moyen, qui fait grief à l’arrêt attaqué du 25 mars 2022 de décider que le délai raisonnable, dans lequel toute personne a le droit d’être jugée, n’a pas été dépassé, est irrecevable.
Pour le surplus, s’agissant des accroissements prévus par cette cotisation subsidiaire, dont l’arrêt attaqué du 25 septembre 2022 considère qu’il s’agit d’une sanction de nature pénale, le juge apprécie souverainement s'il y a dépassement du délai raisonnable.
Il tient compte dans cette appréciation de la complexité de l'affaire ainsi que de l'attitude des autorités compétentes et de l'intéressé.
Seules les lenteurs imputables à l’État permettent de considérer qu’il y a dépassement du délai raisonnable, quand bien même ces lenteurs ne seraient pas fautives.
L’arrêt attaqué du 25 mars 2022 constate que « la cotisation […] relative à l’exercice d’imposition 1989 a été annulée pour une cause autre que la prescription par [un arrêt] du 1er mars 2019 » et que « [le défendeur] a soumis une cotisation subsidiaire à l’appréciation de la cour [d’appel] par une requête sous la forme de conclusions déposées le 3 mai 2019 », comprenant un accroissement d’impôt de 50 p.c. « pour absence de déclaration avec intention d’éluder l’impôt ».
Il constate en outre que le failli et son épouse, « ont, par la voix de leur conseil, formé une réclamation à l'encontre de la cotisation [relative à l’exercice d’imposition 1989] par lettre du 3 juillet 1990, réceptionnée le 5 juillet 1990, sollicitant d’être entendus et d'avoir accès au dossier », que « des échanges entre l'administration fiscale et l'avocat ont existé en 1991 », que « l'instruction de la réclamation s'est révélée compliquée en raison de l'existence des procédures pénales impliquant [le failli], d'autant plus que la taxation indiciaire était fondée en grande partie sur des éléments tirés du dossier répressif que les agents du fisc avaient été autorisés à consulter », que « la circonstance que [le failli] était incarcéré et que tous ses documents personnels avaient été saisis a retardé et compliqué la production de preuves contraires qui incombait aux contribuables », que la demanderesse a été désignée comme curateur de la faillite par jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 9 mars 1994, que « [la demanderesse] a sollicité et obtenu à de nombreuses reprises des prolongations des délais de réponse aux questions posées par l'administration fiscale », que « des auditions […] ont été organisées et des documents produits au fur et à mesure », qu’« une abondante correspondance [a été] échangée entre l'administration fiscale et [la demanderesse] entre 1998 et 2002 visant à instruire la réclamation », que « le directeur régional a rejeté [cette dernière] par lettre recommandée du 21 novembre 2002 », que l’épouse du failli « a formé un recours fiscal par requête déposée le 14 février 2003 et [la demanderesse], par requête déposée le 19 février 2003 devant le tribunal de première instance de Mons », que « le tribunal a joint les causes par jugement du 22 février 2005 », que « l'instruction de la cause a été retardée notamment dans l'attente d'une réponse à une question préjudicielle posée par un autre tribunal en 2010 et en raison de plusieurs demandes successives de mise en état », que « le jugement entrepris a été prononcé le 20 novembre 2014 », que l’épouse du failli « a formé appel dudit jugement par requête [du] 3 juin 2016 [et la demanderesse], par requête déposée […] le 6 juin 2016 », que, « par arrêt du 30 mars 2018, la cour [d'appel] a joint les deux causes » et que, « par arrêt du 1er mars 2019, [la cour d’appel] a, notamment, annulé la cotisation […] relative à l'exercice d'imposition 1989 et ordonné la réouverture des débats aux fins de permettre [au défendeur] de soumettre une cotisation subsidiaire […] en application de l'article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992 ».
L’arrêt, qui déduit de ces énonciations que la succession des événements révèle que la complexité du dossier et de la situation explique le délai écoulé et qu’aucune faute ne peut être reprochée au défendeur, sans rechercher si ce délai lui est imputable, ne justifie pas légalement sa décision « qu’il ne saurait, en l’espèce, y avoir dépassement du délai raisonnable ».
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Sur le deuxième moyen :
Dans ses conclusions, déposées au greffe de la cour d’appel le 28 novembre 2019, le défendeur soutenait que « les dépenses, placements, investissements et accroissements d'avoirs constatés au cours d'une période imposable, considérés comme des signes ou indices d’où résulte une aisance supérieure sont présumés, sauf preuve contraire, provenir des revenus imposables et que cette présomption légale implique que, pour déterminer la base imposable, l'administration ne doit établir ni la provenance ni la nature des avoirs qui justifient la taxation d'après les signes ou indices et, partant, ne doit pas rattacher ces avoirs à l'une des catégories particulières des revenus visés à l'article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992 ».
La cour d'appel, qui, par l’arrêt attaqué du 25 mars 2022, a décidé que les revenus révélés par les signes et indices d'aisance sont des revenus nets de nature indéterminée, n’a pas relevé d'office un moyen qui n'a pas été soumis à la contradiction des parties.
Le moyen manque en fait.
La cassation de l’arrêt attaqué du 25 mars 2022 en tant qu’il statue sur l’accroissement d’impôt entraîne l’annulation de l’arrêt du 9 décembre 2022, dans la mesure où il en est la suite.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué du 25 mars 2022 en tant qu’il statue sur l’accroissement d’impôt ;
Annule l’arrêt du 9 décembre 2022 en tant qu’il statue sur l’accroissement d’impôt et sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé et de l’arrêt partiellement annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du sept octobre deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.23.0080.F
Date de la décision : 07/10/2024
Type d'affaire : Droit fiscal

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-10-07;f.23.0080.f ?

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