N° P.24.0739.F
K. W.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Justine Doigni, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 25 avril 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L’avocat général délégué Véronique Truillet a conclu.
II. LES FAITS
Par un jugement rendu par défaut le 22 juin 2023, le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné le demandeur à une peine d’emprisonnement de deux ans et à une amende de huit cents euros du chef de coups ou blessures volontaires à un agent de police, une incapacité de travail étant résulté des coups, coups ou blessures volontaires à un autre agent, rébellion et outrages.
Aux termes d’un jugement rendu contradictoirement le 20 septembre 2023, l’opposition formée par le demandeur a été déclarée non avenue.
Par une déclaration faite au greffe de la prison de Haren, le demandeur a relevé appel de ce jugement le 19 novembre 2023, soit après l’expiration du délai de trente jours prescrit par l’article 203, § 1er, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle.
Le 27 mars 2024, le conseil du demandeur a sollicité devant la cour d’appel que le recours soit relevé de la déchéance encourue. Il a fait valoir que le 20 septembre 2023, le demandeur n’avait pas été extrait de la prison afin d’assister au prononcé du jugement entrepris, qu’il ne parlait pas le français et qu’il n’avait pas été informé de la possibilité d’interjeter appel.
L’arrêt attaqué décide que l’appel du demandeur est irrecevable dès lors qu’il ne ressort d’aucun élément de la cause qu’il se soit trouvé confronté à un cas de force majeure l’empêchant d’interjeter appel dans le délai légal.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Le moyen est pris notamment de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les exigences de cet article relatives au droit d’accès à un tribunal impliquent que l’impossibilité absolue d’agir puisse constituer un cas de force majeure prorogeant le délai d’appel du temps pendant lequel l’appelant s’est trouvé dans cette impossibilité.
Le juge du fond apprécie en fait et, partant, de manière souveraine, si les circonstances invoquées constituent un cas de force majeure autorisant le dépassement du délai. Il appartient toutefois à la Cour de vérifier si, de ses constatations, le juge a pu déduire la conclusion qu’il en tire.
Pour exclure la force majeure invoquée, l’arrêt considère que le demandeur a comparu en personne et qu’il était assisté d’un interprète lors de l’audience à l’issue de laquelle la cause relative à son opposition a été prise en délibéré, que le jugement rendu ensuite l’a donc été contradictoirement, que la procédure à cet égard est régulière dès lors qu’aucun élément nouveau n’a été soulevé lors de l’audience de prononciation, que le prévenu était avisé de la date à laquelle ledit jugement serait rendu, que ce jugement indiquait expressément la possibilité d’interjeter appel, et que le demandeur a été négligent pour ne pas s’être soucié des suites de cette procédure à l’origine de laquelle il se trouvait.
Mais ce n’est pas parce qu’un prévenu détenu, qui a comparu en personne lors des débats et avec l’assistance d’un interprète, est informé de la date à laquelle le jugement qui le concerne sera prononcé, que cette décision l’est nécessairement à cette date ni que l’intéressé a, en outre, connaissance, dans une langue qu’il comprend, de son contenu et, notamment, de la possibilité de l’attaquer en interjetant appel.
Et l’éventuelle négligence d’un tel prévenu qui ne se serait pas informé lui-même des suites de l’opposition à l’origine de laquelle il se trouve et n’aurait pas consulté un avocat, ne saurait, à elle seule, justifier la décision qu’il ne peut invoquer la force majeure.
D’où il suit que, sur le fondement des considérations résumées ci-dessus, les juges d’appel n’ont pu écarter légalement la force majeure telle qu’invoquée par le demandeur.
Le moyen est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner le surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.