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24/06/2024 | BELGIQUE | N°C.24.0020.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2024, C.24.0020.F


N° C.24.0020.F
1. C. C.,
2. C. C., et
3. L. C.,
4. F. C.,
5. G. C.,
6. A. B., et
7. J.-L. L.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, prêtant son ministère sur projet et réquisition quant aux deuxième à sixième moyens, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. COMMUNE DE WELKENRAEDT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Welkenraedt, rue de l’École, 6, in

scrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.621.975,
2. ACTE 6, société à respons...

N° C.24.0020.F
1. C. C.,
2. C. C., et
3. L. C.,
4. F. C.,
5. G. C.,
6. A. B., et
7. J.-L. L.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, prêtant son ministère sur projet et réquisition quant aux deuxième à sixième moyens, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
1. COMMUNE DE WELKENRAEDT, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Welkenraedt, rue de l’École, 6, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.621.975,
2. ACTE 6, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Welkenraedt (Henri-Chapelle), chaussée de Liège, 51, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0886.724.213,
3. RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du fonctionnaire délégué de la direction générale opérationnelle de l’Aménagement du territoire, du Logement, du Patrimoine et de l’Énergie de la Région wallonne, Service public de Wallonie, faisant élection de domicile à Liège, Montagne Sainte-Walburge, 2,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 20 décembre 2022 par la cour d’appel de Liège.
Par ordonnance du 5 juin 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport.
L’avocat général Bénédicte Inghels a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent six moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’article 149 de la Constitution se borne à imposer au juge le respect d’une règle de forme, étrangère à la valeur des motifs des jugements et arrêts.
Le moyen, qui, en cette branche, fait valoir qu’en se référant uniquement à la limite de 40 décibels en zone agricole entre 22 heures et 6 heures, fixée par l’arrêté du gouvernement wallon du 4 juillet 2002 fixant les conditions générales d’exploitation des établissements visés par le décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, l’arrêt ne répond pas de manière pertinente au moyen des demandeurs déduit de l’existence de normes particulières fixées dans le permis d’environnement et sectorielles, et fixées dans l’arrêté royal du 24 février 1977 fixant les normes acoustiques pour la musique dans les établissements publics et privés, invoque une illégalité étrangère à l’obligation de forme prescrite par cette disposition constitutionnelle.
Quant à la seconde branche :
En vertu de l’article 1er de l’arrêté royal du 24 février 1977, pour l’application des dispositions de cet arrêté, on entend par établissements publics tous les établissements ainsi que leurs dépendances accessibles au public même si leur accès est limité à certaines catégories de personnes, contre paiement ou non, tels que les salles de danse, salles de concert, discothèques, cercles privés, magasins, restaurants, débits de boisson, y compris ceux qui sont situés en plein air, par établissements privés les habitations et leurs dépendances et jardins et, en général, tous les endroits non accessibles au public, et par niveau du bruit de fond le niveau sonore minimum, mesuré pendant une période de cinq minutes, à l’exclusion des sources sonores d’où provient la musique dans les établissements précités.
L’article 3, alinéa 1er, de cet arrêté dispose que les établissements publics et privés dans lesquels est produite de la musique, doivent être aménagés de telle façon que le niveau sonore mesuré dans le voisinage 1° ne dépasse pas de 5 dB(A) le niveau du bruit de fond, quand celui-ci est inférieur à 30 dB(A), 2° ne dépasse pas 35 dB(A) quand le niveau du bruit de fond se situe entre 30 et 35 dB(A) et 3° ne dépasse pas le niveau du bruit de fond quand celui-ci est supérieur à 35 dB(A).
L’application de la limite de 35 dB(A) de l’article 3 précité suppose que le niveau sonore minimum, mesuré pendant une période de cinq minutes, à l’exclusion des sources sonores d’où provient la musique, se situe entre 30 et 35 dB(A).
Cet élément de fait ne ressort ni de l’arrêt ni d’aucune des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard.
Dans la mesure où il fait grief à l’arrêt de ne pas appliquer ladite limite, l’examen du moyen, en cette branche, suppose des vérifications de fait excédant les pouvoirs de la Cour.
Pour le surplus, la violation prétendue des autres dispositions légales visées au moyen, en cette branche, est tout entière déduite de celle vainement alléguée de l’article 3 de l’arrêté royal du 24 février 1977.
Le moyen, en chacune de ses branches, est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Dans la mesure où il est pris de la violation des articles 8.17 et 8.18 du Code civil, le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt de violer la foi due aux actes de procédure sans préciser les actes visés par ce grief, est imprécis, partant, irrecevable.
Pour le surplus, de ce qu’il énonce que « le premier juge avait réservé à statuer sur l’éventuelle mise en cause de la responsabilité de la [première défenderesse] ou la [deuxième défenderesse], les parties ayant demandé une mise en état de cette question », que, « par l’effet dévolutif de l’appel, la totalité du litige est soumise à la cour [d’appel] », que, « cependant, la cour [d’appel] note qu’aucune des parties n’a abordé ou n’a instruit cette question ou n’a postulé une quelconque réserve », qu’« elle n’est pas non plus abordée en termes de requête d’appel » et qu’« il faut donc conclure que cette demande n’est pas poursuivie », il ne se déduit pas que l’arrêt considère que les demandeurs ont renoncé à ce chef de demande et qu’ils se sont désistés partiellement de leur action.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen, qui, en cette branche, ne permet pas de déterminer en quoi consiste la contradiction dénoncée, est imprécis, partant, irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Il ressort des conclusions des deuxième et troisième défenderesses qu’elles demandaient la condamnation des demandeurs à une indemnité de procédure de 1 680 euros par instance.
En condamnant les demandeurs à une indemnité de procédure de deux fois 1 560 euros, soit 3 120 euros, l’arrêt n’accorde pas un montant supérieur à celui qui était demandé.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
Il ressort des pièces de la procédure que les demandeurs ont intimé la troisième défenderesse et que, devant la cour d’appel, celle-ci, qui a conclu contre eux, demandait la confirmation du jugement entrepris.
Il s’ensuit qu’il existait un lien d’instance entre ces parties.
Pour le surplus, l’arrêt, qui, conformément à ce que demandait la troisième défenderesse, dit l’appel des défendeurs non fondé, n’était pas tenu de répondre aux conclusions visées au moyen, en cette branche.
Celui-ci ne peut être accueilli.
Quant à la cinquième branche :
D’une part, le jugement entrepris avait réservé les dépens.
Partant, l’arrêt ne réforme pas ce jugement quant à l’indemnité de procédure.
D’autre part, l’arrêt, qui précise que l’indemnité de procédure à laquelle il condamne les demandeurs correspond au « montant de base pour un litige non évaluable en argent », ne les condamne pas au double de ce montant de base mais à une indemnité de procédure par instance.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première et à la deuxième branche :
Après avoir relevé que les demandeurs demandent qu’« une question préjudicielle soit posée à la Cour constitutionnelle en ces termes : ‘l’article 155, § 5, du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine est-il conforme aux articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec la convention d’Aarhus et la directive [2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement] en ce qu’il dispense de permis d’urbanisme des actes susceptibles d’effets notables sur l’environnement ?’ », l’arrêt considère, pour les motifs qu’il énonce aux pages 13 et 14, sous le numéro 28, qu’il n’y a pas violation des dispositions de la convention et de la directive précitées, qu’« en tout état de cause, la réponse à la question préjudicielle n’est pas indispensable pour la solution du litige », que les demandeurs « restent en défaut d’identifier des justiciables placés dans une situation identique dont la comparaison révèlerait une discrimination ou une rupture d’égalité en violation des articles 10 et 11 de la Constitution » et que « la question telle qu’elle est libellée n’est donc pas pertinente ».
Ces motifs, non critiqués, suffisent à fonder sa décision de ne pas poser la question préjudicielle précitée.
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui, en aucune de ces branches, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d’intérêt, partant, irrecevable.
Quant à la troisième branche :
En tant qu’il est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen, qui, en cette branche, critique la valeur des motifs de l’arrêt, dénonce une illégalité étrangère à cette disposition constitutionnelle, partant, est irrecevable.
Pour le surplus, aux termes de l’article D62, § 1er, du Code de l’environnement, toute demande de permis comporte soit une notice d’évaluation des incidences sur l’environnement, soit une étude d’incidences sur l’environnement.
L’article 124 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine dispose que les demandes de permis sont soumises à évaluation des incidences sur l’environnement conformément à la partie V du livre Ier du Code de l’environnement.
Aux termes de l’article 157, alinéa 1er, de ce code, le fonctionnaire délégué ou le collège communal peut poursuivre, devant le tribunal civil 1° soit la remise en état des lieux ou la cessation de l’utilisation abusive, 2° soit l’exécution d’ouvrages ou de travaux d’aménagement, 3° soit le paiement d’une somme représentant tout ou partie de la plus-value acquise par le bien à la suite de l’infraction.
En vertu de l’alinéa 2 de cette disposition, l’article 155, § 5, de ce code est applicable en cas d’action introduite devant le tribunal civil.
Suivant ledit article 155, § 5, lorsque le jugement ordonne, à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège communal, soit la remise en état des lieux, soit l’exécution d’ouvrages ou de travaux d’aménagement, ceux-ci sont exécutés par le condamné sans qu’il doive obtenir le permis visé à l’article 84.
Le juge qui fait droit à la demande du fonctionnaire délégué ou du collège communal ne statue pas sur une demande de permis d’urbanisme mais ordonne une mesure en vue de mettre fin à une infraction urbanistique.
Partant, les dispositions des articles D62, § 1er, et 124 précités ne sont pas applicables à une telle mesure.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Sur le quatrième moyen :
D’une part, en tant qu’il est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen, qui critique la valeur des motifs de l’arrêt, dénonce une illégalité étrangère à cette disposition constitutionnelle.
D’autre part, le moyen, qui fait grief à l’arrêt de ne pas poser la question préjudicielle demandée par les demandeurs, est étranger aux articles 10, 11 et 23 de la Constitution.
Le moyen est irrecevable.
Et, le moyen étant irrecevable pour un motif propre à la procédure en cassation, la question préjudicielle proposée par les demandeurs ne doit pas être posée à la Cour constitutionnelle.
Sur le cinquième moyen :
Ne constituent un moyen de cassation ni la référence à des moyens développés devant la cour d’appel ni une demande de poser des questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle.
Le moyen est irrecevable.
Et, le moyen étant irrecevable pour un motif propre à la procédure en cassation, les questions préjudicielles proposées par les demandeurs ne doivent pas être posées à la Cour constitutionnelle.
Sur le sixième moyen :
L’arrêt, qui, après avoir relevé que les demandeurs soutiennent que, « quelle que soit la mesure de réparation directe le cas échéant judiciairement retenue, elle ne vaudrait pas permis d’urbanisme ou, à titre éminemment subsidiaire, elle ne dispenserait pas de permis d’urbanisme les murs anti-bruit imposés à titre de mesure d’aménagement et n’impliquerait en aucune façon la régularisation civile et administrative de la terrasse litigieuse », considère que « le jugement ou l’arrêt qui ordonne la mesure de réparation vaut permis tant sous l’égide des articles 155, § 5, et 157 du Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine que sous l’égide d’ailleurs des articles D.VII.15 et D.VII.22 du Code du développement territorial », que la demande de réparation de la première défenderesse « est donc parfaitement conforme au mécanisme mis en place par la loi », que « la décision judiciaire tient lieu de permis d’urbanisme et que la [deuxième défenderesse] devra recourir aux procédures ad hoc pour obtenir le permis d’environnement », que « la mesure de réparation postulée n’est pas affectée d’une erreur manifeste d’appréciation » et qu’« elle ne paraît en outre pas disproportionnée ou manifestement déraisonnable », et condamne la deuxième défenderesse à effectuer les travaux qu’il précise, statue, en la rejetant, sur la demande et répond aux conclusions des demandeurs visées au moyen.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, la violation prétendue de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est déduite de celle vainement alléguée des articles 149 de la Constitution et 1138, 3°, du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Et, le moyen reposant sur la prémisse inexacte que l’arrêt ne motive pas sa décision de rejeter la demande des demandeurs, la question préjudicielle proposée par ceux-ci ne doit pas être posée à la Cour constitutionnelle.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent treize euros septante et un centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.24.0020.F
Date de la décision : 24/06/2024
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-24;c.24.0020.f ?

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