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24/06/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0488.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2024, C.23.0488.F


N° C.23.0488.F
WILBOIS, société anonyme, dont le siège est établi à Houffalize (Mabompré), Vellereux, 4, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0428.951.519,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,

2. AIG EUROPE, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Gra...

N° C.23.0488.F
WILBOIS, société anonyme, dont le siège est établi à Houffalize (Mabompré), Vellereux, 4, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0428.951.519,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
1. ETHIAS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, rue des Croisiers, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.484.654,
2. AIG EUROPE, société de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Luxembourg (Grand-Duché de Luxembourg), avenue John F. Kennedy, 35 D, ayant en Belgique une succursale établie à Ixelles, boulevard de la Plaine, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0692.816.659,
3. D. M.,
4. C. D.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Ixelles, place du Champ de Mars, 5, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le 28 mai 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 6 juin 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Le juge peut allouer une indemnité pour la perte d’une chance d’obtenir un avantage ou d’éviter un désavantage pour autant que la perte de cette chance résulte d’une faute.
La perte d’une chance donne lieu à réparation lorsqu’il existe un lien de causalité entre la faute et la perte de la chance et que la chance est réelle.
Après avoir relevé que, selon la demanderesse, si ses conseils, les deux derniers défendeurs, « avaient agi en révocation du plan [de réorganisation judiciaire de la société IBV], en invoquant que [la demanderesse] se trouvait préjudiciée par l’exécution du plan telle qu’elle avait eu lieu sur la base du calcul annoncé du dividende lui revenant, [elle] aurait obtenu la révocation du plan et le paiement intégral de sa créance, soit 2 775 412,42 euros ((3 269 018,11 euros moins 441 952,90 euros) = 2 827 065,21 euros moins 40 756,92 euros moins 10 895,86 euros) », l’arrêt attaqué considère qu’« IBV avait procédé à l’exécution du plan en payant la somme de 40 756,92 euros le 29 juillet 2015 » et que « le différend portait sur le double abattement subi par la créance pré-concordataire (concordat puis procédure de réorganisation judiciaire) et sur le décompte du dividende à payer à [la demanderesse] en exécution du plan et non sur l’absence d’exécution du plan proprement dite, de sorte » qu’il est permis de douter que « l’on se trouvait dans une hypothèse permettant la révocation du plan, au sens de l’alinéa 1er de l’article 58 » de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, « dans la mesure où les hypothèses permettant la révocation […] semblent davantage prévues pour sanctionner un débiteur qui n’aurait pas la capacité de faire face à ses obligations découlant du plan de réorganisation judiciaire ».
Il ajoute que, « même s’il fallait considérer que les conseils de
[la demanderesse] ont manqué à leurs obligations professionnelles en ne tentant pas d’agir en révocation du plan, après la réception du décompte d’IBV du 16 juillet 2015 et avant que le plan n’arrive à échéance, force serait de constater que la preuve d’un dommage certain, même envisagé sous l’angle d’une perte de chance, en lien causal avec cette faute, fait défaut », qu’« en effet, saisi d’une demande en révocation en 2015, le tribunal de l’entreprise aurait pu considérer que la question qui se posait concernait le calcul de la créance de [la demanderesse] au regard du plan de réorganisation judiciaire et non un problème d’inexécution du plan pouvant donner lieu à la procédure prévue à l’article 58 de la loi du 31 janvier 2009 ».
Il considère également, que, « dans l’hypothèse où le tribunal de l’entreprise aurait accepté d’analyser la demande de révocation, la possibilité qu’il l’accueille favorablement ne peut être sérieusement retenue dès lors que la question du double abattement et de la légalité de l’article 23, § 5, de la loi relative à la continuité des entreprises n’avait pas sa place et aurait dû être posée préalablement au jugement d’homologation du plan prononcé le 8 septembre 2010 par le tribunal de commerce, ce qui avait été rappelé à [la demanderesse] et à ses conseils par [un] arrêt de la cour [d’appel de Liège] du 28 mai 2015 », que « la somme cantonnée constituait une provision octroyée en référé sur la créance de [la demanderesse] qui n’a été déterminée que dans le cadre de la procédure en réorganisation judiciaire », que, « puisque le plan prévoyait un abattement total des intérêts, le juge saisi de la question de l’imputation du montant cantonné pouvait considérer, comme l’a soutenu IBV, que la provision devait nécessairement s’imputer sur le principal » et que « la thèse soutenue par [la demanderesse], et qu’elle aurait développée dans le cadre d’une action en révocation, selon laquelle les fonds cantonnés par IBV auraient dû être imputés sur les intérêts dus par IBV et non sur le dividende, a été expressément rejetée par la cour [d’appel de Liège] par [un] arrêt du 22 février 2017, dont il convient d’approuver les motifs et qui précise notamment [que] ‘la libération du cantonnement jusqu’à concurrence de 441 952,90 euros intervenu sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement du 28 janvier 2010 et de l’arrêt de la cour [d’appel de Liège] du 1er avril 2010 […] ne vaut que dans la mesure où IBV a été reconnue débitrice, soit au terme de l’arrêt du 28 mai 2015 précité, et sous réserve des abattements repris au plan homologué, de sorte que le paiement ne peut être imputé que sur le dividende devant revenir in fine à [la demanderesse] en exécution dudit plan, aucun intérêt n’étant dû en vertu de celui-ci. Il en découle que la libération du cantonnement ne peut être imputée sur les intérêts repris erronément au commandement litigieux. Par identité de motifs, la demande subsidiaire de [la demanderesse] d’imputer les fonds cantonnés sur le capital dû à [la demanderesse] et non sur le dividende n’est pas fondée, le capital ayant fait également l’objet d’un abattement de 25 p.c. conformément au plan homologué’ ».
En déduisant de ces motifs qu’« il n’est nullement établi qu’une action en révocation basée sur l’article 58 de la loi du 31 janvier 2009 qu’auraient introduite les conseils de [la demanderesse] en 2015 avait des chances sérieuses d’aboutir », l’arrêt attaqué, qui donne à connaître que la demanderesse n’a perdu aucune chance réelle d’obtenir la révocation du plan de réorganisation judiciaire de la société IBV, justifie légalement sa décision de dire cette demande non fondée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille sept cent trente et un euros sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0488.F
Date de la décision : 24/06/2024
Type d'affaire : Droit civil

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-24;c.23.0488.f ?

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