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24/06/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0183.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2024, C.23.0183.F


N° C.23.0183.F
A. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où

il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est...

N° C.23.0183.F
A. D.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l’arrêt de la Cour du 17 décembre 2020.
Le 5 juin 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 5 juin 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
L’examen de la contradiction dénoncée par le moyen, en cette branche, suppose l’interprétation des dispositions légales dont l’arrêt attaqué fait application.
Ce grief, qui n’équivaut pas à une absence de motifs, est, dès lors, étranger à l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la deuxième branche :
En vertu de l’article 19 de l’arrêté royal du 5 août 1991 relatif à la gestion de fortune et au conseil en placements, applicable, avant de conclure une convention de gestion de fortune, les sociétés de gestion de fortune doivent demander à leurs clients les informations utiles sur leur expérience en matière d’investissement et sur leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés.
Conformément à l’article 8, § 1er, de cet arrêté royal, les sociétés de gestion de fortune ne peuvent commencer à prester des services de gestion de fortune à un client avant d’avoir conclu avec celui-ci une convention écrite prévoyant notamment les objectifs du client en matière de gestion conformément à l’article 19, le type d’opérations autorisées ainsi que les marchés et instruments de placement sur lesquels porteront ces opérations, le risque financier admis et, le cas échéant, les limites en matière de perte à partir desquelles le client doit être informé.
Dès lors que ces mentions obligatoires visent à garantir le consentement éclairé de celui qui confie des fonds à un gestionnaire de fortune, le juge peut prononcer la nullité de la convention de gestion de fortune en fonction de la gravité de l’atteinte portée à l’intérêt ainsi protégé, lors même que l’omission de ces formalités n’est pas prévue à peine de nullité.
Il n’est en revanche pas tenu de prononcer la nullité par le seul fait du défaut d’une de ces mentions.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la troisième branche :
L’arrêt attaqué relève que « la notion d’objectifs du client en matière de gestion, non légalement définie, ne peut se confondre avec celle du risque financier que le client est prêt à assumer, ni avec celle des instruments de placement qu’il choisit » même « si ces éléments sont interdépendants » et que « l’indication par écrit des objectifs [du demandeur] fait défaut ».
Il considère toutefois que, « si la formulation des objectifs s’avère inadéquate et lacunaire, il n’apparaît pas que ce défaut a porté atteinte aux intérêts [du demandeur], l’objectif de protection de son consentement n’ayant pas été méconnu » et que, sur la base des éléments qu’il relève, dont le refus d’une précédente proposition ainsi que des propositions prédéfinies dans le contrat, la formation et le profil professionnel du demandeur, son acquisition, lors de placements précédents, d’actions du même type que celles constituant le portefeuille litigieux, les discussions préalables à la conclusion du contrat ainsi que la signature d’un autre contrat de gestion de fortune similaire avec une autre banque, « l’objectif [du demandeur] était effectivement […] de réaliser des gains élevés, au moyen d’actions, l’affirmation [du demandeur] selon laquelle il souhaitait un rendement sur le long terme de l’ordre de 8 à 9 p.c. par an n’[étant] soutenue par aucun élément du dossier ».
Il ressort de ces énonciations que l’arrêt attaqué n’opère pas la confusion dénoncée par le moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l’arrêt de ne pas se conformer au point de droit tranché par la Cour dans son arrêt du 17 décembre 2020, est entièrement déduit du grief vainement allégué par le moyen, en sa troisième branche, partant, est irrecevable.
Sur le second moyen :
L’existence d’un lien de causalité entre la faute et le dommage tel qu’il s’est réalisé suppose que, sans la faute, le dommage n’eût pu se produire tel qu’il s’est produit.
Le juge, qui apprécie l’existence d’un tel lien, doit reconstruire le cours des événements en omettant la faute, mais sans modifier les autres conditions dans lesquelles le dommage est survenu ou y substituer des circonstances hypothétiques.
L’arrêt attaqué relève que le demandeur « reproche [à la défenderesse] de lui avoir présenté une convention contraire à la réglementation impérative, […] d’avoir conclu cette convention qui omet des formalités substantielles et d’avoir commencé à prester ses services sans avoir conclu une convention en bonne et due forme » et qu’il soutient que, « sans ce manquement fautif, [il] aurait conservé ses avoirs et ne les aurait pas confiés à la banque ».
Il considère d’abord que, même « si la formulation [dans la convention de gestion de fortune] des objectifs s’avère inadéquate et lacunaire, il n’apparaît pas que ce défaut a porté atteinte aux intérêts [du demandeur], l’objectif de protection de son consentement n’ayant pas été méconnu » et qu’ « il résulte de l’ensemble [des] éléments » qu’il relève que « l’objectif [du demandeur] était effectivement, ainsi que le soutient [la défenderesse], de réaliser des gains élevés, au moyen d’actions ».
Il considère encore que, « si [la défenderesse] n’avait pas méconnu l’obligation qui était la sienne au stade de la conclusion de la convention écrite et avant qu’elle ne commence à prester ses services, c’est-à-dire si cette convention avait prévu les objectifs du client en matière de gestion conformément à l’article 19, […] son portefeuille aurait été composé de la même manière […] compte tenu des objectifs de gestion poursuivis par [le demandeur] ».
Par ces énonciations, d’où il suit qu’aux yeux de la cour d’appel, nonobstant l’absence de mention dans la convention, le demandeur a défini ses objectifs et que ceux-ci consistaient en la réalisation de gains élevés au moyen d’actions, l’arrêt a pu, sans violer les articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil, décider que, dès lors qu’en l’absence de la faute, « le dommage se serait réalisé de la même manière », le lien de causalité n’est pas établi.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent nonante-quatre euros huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0183.F
Date de la décision : 24/06/2024
Type d'affaire : Droit civil

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-24;c.23.0183.f ?

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