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19/06/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0511.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 juin 2024, P.24.0511.F


N° P.24.0511.F
I. A.M.,
prévenu, détenu,
II. L. C.,
prévenu,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurie Peraux et Renauld Molders-Pierre, avocats au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 12 mars 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Da

mien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de M. A.:
L’arrêt attaq...

N° P.24.0511.F
I. A.M.,
prévenu, détenu,
II. L. C.,
prévenu,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurie Peraux et Renauld Molders-Pierre, avocats au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 12 mars 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de M. A.:
L’arrêt attaqué confirme notamment la condamnation du demandeur à une peine d’emprisonnement de 8 ans du chef d’importation, transport et vente de cocaïne, avec la circonstance que ces infractions constituent un acte de participation à l’activité principale ou accessoire d’une association, ainsi que d’association de malfaiteurs.
Pris de la violation des articles 6.1 et 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 149 de la Constitution, le demandeur fait grief à l’arrêt de déclarer les poursuites recevables, alors que celles-ci ont été intentées à son encontre en violation de la présomption d’innocence et de son droit à un procès équitable.
Le moyen reproche d’abord au chef de l’enquête d’avoir été partial et d’avoir méconnu la présomption d’innocence, en ce que ce dernier a confirmé, lors de son audition à l’audience du tribunal correctionnel du 31 mai 2023, qu’il a été rapidement convaincu de la culpabilité du demandeur.
La présomption d'innocence concerne avant tout l'attitude du juge appelé à connaître d'une accusation en matière pénale, de sorte que les propos d'un enquêteur ne sauraient à eux seuls entacher le jugement de la cause d'une violation des articles 6.1 et 6.2 de la Convention.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Le caractère équitable du procès peut toutefois être compromis lorsque le recueil des preuves dans son ensemble s’est déroulé dans des circonstances qui mettent en doute la fiabilité de la preuve obtenue parce que le doute plane sur l'impartialité d’un enquêteur qui a participé à l'enquête.
La crainte d'un recueil de preuves partial doit toutefois être justifiée de manière objective : pour ce faire, le juge doit constater qu'il existe des raisons objectives faisant légitimement craindre aux parties que tel a été le cas.
Le caractère suffisant du degré d'indépendance et d'impartialité des personnes et organes en charge de l'enquête s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances particulières de chaque espèce.
En réponse aux éléments concrets et circonstances particulières relevés aux 17ème et 18ème feuillets de l’arrêt, tendant à démontrer, selon le demandeur, la partialité des policiers chargés des investigations, en particulier l’inspecteur chef de l’enquête, l’arrêt énonce que ce dernier a déclaré avoir été animé d’un sentiment de conviction à l’égard du demandeur au cours de l’enquête, et non dès le début de celle-ci et que l’examen de l’ensemble des devoirs d’instruction réalisés sous la direction du magistrat instructeur n’a pas fait apparaître l’exécution de devoirs « viciant la fiabilité de l’enquête dans son ensemble et contribuant à empêcher définitivement la tenue d’un procès équitable ».
Il ajoute également que l’inspecteur chef de l’enquête n’est pas le seul enquêteur à avoir œuvré et que « [le demandeur] a pu solliciter en cours de procédure, notamment devant le premier juge, la tenue de devoirs complémentaires ».
Par ces considérations, l’arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision que les éléments invoqués par le demandeur sont insuffisants à démontrer que le chef de l’enquête et les autres policiers ayant participé aux investigations « auraient adopté une attitude telle que l’enquête qu’ils ont menée sous la direction du magistrat instructeur serait empreinte d’un parti pris ou d’une déloyauté qui empêcherait [le demandeur] de bénéficier d’un procès équitable ».
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le demandeur dénonce ensuite la déloyauté du comportement des enquêteurs qui ont, selon lui, sciemment ajouté un passage dans le procès-verbal n°16814/21 de retranscription d’une écoute téléphonique (pièce n° 157), dans le but d’accréditer la thèse d’une participation du demandeur à un chargement de drogue, qualifiée de « marchandise », à l’aéroport de Bierset.
A cette défense, l’arrêt répond que l’interprétation du procès-verbal litigieux par le demandeur n’est pas univoque et qu’« il résulte de la lecture du document dans son ensemble que [deux coprévenus et le demandeur] sont bien partis surveiller le chargement de la marchandise à l’aéroport de Bierset après la soirée au domicile [d’un des deux coprévenus], ce qui a d’ailleurs été constaté par la décision entreprise, définitive en ce qui concerne [ces deux] coprévenus non attraits devant la cour […] ».
Par cette considération, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision « de ne tirer aucune conclusion de cette rédaction (du procès-verbal), prise isolément, quant à une volonté certaine dans le chef des enquêteurs de faire condamner le demandeur ».
A cet égard, le moyen ne peut davantage être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de C. L. :
Pris de la violation de la foi due aux actes, le demandeur fait grief à l’arrêt de mal interpréter le procès-verbal n° 16307/2021 relatant la transcription d’une conversation tenue le 17 décembre 2021 entre le coprévenu H. A. A. et un autre interlocuteur, en laissant entendre que le demandeur, qualifié d’« ancien dans ce métier », est celui qui gère l’organisation criminelle, alors que ledit coprévenu parle en réalité de lui-même en sa qualité de dirigeant de l’organisation criminelle.
L’extrait du procès-verbal n° 16307/2021 invoqué par le moyen énonce :
« Un homme (S.) contacte H. pour lui dire qu’il a vu les gars.
H. le sait, il sait bien que les gars compt[ent] aller chez son S..
S. dit que les gars étaient contents …
H. dit qu’il faut leur dire de venir travailler s’il veulent de l’argent. H. demande à S. s’il a C. dans sa main ? H. demande à S. de le laiss[er] faire, c’est son métier dit-il. C’est un ancien dans ce métier ».
L’arrêt attaqué énonce : « Lors d’une autre conversation […] l’interlocuteur de H. A. A. demande s’il a C. dans la main ; le coprévenu A. A. répond qu’il faut laisser faire C., que c’est son métier et un ancien dans ce métier ».
En ayant ainsi considéré que celui dont H. A. A. a parlé en disant qu’il faut le laisser faire, que c’est son métier et qu’il est un ancien dans ce métier, est le demandeur, les juges d’appel n’ont pas donné, de l’extrait précité, une interprétation inconciliable avec ses termes.

Le moyen ne peut être accueilli.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de deux cent huit euros cinquante centimes dont I) sur le pourvoi de M. A.: cent quatre euros vingt-cinq centimes dus et II) sur le pourvoi de C. L. : cent quatre euros vingt-cinq centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, Françoise Roggen, François Stévenart Meeûs, Ignacio de la Serna, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0511.F
Date de la décision : 19/06/2024
Type d'affaire : Droit international public

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-19;p.24.0511.f ?

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