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12/06/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0239.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 juin 2024, P.24.0239.F


N° P.24.0239.F
I. COLAS BELGIUM, société anonyme,
ayant pour conseil Maître Frank Discepoli, avocat au barreau de Mons,
II. HUSQVARNA BELGIUM, société anonyme,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,
III. P. E.,
ayant pour conseil Maître Ann-Sofie Maertens, avocat au barreau de Bruxelles,
IV. V. K.,
ayant pour conseil Maître Ann-Sofie Maertens, avocat au barreau de Bruxelles,
V. TRAMO, société anonyme,
ayant pour conseil Maître Alexandre Dugauquier, avocat au barreau de Mons,
VI. 1. FLUXYS B

ELGIUM, société anonyme
2. HDI GLOBAL SE, société de droit allemand,
prévenus et parties a...

N° P.24.0239.F
I. COLAS BELGIUM, société anonyme,
ayant pour conseil Maître Frank Discepoli, avocat au barreau de Mons,
II. HUSQVARNA BELGIUM, société anonyme,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,
III. P. E.,
ayant pour conseil Maître Ann-Sofie Maertens, avocat au barreau de Bruxelles,
IV. V. K.,
ayant pour conseil Maître Ann-Sofie Maertens, avocat au barreau de Bruxelles,
V. TRAMO, société anonyme,
ayant pour conseil Maître Alexandre Dugauquier, avocat au barreau de Mons,
VI. 1. FLUXYS BELGIUM, société anonyme
2. HDI GLOBAL SE, société de droit allemand,
prévenus et parties appelées en déclaration d’arrêt commun,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
les sept pourvois contre
P & V ASSURANCES, société coopérative,
partie civile,
défenderesse en cassation.
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 23 janvier 2024 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Les première, deuxième, cinquième, sixième et septième demanderesses invoquent chacune un seul et même moyen dans quatre mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président de section chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général délégué Véronique Truillet a conclu.
II. LES FAITS
La défenderesse, assureur-loi des employeurs publics dont plusieurs agents ont été tués ou blessés lors de la catastrophe de Ghislenghien le 31 juillet 2004, revendique, à charge des prévenus, ici demandeurs, le remboursement des indemnités versées aux victimes et à leurs ayant droits en exécution de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles.
Les prévenus rejettent cette prétention. Ils soutiennent, en substance, que les décaissements invoqués ne constituent pas un dommage réparable au sens de l’article 1382 de l’ancien Code civil, dès lors que la lutte contre l’incendie fait partie de la mission légale des communes et représente, à ce titre, une dépense appelée à rester à leur charge.
L’arrêt condamne les demandeurs. Il décide que l’assureur-loi est fondé à se prévaloir notamment, en sa qualité de subrogé dans les droits de ses assurés, du recours subrogatoire consacré par l’article 14, § 3, de la loi du 3 juillet 1967.
C’est la décision attaquée.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois d’E. P. et de K. V. :
Il n’apparaît pas, des pièces de la procédure, que les demandeurs aient fait signifier leur pourvoi à la défenderesse.
Les pourvois sont irrecevables.
B. Sur les pourvois des sociétés anonymes Husqvarna Belgium, Tramo et Fluxys, et de la société de droit allemand Hdi Global Se :
1. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision rendue sur le principe de la responsabilité :
Sur le moyen unique, commun aux quatre demanderesses :
L’existence d’une obligation légale, réglementaire ou contractuelle n’exclut pas la survenance d’un dommage réparable au sens de l’article 1382 de l’ancien Code civil. Toutefois, il en va autrement lorsque, selon le contenu ou l’économie de la loi, du règlement ou de la convention, la prestation ou la dépense à consentir incombent définitivement à celui qui s’y est engagé ou à celui qui en a la charge en vertu de la loi ou du règlement.
Il convient donc de rechercher si, dans l’esprit du contrat, du règlement ou de la loi, le décaissement effectué en application de ceux-ci doit rester définitivement à charge du débiteur.
En vertu de l’article 135, § 2, alinéa 2, 5°, de la nouvelle loi communale, les communes ont pour mission de prévenir, par les précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, tels que les incendies.
Au vœu des articles 255, 11°, de la même loi, et L 1321-1, 11°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les conseils communaux doivent porter annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois mettent à charge de la commune, dont les débours relatifs à la police de sûreté et de salubrité locales.
L’article 11 de la loi du 15 mai 2007 relative à la protection civile inclut la lutte contre l’incendie, l’explosion et leurs conséquences, dans la mission générale des services opérationnels de la sécurité civile. L’article 178, § 1er, de la même loi n’institue pas, au profit de la commune, le droit de recouvrer les frais occasionnés par l’exercice de ses obligations en la matière.
Aucune disposition légale ne prévoit que ce principe de non-récupération des débours exposés ne concernerait que les frais ordinaires encourus lors d’une intervention normale et non ceux que l’autorité publique doit engager lorsque l’intervention entraîne des blessures ou la mort d’un de ses agents.
L’article 2bis/1, § 1er, de la loi du 31 décembre 1963 sur la protection civile, inséré par l’article 453 de la loi-programme du 27 décembre 2004, prévoit que les communes sont tenues de récupérer, à charge des bénéficiaires des prestations, les frais occasionnés aux services publics d’incendie lors des prestations fournies par eux en dehors de la lutte contre le feu et l’explosion. L’obligation de recouvrement n’est donc pas applicable en matière de lutte contre l’incendie, incombant légalement aux communes.
Sans doute cette disposition n’était-elle pas encore en vigueur à la date du sinistre. Elle n’en confirme pas moins la volonté persistante du législateur d’exclure la lutte contre l’incendie de l’assiette de recouvrement des autorités communales.
En vertu de l’article 14, § 3, de la loi du 3 juillet 1967, l’employeur public est subrogé, à concurrence des débours que la loi met à sa charge, dans les droits des victimes contre le responsable de l’accident.
Ce recours subrogatoire, d’une portée générale, est institué sans préjudice des dispositions particulières consacrant la volonté du législateur de laisser à charge de la collectivité le coût spécifique de la lutte contre l’incendie.
Décidant le contraire, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision.
Le moyen est fondé.
2. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision rendue sur l’étendue du dommage :
La cassation, à prononcer ci-après, de la décision statuant sur le principe de la responsabilité entraîne, nonobstant les désistements qui ne valent pas acquiescement, l’annulation de la décision non définitive rendue sur le dommage de la défenderesse, qui est la conséquence de la première.
C. Sur le pourvoi de la société anonyme Colas Belgium :
Il n’apparaît pas, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, que la demanderesse ait communiqué son mémoire à la partie contre laquelle elle a dirigé son pourvoi.
Cette formalité est prescrite à peine d’irrecevabilité par l’article 429, alinéa 4, du Code d’instruction criminelle.
Le mémoire est, dès lors, irrecevable.
La demanderesse n’invoque, régulièrement, aucun moyen.
Toutefois, la cassation de la décision rendue sur l’action civile exercée par la défenderesse contre les demanderesses visés ci-dessus, sub B, entraîne, nonobstant le désistement qui ne vaut pas acquiescement, l’annulation de la décision rendue, quant au principe de la responsabilité et à l’étendue du dommage, sur l’action civile exercée contre la société anonyme Colas Belgium, la décision encourant la censure étant commune à chacune de ces demanderesses.
D. Sur les demandes en déclaration d’arrêt commun formulées par les sociétés anonymes Colas Belgium, Husqvarna Belgium et Tramo contre E. P. et K. V. :
Les demanderesses ont intérêt à ce que l’arrêt soit déclaré commun aux deux parties précitées, qu’elles ont appelées devant la Cour à cette fin.
E. Sur les demandes en déclaration d’arrêt commun formulées mutuellement contre les demanderesses visées ci-dessus, sub D, par chacune d’elles :
Les demanderesses invoquent le recours contributoire qui pourrait exister entre elles-mêmes, condamnées in solidum, et en déduisent qu’elles ont chacune intérêt à rendre opposable aux autres la cassation à intervenir.
Mais cet intérêt est inexistant puisque la cassation à prononcer ci-après est commune à chacune des demanderesses appelantes et appelées en déclaration d’arrêt commun.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué, en tant qu’il statue sur l’action civile exercée par la défenderesse contre les sociétés anonymes Colas Belgium, Husqvarna Belgium, Tramo et Fluxys Belgium, et contre la société de droit allemand Hdi Global Se ;
Déclare l’arrêt commun à E. P. et K. V. ;
Rejette les pourvois des troisième et quatrième demandeurs ainsi que les autres demandes en déclaration d’arrêt commun ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne les troisième et quatrième demandeurs, chacun, aux frais de son pourvoi ;
Réserve les frais des pourvois des première, deuxième, cinquième, sixième et septième demanderesses, pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent treize euros cinquante centimes dont I) sur le pourvoi d’E. P. : vingt et un euros septante-cinq centimes dus et trente-cinq euros payés par ce demandeur et II) sur le pourvoi de K. V. : vingt et un euros septante-cinq centimes dus et trente-cinq euros payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0239.F
Date de la décision : 12/06/2024
Type d'affaire : Droit civil

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-06-12;p.24.0239.f ?

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