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22/05/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0088.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 mai 2024, P.24.0088.F


N° P.24.0088.F
M. M.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 décembre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 19 avril 2024, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 8 mai 2024, le conseiller Françoise Roggen

a fait rapport, l’avocat général précité a conclu, et la demanderesse a déposé, en application de ...

N° P.24.0088.F
M. M.,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 19 décembre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 19 avril 2024, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 8 mai 2024, le conseiller Françoise Roggen a fait rapport, l’avocat général précité a conclu, et la demanderesse a déposé, en application de l’article 1107, alinéa 2, du Code judiciaire, une note en réponse aux conclusions écrites du ministère public.
II. LA DÉCISION DE LA COUR

La demanderesse s’est vue poursuivre du chef de participation aux activités d’un groupe terroriste, prévention visée à l’article 140, § 1er, du Code pénal, tel qu’applicable à l’époque des faits. Il lui est reproché d’avoir transféré des fonds à son fils alors qu’il combattait dans les rangs de l’Etat islamique.
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et 137, § 1er, 139, § 1er, 140 et 141bis du Code pénal.
Quant à la première branche :
La demanderesse a soutenu qu’en vertu de la clause d’exclusion prévue par l’article 141bis du Code pénal, le fait qui lui est reproché ne peut pas recevoir la qualification d’infraction terroriste au sens du titre premier ter du livre II dudit code.
Le moyen reproche à l’arrêt d’écarter cette défense par la considération qu’un même fait peut, en droit belge, constituer à la fois une violation grave du droit international humanitaire et une infraction terroriste.
L’article 141bis, précité, dispose que le titre premier ter ne s’applique pas aux activités des forces armées en période de conflit armé, au sens donné à ces termes en droit international humanitaire, qui sont régies par ce droit.
La raison d’être de cette exclusion est d’éviter la superposition de règles de droit distinctes, celles qui sanctionnent les violations graves du droit international humanitaire, réprimées par les articles 136bis et suivants du Code pénal, et celles qui punissent les infractions terroristes, visées par les articles 137 et suivants du même code.
Le conflit que cette disposition veut prévenir est celui qui résulterait de la prétention à appliquer la législation anti-terroriste à un belligérant dont les actes, commis en période de conflit armé, tombent dans le champ d’application du droit international humanitaire et n’excèdent pas les limites imposées par celui-ci. En d’autres termes, le législateur a souhaité éviter que le droit anti-terroriste ne se substitue, en droit pénal, au droit international humanitaire en rendant illicites des actes de violence licites au regard de ce dernier.
En revanche, l’illicéité au regard du droit international humanitaire n’exclut pas l’illicéité au regard de la législation anti-terroriste. Que ce soit dans sa version actuelle ou dans celle applicable à l’époque des faits, l’article 141bis du Code pénal n’a pas pour objectif d’immuniser, contre une poursuite du chef de terrorisme, l’auteur d’un acte qui pourrait également constituer une violation grave du droit international humanitaire.
Soutenant que l’article 141bis implique qu’un même fait pénalement répréhensible ne peut pas recevoir cette double qualification, le moyen manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
Pour dire établie la prévention d’avoir participé à une activité d’un groupe terroriste en lui fournissant une forme quelconque de financement, il n’est pas requis de déterminer à quelles actions ou infractions du groupe les fonds transférés ont été affectés.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Il n’est pas contradictoire de considérer qu’une personne se livrant à des actes de violence en qualité de membre d’un groupe terroriste, peut se réclamer, quant à certains de ses actes, du droit international humanitaire.
A cet égard, le moyen manque en fait.
La demanderesse a soutenu que, s’agissant de fonds transférés à un membre d’un groupe qui a la double nature de groupe terroriste et de groupe armé dans un conflit armé, il n’était pas possible d’établir avec une certitude suffisante, que ces transferts tombent sous le coup des articles 139 et 140 du Code pénal.
L’arrêt écarte cette défense en n’attribuant qu’une seule nature, celle de groupe terroriste, à l’organisation dont le fils de la demanderesse a fait partie.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
La demanderesse critique la décision des juges d’appel, suivant laquelle le financement d’un groupe terroriste n’est pas un acte tombant dans le champ d’application de l’article 141bis du Code pénal.
Selon le moyen, cette décision viole ledit article puisqu’il exclut l’entièreté du titre premier ter du livre II dudit code.
L’exclusion du titre premier ter se rapporte, d’une part, aux activités des forces armées en période de conflit armé, telles que définies et régies par le droit international humanitaire et, d’autre part, aux activités menées par les forces armées d’un Etat dans l’exercice de leurs fonctions officielles, pour autant qu’elles soient régies par d’autres règles de droit international.
Le financement, en connaissance de cause, d’un groupe terroriste ne ressortit à aucune des activités susdites.
Reposant sur l’affirmation du contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0088.F
Date de la décision : 22/05/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-05-22;p.24.0088.f ?

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