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03/05/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0209.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mai 2024, C.23.0209.F


N° C.23.0209.F
BEDELCO, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Seraing, rue de l’Environnement, 22, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0473.227.762,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
BESTLINEINTERNATIONALE75, société de droit tunisien, dont le siège est établi à Bab El Bhar (Tunisie), rue Iran, 41,
défenderesse en cassation.> I . La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le ...

N° C.23.0209.F
BEDELCO, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Seraing, rue de l’Environnement, 22, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0473.227.762,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
BESTLINEINTERNATIONALE75, société de droit tunisien, dont le siège est établi à Bab El Bhar (Tunisie), rue Iran, 41,
défenderesse en cassation.
I . La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 31 janvier 2023 par la cour d’appel de Liège.
Le 16 avril 2024, l’avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 19, 851, 852, 868, 869, 1050 et 1068 du Code judiciaire
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué déclare l’appel principal de la défenderesse contre les jugements entrepris recevable et, après l’avoir déclaré fondé, se saisit du litige aux motifs suivants :
« Finalement, [la demanderesse] considère que l’appel est irrecevable en ce qu’il porte sur des jugements d’avant dire droit ;
Le jugement d’avant dire droit est un jugement qui ordonne une mesure préalable destinée, soit à instruire la demande ou à régler un incident portant sur une telle mesure, soit à régler provisoirement la situation des parties ;
En ordonnant le versement à la Caisse des dépôts et consignations d’une caution de vingt-cinq mille euros en application de l’article 851 du Code judiciaire, les premiers juges n’ont pas rendu une décision d’avant dire droit mais ont statué sur une exception légale dite dilatoire en ce qu’elle retarde la procédure et entraîne une suspension de celle-ci dans l’attente du règlement d’un incident ;
Par conséquent, l’appel de [la défenderesse] est recevable ;
Il est constant que la Belgique et la Tunisie ont signé le 27 avril 1989 une convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale qui a été ratifiée par la loi belge du 25 mars 1999 et est, par conséquent, entrée dans l’ordre juridique belge ;
Aux termes de l’article 2 de cette convention, aucune caution ni dépôt sous quelque dénomination que ce soit ne peut être imposé en raison, soit de leur qualité d’étranger, soit de leur défaut de domicile ou de résidence dans le pays, aux nationaux, y compris les personnes morales, de l’un des États contractants qui seront demandeurs ou intervenants devant les tribunaux de l’autre, pourvu qu’ils aient leur domicile dans un des deux pays ;
Aucune caution iudicatum solvi ne pouvait être exigée de [la défenderesse] ;
L’appel est dès lors fondé ;
Enfin, l'article 1068 du Code judiciaire dispose que tout appel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel et que celui-ci ne renvoie la cause au premier juge que s'il confirme, même partiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le jugement entrepris ;
La cour [d’appel] est dès lors saisie du fond du litige ».
Griefs
Selon l'article 851 du Code judiciaire, sauf le cas de conventions par lesquelles les États auraient stipulé pour leurs ressortissants la dispense de la caution iudicatum solvi, tous étrangers, demandeurs principaux ou intervenants, sont tenus, si le défendeur belge le requiert avant toute exception, de fournir caution de payer les frais et dommages-intérêts résultant du procès auxquels ils peuvent être condamnés. Le défendeur peut requérir que caution soit fournie, même pour la première fois, en cause d'appel, s'il est intimé.
L'article 852 du Code judiciaire précise à cet égard que le jugement qui ordonne la caution fixe la somme jusqu'à concurrence de laquelle elle est fournie. Il peut aussi remplacer la caution par toute autre sûreté. Le demandeur est dispensé de fournir la sûreté demandée s'il consigne la somme fixée, s'il justifie que ses immeubles situés en Belgique sont suffisants pour en répondre ou s'il fournit un gage conformément à l'article 2041 du Code civil. Au cours de l'instance, à la demande d'une partie, le tribunal peut modifier l'importance de la somme ou la nature de la sûreté fournie.
L'exception de la caution de l'étranger demandeur constitue une exception dilatoire. Elle doit être invoquée avant toute autre (article 868, alinéa 2, du Code judiciaire) et fait obstacle à ce que le juge se prononce sur la recevabilité ou le fondement de la demande (article 869, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Première branche
Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 19 du Code judiciaire, le jugement est définitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse, alors que, selon l'alinéa 3 du même article, le juge peut avant dire droit, à tout stade de la procédure, ordonner une mesure préalable destinée, soit à instruire la demande ou à régler un incident portant sur une telle mesure, soit à régler provisoirement la situation des parties.
L'article 1050 du Code judiciaire dispose, à l’alinéa 1er, qu'en toutes matières, l'appel peut être formé dès la prononciation du jugement, même si celui-ci a été rendu par défaut. Il prévoit toutefois, à l’alinéa 2, que, contre une décision rendue sur la compétence ou, sauf si le juge en dispose autrement, une décision d’avant dire droit, un appel ne peut être formé qu'avec l'appel contre le jugement définitif.
Il résulte du rapprochement de ces dispositions légales que ne sont, en règle, susceptibles d'appel immédiat que les jugements qui épuisent la juridiction du juge sur un point litigieux relatif à la recevabilité ou au fondement de la demande dont il est saisi.
Tel n'est pas le cas du jugement qui ordonne la constitution d'une caution iudicatum solvi conformément aux articles 851 et 852 du Code judiciaire. Pareil jugement ne statue en effet ni sur la recevabilité ni sur le fondement de la demande (articles 851, 852, 868, alinéa 2, et 869, alinéa 1er, du Code judiciaire) dont le juge est saisi. Il constitue dès lors un jugement d’avant dire droit au sens de l'article 1050, alinéa 2, du Code judiciaire. La décision faisant droit à l'exception dilatoire de la caution iudicatum solvi n'est au demeurant pas définitive au sens des articles 19 et 1050 du Code judiciaire dans la mesure où le juge peut en cours de procédure, à la demande d'une partie, modifier, en cas d'éléments nouveaux, le montant de la caution ou la nature de la sûreté fournie (article 852 in fine du Code judiciaire).
En considérant que l'appel formé contre les décisions entreprises statuant sur l'exception de la caution iudicatum solvi formulée par la demanderesse étaient susceptibles d'appel immédiat en sorte que l'appel formé contre celles-ci était recevable, l'arrêt attaqué viole les articles 19, 851, 852, 868, alinéa 2, 869, alinéa 1er, et 1050, spécialement alinéa 2, du Code judiciaire.
Seconde branche (subsidiaire)
S'il résulte de l'article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire que tout appel d'un jugement définitif ou d’avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel, encore faut-il que le jugement entrepris ait statué sur la recevabilité ou sur le fondement de la demande, soit en tranchant définitivement un point litigieux relatif à celle-ci, soit en se prononçant avant dire droit à propos de celle-ci.
Tel n'est pas le cas du jugement qui ordonne à un demandeur étranger de fournir caution conformément aux articles 851 et 852 du Code judiciaire.
Pareil jugement, qui se prononce sur l'exception dilatoire de la caution iudicatum solvi, ne se prononce, en effet, ni sur sa compétence, ni sur la recevabilité ou le fondement de la demande (articles 851, 852, 868, alinéa 2 et 869, alinéa 1er, du Code judiciaire). Il n'ordonne pas davantage une mesure d'instruction ou une mesure provisoire au sens de l'article 19, alinéa 3, du Code judiciaire se rattachant à cette demande.
En décidant, après avoir réformé les jugements entrepris statuant sur l’exception de la caution iudicatum solvi élevée in limine litis par la demanderesse, que la cour d’appel était saisie du fond du litige et qu’il convenait dès lors d’établir un calendrier de procédure relatif à celui-ci, l’arrêt viole les articles 851, 852, 868, alinéa 1er, et 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire.
III. La décision de la Cour
Quant à la première branche :
Aux termes de l’article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire, le jugement est définitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse, sauf les recours prévus par la loi.
Le jugement qui, statuant sur l’exception soulevée par le défendeur belge, ordonne en application des articles 851 et 852 de ce code au demandeur étranger de fournir caution de payer les frais et dommages-intérêts résultant du procès auxquels il peut être condamné n’est, dans la mesure où il tranche l’incident opposant les parties, ni une décision rendue sur la compétence ni une décision d’avant dire droit au sens des articles 19, alinéa 3, et 1050, alinéa 2, du même code, mais une décision définitive au sens de l’article 19, alinéa 1er, précité.
La circonstance que le juge puisse, en vertu de l’article 852, dernière phrase, dudit code, modifier au cours de l’instance, à la demande d’une partie, l’importance de la somme ou la nature de la sûreté fournie n’affecte pas le caractère définitif de la décision rendue sur l’incident.
Le moyen, qui, en cette branche soutient le contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L’article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose que tout appel d’un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litige le juge d’appel.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l’application de cette règle suppose, s’agissant d’un jugement définitif, que celui-ci se prononce sur la compétence, ou sur la recevabilité ou le fondement de la demande, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent soixante-sept euros trente-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du trois mai deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0209.F
Date de la décision : 03/05/2024
Type d'affaire : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-05-03;c.23.0209.f ?

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