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26/04/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0433.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 avril 2024, C.23.0433.F


N° C.23.0433.F
1. B. V., avocat,
2. J.-F. D., avocat,
agissant en qualité de curateurs à la faillite de la société à responsabilité limitée TJE Construct,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
R. G.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d’appel de Liège.

Le 29 mars 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Ma...

N° C.23.0433.F
1. B. V., avocat,
2. J.-F. D., avocat,
agissant en qualité de curateurs à la faillite de la société à responsabilité limitée TJE Construct,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
R. G.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d’appel de Liège.
Le 29 mars 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 10, 11, 149 et 159 de la Constitution ;
- articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955 ;
- article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations ;
- article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, de l’ancien Code civil ;
- principe général du droit relatif au droit d’accès à un juge.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt attaqué dit prescrite l’action des demandeurs introduite par citation du 10 février 2020 mettant en cause la responsabilité quasi délictuelle du défendeur et visant la réparation du dommage causé aux créanciers par l’omission de faire aveu de faillite, par la poursuite d’une activité déficitaire, par le paiement préférentiel de certains créanciers et par le non-paiement des créanciers institutionnels, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et spécialement pour les motifs que :
« Prescription
L'article 198, § 1er, du Code des sociétés disposait que :
‘Sont prescrites par cinq ans : […] toutes actions contre les gérants, administrateurs, [membres du conseil de direction, membres du conseil de surveillance,] commissaires, liquidateurs, pour faits de leurs fonctions, à partir de ces faits ou, s'ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits’.
Il a été remplacé au 1er janvier 2020 par l'article 2:143, § 1er, du Code
des sociétés et associations qui dispose que :
‘En ce qui concerne les sociétés, sont prescrites par cinq ans : […] toutes actions contre les membres de l'organe d'administration, délégués à la gestion journalière, commissaires, liquidateurs, contre les représentants permanents de personnes morales occupant une des fonctions précitées, ou contre toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, pour faits de leurs fonctions, à partir de ces faits ou, s'ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits’.
L'action introduite par les curateurs le 10 février 2020 est soumise au délai de prescription prévu à l'article 2:143, § 1er, précité.
En effet, ‘sauf disposition dérogatoire, une loi nouvelle s'applique dès lors non seulement aux situations qui naissent postérieurement à son entrée en vigueur, mais encore aux effets futurs de situations nées sous l'empire de l'ancienne loi qui se produisent ou se poursuivent sous l'empire de la loi nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits irrévocablement fixés’ (Marchandise, M., De Page, Traité de droit civil belge, Tome VI La prescription, p. 222, n° 272).
L'article 2:143, § 1er, du Code des sociétés et associations contient les mêmes règles que celles figurant dans l'article 198, § 1er, du Code des sociétés, lequel avait repris les dispositions contenues dans l'article 194 des lois sur les sociétés commerciales coordonnées par l'arrêté royal du 30 novembre 1935.
Il a été jugé qu'‘en vertu de l'article 194 des lois sur les sociétés commerciales coordonnées par l'arrêté royal du 30 novembre 1935, les actions contre les gérants, administrateurs, commissaires et liquidateurs pour faits de leurs fonctions, sont prescrites par cinq ans à partir de ces faits ou, s'ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits ; ce délai de prescription dérogeant au droit commun est aussi applicable lorsque l'action est fondée sur la faute quasi délictuelle du gérant, sans préjudice de l’application de l'article 26 du titre préliminaire du Code de procédure pénale pour la réparation d'un dommage résultant d'une infraction à une loi pénale’ (Cass., 27 mai 1994, Pas., I, p. 522).
Cette jurisprudence est conforme aux enseignements précédents de la doctrine, confirmés depuis lors :
‘Toutes les actions susceptibles d'être dirigées contre les administrateurs « pour faits de leurs fonctions » sont prescrites par cinq ans, quel qu'en soit le fondement juridique, sous réserve du seul cas où il s'agit d'une infraction pénale […]. La règle s'applique même, à notre avis, à la responsabilité spéciale, calquée sur celle des fondateurs, que l'article 35 impose aux administrateurs, en cas d'augmentation du capital ; les fondateurs eux-mêmes ne peuvent pas, il est vrai, invoquer la prescription quinquennale, mais c'est uniquement parce qu'ils ne sont pas mentionnés dans l'article 194. À l'égard des administrateurs, au contraire, le texte légal est à la fois formel et général’ (Van Ryn, J., Principes de droit commercial, t., I, 1ère ed, p. 405, n° 636).
‘L'article 198, § 1er, du Code des sociétés vise « toutes actions » contre les gérants, administrateurs, etc.
Il s'agit bien entendu des actions en responsabilité, mais de toutes les actions en responsabilité quel que soit leur fondement juridique. La prescription de cinq ans ne concerne donc pas seulement les actions fondées sur les dispositions du Code des sociétés, mais également les actions en responsabilité extracontractuelle au sens de l'article 1382 du Code civil’ (Fagnart, J.L. ‘La responsabilité des administrateurs de sociétés’ in Responsabilité-Traité théorique et pratique, titre II, liv., 24, p. 70, n° 172).
Les curateurs [reprochent] (au défendeur) :
• l'omission de faire aveu de faillite ;
• la poursuite d'une activité déficitaire ;
• le paiement préférentiel de certains créanciers ;
• le non-paiement des créanciers institutionnels.
Ils fondent leur action sur les articles 262 à 264 du Code des sociétés et l'article 1382 [de l’ancien] Code civil.
Toutefois, en ce qui concerne la prescription, ils invoquent uniquement l'article 2262bis [de l’ancien] Code civil et non l'article 2:143, § 1er, du Code des sociétés et associations - voire l'article 198, § 1er, du Code des sociétés - ce qui impliquerait que leur action ne serait en définitive fondée que sur l'article 1382 [de l’ancien] Code civil.
Cela importe peu en définitive puisque la prescription quinquennale prévue à l'article 2:143, § 1er, du Code des sociétés et associations s'applique aux actions en responsabilité dirigées contre les gérants et administrateurs notamment, pour faits de leur fonction, quel que soit leur fondement juridique.
Le délai de prescription prend cours ‘à partir de ces faits ou, s’ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits’.
Les curateurs ne soutiennent pas que les faits reprochés (au défendeur) auraient été celés par dol.
Ceux-ci ont été commis et se sont éventuellement prolongés jusqu'au jour de l'aveu de faillite, soit le 4 janvier [lire : février] 2015, au plus tard.
L'action des curateurs introduite par citation du 10 février 2020 intervient plus de cinq ans après les faits reprochés (au défendeur).
Elle est donc prescrite ».
Griefs
Première branche
Aux termes de l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations, « en ce qui concerne les sociétés, (…) sont prescrites par cinq ans : toutes actions contre les membres de l’organe d’administration, délégués à la gestion journalière, commissaires, liquidateurs, contre les représentants permanents de personnes morales occupant une des fonctions précitées, ou contre toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, pour faits de leurs fonctions, à partir de ces faits ou, s’ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits ».
Cette disposition instaure une règle dérogatoire au régime de la prescription des actions fondées sur la responsabilité extracontractuelle tel qu’il est prévu à l’article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, de l’ancien Code civil. Selon le premier alinéa de cette dernière disposition, toute action en réparation d’un dommage fondée sur une telle responsabilité se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l’identité de la personne responsable.
Les personnes qui subissent un dommage consécutif à une ou plusieurs faute(s) commise(s) par un gérant et celles qui subissent un dommage sur la base d’une responsabilité extracontractuelle se trouvent dans des situations comparables. Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent de traiter différemment, sans justification objective, raisonnable et proportionnée à l’objectif poursuivi, des situations comparables. Les articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissent quant à eux le droit à un recours effectif à un juge.
Le curateur, qui représente la masse des créanciers et a le monopole des actions en réparation des dommages causés à celle-ci et qui avant sa désignation par le tribunal déclarant la faillite n’a aucun rapport avec la société déclarée en faillite, ne peut avoir la connaissance nécessaire des faits pour engager la responsabilité du gérant de cette société que lors des devoirs d’accomplissement de sa mission.
En tant que l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations prévoit comme seul point de départ de la prescription le moment où l’acte - ou les faits - reproché(s) au gérant ont été commis, ne fixant le point de départ de la prescription à la découverte de ces actes ou faits que dans la seule hypothèse où ils ont été « celés par dol », sans aucunement tenir compte du moment où le curateur désigné par le tribunal a la possibilité de prendre connaissance du dommage et des faits sur base desquels une action en responsabilité extracontractuelle contre le gérant peut être intentée, il crée une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui agissent en réparation d’un dommage causé par une faute extracontractuelle et le curateur qui agit en réparation du dommage causé par des fautes du gérant tant sur la base des articles 262 et 263 du Code des sociétés (avant l’abrogation dudit code par la loi du 23 mars 2019) que sur la base de l’article 1382 de l’ancien Code civil, et viole partant les articles 10 et 11 de la Constitution, dispositions d’ordre public, combinés aux articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales visée au moyen.
Dans leurs conclusions prises devant la cour d’appel, les demandeurs soutenaient qu’ils « agissent en tant que tiers à la société sur base extracontractuelle en vertu des articles 263 et 264 du Code des sociétés en vigueur au moment des faits ainsi que sur base de l’article 1382 de l’ancien Code civil », qu’ils « représentent la masse et ont le monopole de l’action en responsabilité pour obtenir réparation du dommage qu’elle a subi » et que la prescription était dès lors régie par l’article 2262bis, § 1er, alinéa 2, de l’ancien Code civil , que « la curatelle n’a pas pu avoir connaissance du dommage avant le premier procès-verbal de clôture de vérification des créances et avant d’avoir reçu les déclarations de créances et les pièces justificatives de celles-ci ». Ils faisaient toutefois valoir, pour soutenir que l’action introduite le 10 février 2020 n’était pas prescrite, qu’« en toute hypothèse, il fallait retenir comme point de départ du délai de prescription la date du premier procès-verbal de vérification des créances le 26 mars 2015 ».
L’arrêt attaqué qui, sans avoir égard à l’articulation des [demandeurs] que la curatelle n’a pu avoir connaissance du dommage que lors du premier procès-verbal de vérification des créances le 26 mars 2015, n’écarte pas en l’espèce l’application de l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations mais décide que l’action des demandeurs est prescrite dès lors qu’elle a été introduite le 10 février 2020 plus de cinq ans après que les faits qu’ils reprochent au défendeur soit, « l’omission de faire aveu de faillite, la poursuite d’une activité déficitaire, le paiement préférentiel de certains créanciers, [et] le non-paiement des créanciers institutionnels », dont les demandeurs « ne soutiennent pas (qu’ils) auraient été celés par dol », « ont été commis et se sont éventuellement prolongés jusqu’au jour de l’aveu de faillite, soit le 4 janvier 2015, au plus tard », viole les articles 10, 11 de la Constitution, combinés aux articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 159 de la Constitution, le principe général du droit relatif au droit d’accès à la justice, et
l’article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, qui constitue le droit commun applicable dès lors que l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, précité doit être écarté en tant que lex specialis.
En toute hypothèse, avant de statuer sur le moyen, il appartient à la Cour, en vertu de l’article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle de poser à celle-ci la question préjudicielle suivante :
« L’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le droit d’accès effectif à la justice garanti par les articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où l’action du curateur contre l’administrateur, le gérant ou les autres personnes visées à cette disposition, se prescrit par cinq ans à partir des faits sur base desquels le curateur peut intenter contre ces personnes une action extracontractuelle, indépendamment du moment où le curateur prend ou peut prendre connaissance du dommage causé par ces faits, alors que l’article 2262bis, § 1er, alinéa 2, de l’ancien Code civil subordonne le point de départ de la prescription d’une action fondée sur la responsabilité extracontractuelle à la connaissance du dommage et de l’identité de la personne responsable et, partant, des faits à l’origine de la créance ».
Seconde branche
À tout le moins, l’arrêt attaqué qui se borne à considérer que l’action des demandeurs est prescrite pour avoir été introduite plus de cinq ans après que les faits ont été commis, sans consacrer aucune considération au moyen faisant valoir que « la curatelle n’a pas pu avoir connaissance du dommage avant le premier procès-verbal de clôture de vérification des créances » du 26 mars 2015, n’est pas régulièrement motivé (violation de l’article 149 de la Constitution).
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations, en ce qui concerne les sociétés, sont prescrites par cinq ans toutes actions contre les membres de l’organe d’administration, délégués à la gestion journalière, commissaires, liquidateurs, contre les représentants permanents de personnes morales occupant une des fonctions précitées, ou contre toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, pour faits de leurs fonctions, à partir de ces faits ou, s’ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits.
L’arrêt attaqué relève, par référence à l’exposé du premier juge, que « la société TJE Construct, active dans le secteur de la construction, a été constituée par [le défendeur], qui en était aussi l’unique gérant », que celui-ci était « également associé unique et gérant d’une société anonyme [de droit luxembourgeois qui] possédait une succursale en Belgique, C.I.B.E., à l’adresse du siège social de la société TJE Construct, les deux sociétés [ayant] les mêmes employés, le même comptable et le même gérant », que, « par jugement du 10 juin 2014, la société TJE Construct a été admise au bénéfice de la procédure de réorganisation judiciaire [pour] quatre mois, [mais qu’]à partir du mois d’août 2014, les travailleurs n’[ont] plus [perçu] qu’une partie de leur rémunération [et] la prorogation du sursis a été refusée », que, « le 31 décembre 2014, [cette société] a cédé la majeure partie de ses actifs à C.I.B.E. pour un prix total de 30 231,99 euros », que le défendeur « a fait aveu de faillite, en sa qualité de gérant de la société, le 4 février 2015, le jugement déclaratif de faillite [ayant] été prononcé le 9 février 2015 », et que, par un arrêt de la cour d’appel de Liège du 26 juin 2018, « la date de cessation des paiements a été fixée […] à la date du 9 août 2014 ».
Après avoir constaté que, « par citation du 10 février 2020, les curateurs, [demandeurs], poursuivent la condamnation [du défendeur] au passif social de la société faillie, soit 292 684,41 euros », et qu’« ils fondent leur action sur les articles 262 à 264 du Code des sociétés et l’article 1382 de l’ancien Code civil », il considère que cette action « est soumise au délai de prescription prévu à l’article 2:143, § 1er », précité qui « contient les mêmes règles que celles figurant dans l’article 198, § 1er, du Code des sociétés, lequel avait repris les dispositions contenues dans l’article 194 des lois sur les sociétés commerciales coordonnées par l’arrêté royal du 30 novembre 1935 », que ces dispositions visent « toutes actions contre les gérants et administrateurs », ce qui recouvre « toutes les actions en responsabilité quel que soit leur fondement juridique, […] donc pas seulement les actions fondées sur les dispositions du Code des sociétés, mais également les actions en responsabilité extracontractuelle au sens de l’article 1382 [de l’ancien] Code civil », et instaurent un « délai de prescription dérogeant au droit commun ».
L’arrêt attaqué relève que « le délai de prescription prend cours ‘à partir de ces faits ou, s’ils ont été celés par dol, à partir de la découverte de ces faits’ », que les curateurs dénoncent « l’omission de faire aveu de faillite, la poursuite d’une activité déficitaire, le paiement préférentiel de certains créanciers [et] le non-paiement des créanciers institutionnels » et qu’ils « ne soutiennent pas que les faits reprochés [au défendeur] auraient été celés par dol ». Il considère que « ceux-ci ont été commis et se sont éventuellement prolongés jusqu’au jour de l’aveu de faillite, soit le 4 janvier [lire : février] 2015, au plus tard », et en déduit que « l’action des curateurs, introduite par citation du 10 février 2020, intervient plus de cinq ans après les faits reprochés [au défendeur] ».
Dès lors que le moyen, en sa première branche, fait grief à l’arrêt attaqué d’appliquer l’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations de manière non conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution en faisant courir la prescription à partir d’une date, celle de la commission des faits, où les curateurs n’ont pas et ne peuvent avoir connaissance du dommage, il y a lieu, conformément à l’article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de poser la question préjudicielle figurant au dispositif du présent arrêt. La question sur laquelle la Cour constitutionnelle a statué dans son arrêt n° 47/2007 du 21 mars 2007 n’a en effet pas un objet identique, la constitutionnalité de l’article 198, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés par rapport à l’article 2262bis, § 1er, alinéa 2, de l’ancien Code civil n’ayant été examinée qu’au regard de l’action du curateur fondée sur l’article 530 du Code des sociétés pour fautes graves et caractérisées de l’administrateur ayant contribué à la faillite.
Par ces motifs,
La Cour
Sursoit à statuer jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à la question préjudicielle suivante :
L’article 2:143, § 1er, quatrième tiret, du Code des sociétés et des associations, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il fixe le point de départ de la prescription quinquennale de l’action du curateur contre un membre de l’organe d’administration d’une société, pour faits de sa fonction, sur la base des articles 262 (faute de gestion) ou 263 (violation du code ou des statuts) du Code des sociétés, avant son abrogation par la loi du 23 mars 2019, ou de sa responsabilité extracontractuelle prévue par l’article 1382 de l’ancien Code civil, à partir de ces faits, en dehors du cas où ils ont été celés par dol, alors que, suivant l’article 2262bis, § 1er, alinéa 2, de l’ancien Code civil, toute action en réparation d’un dommage fondée sur une responsabilité extracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage et de l’identité de la personne responsable ?
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-six avril deux mille vingt-quatre par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0433.F
Date de la décision : 26/04/2024
Type d'affaire : Droit civil

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-04-26;c.23.0433.f ?

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