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17/04/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1037.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 17 avril 2024, P.23.1037.F


N° P.23.1037.F
L. M.,
partie civile,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
K. H.
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 juin 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a concl

u.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l’act...

N° P.23.1037.F
L. M.,
partie civile,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
K. H.
prévenue,
défenderesse en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 21 juin 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l’action civile exercée par le demandeur contre la défenderesse, en raison de l’usage d’une déclaration du 14 décembre 2009 en vue de commettre les tentatives d’escroquerie visées à la prévention C :
Sur le moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 51, 53, 193, 196, 197 et 496 du Code pénal, et 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir déclaré non fondée l’action civile exercée contre la défenderesse en raison de l’usage, par celle-ci et au préjudice du demandeur, d’une fausse déclaration du 14 décembre 2009. Selon le moyen, les juges d’appel n’ont pas légalement décidé que cet écrit produit par la prévenue dans des instances civiles ne s’imposait pas à la confiance publique, au motif que le demandeur, qui se l’est ainsi vu opposer, a pu en contester la teneur. Le demandeur fait valoir que cette règle n’était pas applicable dès lors que la déclaration litigieuse a été utilisée devant des juridictions civiles afin de justifier auprès d’un tiers, en l’occurrence le juge, le bien-fondé des demandes formulées par la défenderesse contre le demandeur. Et il suit de cette illégalité de l’arrêt relatif à l’usage de ce faux, que la décision qui en découle, rendue sur l’action civile exercée contre la défenderesse en raison des faits d’escroqueries et de tentatives d’escroquerie, également jugés non établis, n’est pas davantage légalement justifiée.
L'infraction de faux en écritures visée aux articles 193, 196, 213 et 214 du Code pénal, consiste en ce que, dans un écrit protégé par la loi, la réalité est déguisée avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, d'une manière déterminée par la loi.
Un écrit protégé par la loi est un écrit pouvant faire preuve dans une certaine mesure, c'est-à-dire qui s'impose à la confiance publique, de sorte que l'autorité ou les particuliers qui en prennent connaissance ou auxquels il est soumis peuvent se convaincre de la réalité de l'acte ou du fait juridique constaté par cet écrit ou sont en droit de lui accorder foi.
Tel est le cas lorsque l'écrit est destiné à établir le bien-fondé de la prétention d'une partie à une procédure judiciaire, le destinataire n'étant pas la partie qui peut le contester mais l'autorité judiciaire dont le contrôle ne porte, en règle, que sur la valeur probante de cette pièce.
Et l’usage d’un tel écrit peut dès lors constituer l’infraction visée à l’article 197 du Code pénal.
Il s’ensuit que faire usage d’une fausse déclaration écrite afin de donner l'impression à des tiers, parmi lesquels les autorités judiciaires, que son prétendu rédacteur a admis verser une contribution alimentaire, peut constituer l'infraction d’usage de faux en écritures. En effet, l'autorité judiciaire peut ainsi être convaincue de la véracité du fait juridique désigné comme faux et les intérêts légitimes de celui dont l’identité est reprise dans l’acte peuvent être lésés au point qu'il en demande réparation.
Pour dénier à la déclaration du 14 décembre 2009 le caractère de faux punissable, l’arrêt énonce d’abord qu’un écrit dont le contenu n’est admis que sous réserve de contrôle ne bénéficie pas de la confiance publique, de sorte qu’il ne relève pas de l’application des articles 193 et suivants du Code pénal. Il considère ensuite qu’en produisant en justice, contre le demandeur, l’écrit susvisé, la défenderesse n’a pas empêché son adversaire d’en contrôler les indications et de contester la signature dont cet acte est revêtu. L’arrêt ajoute que le demandeur, qualifié de « destinataire procédural de [la déclaration] », en a contesté le contenu, ainsi que la signature. Et les juges d’appel d’en conclure que cet acte ne s’est pas imposé à la confiance publique et n’était pas susceptible de porter préjudice au demandeur.
Revenant à considérer qu’un écrit protégé, dont le contenu n’est pas conforme à la vérité et qui est revêtu d’une fausse signature n’est pas un faux punissable, alors que cet acte a été produit en justice en vue d’influencer la décision du juge, ces motifs violent les articles 193, 196, 213 et 214 du Code pénal.
Le moyen est fondé.
Quant à la seconde branche :
Il suffit, pour que l’usage d’un faux en écritures soit punissable, qu’au moment où l’auteur l’utilise, cet emploi apparaisse susceptible de léser un intérêt public ou privé. Partant, est indifférent le fait que l’usage de l’acte falsifié n’ait le cas échéant, dans les circonstances concrètes de la cause, pas produit l’effet recherché par l’auteur.
Pour dénier à la déclaration du 14 décembre 2009 le caractère d’un faux punissable, dont la défenderesse aurait fait usage devant les juridictions civiles saisies de ses revendications, les juges d’appel, outre les motifs critiqués par la première branche, ont eu égard à la circonstance que, selon l’arrêt, il ressort des motifs des décisions rendues par ces juridictions que la déclaration précitée n’a eu aucune incidence sur la solution du litige.
Prétendant ainsi subordonner la répression de l’usage du faux à la réalisation de l’objectif recherché par l’auteur, l’arrêt viole les articles 193, 196, 197, 213 et 214 du Code pénal.
Le moyen est fondé.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui statue sur l’action civile exercée par le demandeur contre la défenderesse, en raison de l’usage de deux déclarations en vue de commettre les escroqueries visées à la prévention B :
Le demandeur n’invoque aucun moyen.
L’étendue de la cassation :
De la décision que l’usage de la fausse déclaration du 14 décembre 2009 n’est pas établi dans le chef de la défenderesse, l’arrêt déduit que les tentatives d’escroquerie au préjudice du demandeur, visées à la prévention C, ne sont pas davantage établies. Et de la décision que la preuve n’est pas rapportée que c’est la défenderesse qui est l’auteur de l’usage de cette déclaration et d’une autre au préjudice de Famiris, l’arrêt conclut que les escroqueries visées à la prévention B ne sont pas non plus établies.
Le demandeur ne critique pas les motifs des juges d’appel concernant les faits commis au préjudice de Famiris, motifs repris aux pages 19 à 21 de l’arrêt et étrangers aux griefs qui soutiennent le moyen.
Partant, la cassation sera limitée à la décision attaquée en tant qu’elle statue sur les faits de la prévention A, limitée à l’usage de la déclaration du 14 décembre 2009, et de la prévention C.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant que, rendu sur l’action civile exercée par le demandeur contre la défenderesse, il statue sur les faits de la prévention A, limitée à l’usage de la déclaration du 14 décembre 2009, et sur les faits de la prévention C ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à la moitié des frais et réserve la seconde moitié pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Liège.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cinq cents douze euros quarante-huit centimes dont deux cents sept euros quarante centimes dus et trois cents cinq euros huit centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-sept avril deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1037.F
Date de la décision : 17/04/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-04-17;p.23.1037.f ?

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