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06/03/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1793.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mars 2024, P.23.1793.F


N° P.23.1793.F
L. N.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Bernes, avocat au barreau de Namur,
contre
1. L. N.,
2. Maître Sandrine THIRION, avocat, agissant en qualité de tuteur ad hoc des enfants mineurs N. et N. L. dont le cabinet est établi à Namur, chaussée de Dinant, 317/2,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 5 décembre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens

dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugent...

N° P.23.1793.F
L. N.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Bernes, avocat au barreau de Namur,
contre
1. L. N.,
2. Maître Sandrine THIRION, avocat, agissant en qualité de tuteur ad hoc des enfants mineurs N. et N. L. dont le cabinet est établi à Namur, chaussée de Dinant, 317/2,
parties civiles,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 5 décembre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 417/11 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Le demandeur reproche à l’arrêt de ne pas constater l’existence de l’élément moral du viol qu’il lui est reproché d’avoir commis sur sa fille, cet élément consistant, selon lui, dans la volonté délibérée d’abuser de la victime dans un acte à connotation sexuelle. En outre, faute de répondre aux conclusions du demandeur qui contestait avoir été animé d’une telle volonté et qui soutenait que l’acte de pénétration évoqué pouvait avoir consisté en un geste médical posé à l’occasion de l’application d’une pommade, le moyen reproche à l’arrêt de ne pas motiver régulièrement sa décision de déclarer le viol établi.
D’une part, le juge ne doit répondre aux conclusions d’une partie que dans la mesure où elles contiennent des moyens, c’est-à-dire l’énonciation d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Il n’est tenu ni d’exposer les motifs de ses motifs ni de suivre cette partie dans le détail de son argumentation.
D’autre part, en vertu de l’article 417/11, alinéa 1er, du Code pénal, il y a lieu d’entendre par viol tout acte qui consiste en ou se compose d'une pénétration sexuelle de quelque nature et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne ou avec l'aide d'une personne qui n'y consent pas. Et conformément à l’article 375, alinéa 1er, du même code, applicable à l’époque des faits, le viol consiste dans tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas.
À défaut d’exigence d’une intention spéciale, le dol général, entendu comme la volonté délibérée, en connaissance de cause, d’adopter le comportement incriminé, suffit à caractériser l’élément moral de l’infraction.
Aux pages 7 et 8 de l’arrêt, les juges d’appel ont opposé aux dénégations du demandeur les éléments suivants :
- les déclarations précises et circonstanciées de la défenderesse qui expose avoir surpris le demandeur en érection alors que N. était couchée sur lui, dans le canapé, le 30 octobre 2017 ;
- le lendemain, la défenderesse a été interpellée par le fait que l’enfant allait retrouver son père aux toilettes. L’enfant, questionnée à ce sujet, a expliqué avoir vu le sexe de son père à plusieurs reprises, dans la chambre de ce dernier, avoir dû le masturber et a précisé qu’il devait s’agir d’un secret entre eux ;
- entendue lors de l’enquête, l’enfant a déclaré que le demandeur a « chipoté » avec son sexe et qu’elle a « chipoté » avec le sexe du demandeur, que ce dernier l’a embrassée sur la bouche, qu’elle a eu mal au niveau de son sexe, que son père « a fait ça en mettant son doigt avec de la pommade » et qu’ « il a rentré carrément dedans son doigt avec de la pommade » ;
- l’expert psychologue a conclu à la crédibilité des dires de l’enfant ;
- l’enfant a spontanément déclaré au médecin-légiste que le demandeur l’avait touchée ;
- elle a confirmé devant sa grand-mère que le demandeur lui avait fait mal au sexe en lui mettant de la pommade et qu’elle devait « jouer » avec le sexe de son père ;
- le médecin traitant du couple formé par le demandeur et la défenderesse a recueilli les confidences de cette dernière et le demandeur n’a pas nié les faits relatifs à l’enfant qui se serait trouvée couchée sur lui, les minimisant cependant. À la suite de ces entretiens, ce médecin a décidé d’aviser la police ;
- les explications de l’enfant quant à la pénétration digitale et son ressenti à cet égard mènent à la conclusion que les faits de viol sont établis.
Par ces considérations qui excluent le caractère thérapeutique allégué des gestes posés par le demandeur, en les situant dans un contexte sexuel auquel ils ont associé la pénétration digitale qui est l’objet de la prévention de viol, les juges d'appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision que ce fait était établi.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 47bis du Code d’instruction criminelle.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche aux juges d’appel de s’être contredits : d’une part, pour dire le viol établi, ils ont eu égard aux aveux du demandeur devant le médecin traitant du couple alors que, d’autre part, ils ont énoncé, en réponse aux griefs du demandeur déduits du caractère auto-incriminant de ces déclarations, que la cour d’appel ne prendra pas en considération ces aveux, sauf pour apprécier les circonstances du dévoilement des faits.
En énonçant qu’ « il n’est pas tant question de retenir "[les] aveux [du demandeur] devant le médecin traitant" mais bien les circonstances du dévoilement qui, en l’espèce, trouve son impulsion dans une décision du médecin traitant des parties face à la gravité des propos recueillis », les juges d’appel ne se sont pas interdits d’avoir égard aux propos rapportés par ce médecin.
Le moyen manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir statué sur sa culpabilité en ayant égard à ses déclarations, qualifiées d’aveux, devant le médecin traitant des parties et ce, en violation des droits garantis au suspect par l’article 47bis du Code d’instruction criminelle, a fortiori lorsque, comme en l’espèce, il est vulnérable en raison de déficiences mentales.
L’article 47bis du Code d’instruction criminelle n’est applicable qu’à l’audition réalisée par les autorités judiciaires et policières. Cette disposition est étrangère aux éventuels aveux et autres déclarations consentis devant un témoin qui les rapporte aux autorités susvisées.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Le demandeur reproche également aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à sa défense qui faisait valoir que l’on ne pouvait avoir égard à ses déclarations faites devant le médecin traitant des parties.
Mais les juges d’appel ont énoncé qu’en se référant aux propos rapportés par ce témoin, ils n’avaient pas tant égard aux « aveux [du demandeur] devant le médecin traitant » qu’à la manière dont les faits ont ainsi été dévoilés à la police par ce médecin.
Ainsi, ils ont répondu aux conclusions du demandeur et ont régulièrement motivé leur décision.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Quant au troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 9 de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir justifié leur décision de l’interner en se référant à des extraits du rapport de l’expert psychiatre, lequel a conclu à l’existence de troubles mentaux, mais ne les a pas reliés aux faits déclarés établis. Le moyen fait également grief aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à la défense qui faisait précisément valoir l’absence d’un lien causal entre les troubles mis en évidence par l’expert judiciaire et les infractions reprochées au demandeur.
En vertu de l’article 9, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 5 mai 2014, les juridictions de jugement peuvent ordonner l'internement d'une personne :
1° qui a commis un crime ou un délit portant atteinte à ou menaçant l'intégrité physique ou psychique de tiers et
2° qui, au moment de la décision, est atteinte d'un trouble mental qui abolit ou altère gravement sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes et
3° pour laquelle le danger existe qu'elle commette de nouveaux faits tels que visés au 1° en raison de son trouble mental, éventuellement combiné avec d'autres facteurs de risque.
La loi n’exige pas qu’un lien causal existe entre le trouble mental mis en évidence et les infractions déclarées établies.
À cet égard, déduit d’une autre prémisse, le moyen manque en droit.
Et les juges d’appel n’étaient dès lors pas tenus de répondre à une défense étrangère à la solution du litige dont ils étaient saisis.
Dans cette mesure, dépourvu d’intérêt, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par N. L. :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
C. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée par Maître Sandrine Thirion, statue sur
1. le principe de la responsabilité :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
2. l’étendue du dommage :
L’arrêt alloue au défendeur un euro provisionnel et réserve à statuer sur le surplus de la demande.
Pareille décision n’est pas définitive au sens de l’article 420 du Code d’instruction criminelle et est étrangère aux cas visés par le second alinéa de cette disposition.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent septante-quatre euros un centime dont cent quatre euros un centime dus et trois cent septante euros payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six mars deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1793.F
Date de la décision : 06/03/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-03-06;p.23.1793.f ?

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