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21/02/2024 | BELGIQUE | N°P.23.0289.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 février 2024, P.23.0289.F


N° P.23.0289.F
E. P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Mons, ch

ambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 11 janvi...

N° P.23.0289.F
E. P.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 11 janvier 2017.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LES FAITS
Le demandeur était poursuivi du chef de plusieurs infractions dans le cadre d’une fraude dite aux « sociétés de liquidité » et, notamment, de faux en écritures et usage de faux commis entre le 21 avril 1999 et le 7 novembre 2001 (prévention A.9), d’abus de confiance commis le 21 avril 1999 et consistant dans le détournement des liquidités de la société anonyme KS Construction & Development (prévention B.9), et de blanchiment d’argent commis le 21 avril 1999 (prévention G.9).
Le défendeur s’était constitué partie civile pour, entre autres, obtenir l’indemnisation du dommage matériel résultant du non-paiement de l’impôt dû par la société précitée.
La prescription de l’action publique ayant été définitivement constatée par un arrêt du 24 mai 2016, la cour d’appel de Mons a décidé par un arrêt du 25 janvier 2021 que les faits des préventions A.9, B.9 et G.9 sont établis dans le chef du demandeur et que ces fautes sont uniquement susceptibles de justifier l’octroi d’une indemnisation pour la perte de chance d’obtenir le paiement des impôts enrôlés, notamment, à charge de ladite société. Il ordonne la réouverture des débats afin que le défendeur s’explique sur le montant de ces impôts et accessoires y afférents et actualise la nature du dommage à la lumière de sa décision. Il invite ensuite les parties à s’expliquer sur l’existence et, le cas échéant, sur le taux de la perte de chance à retenir.
L’arrêt attaqué alloue au défendeur l’indemnisation pour la perte de chance susdite.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
Le moyen est pris de la violation des articles 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 1382 de l’ancien Code civil.
Le demandeur soutient que les faits des préventions A.9, B.9 et G.9 déclarés établis à titre de faute civile à charge du demandeur dans le volet de la société KS Construction & Development, ne peuvent être la cause du préjudice réclamé par l’Etat belge en sa qualité de créancier impayé, à défaut, pour le défendeur, d’être directement et personnellement lésé par ces fautes.
Le moyen fait valoir qu’en application de l’article 3 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, l’action civile ne sera déclarée recevable par la juridiction répressive que si elle est exercée par celui qui a personnellement souffert du dommage causé par l’infraction. Selon le demandeur, cette hypothèse n’est pas rencontrée en l’espèce puisque le défendeur se borne à affirmer qu’en commettant les fautes retenues, le demandeur a rendu impossible ou, à tout le moins, plus difficile le recouvrement de sa créance.
Le moyen soutient que seules certaines infractions, telles que l’organisation frauduleuse d’insolvabilité ou l’abus de biens sociaux, peuvent être la cause d’un préjudice direct et personnel envers un créancier impayé, et que la réclamation du défendeur doit être analysée comme celle de tout autre créancier impayé de la société KS Construction & Development qui, en application de l’article 1166 de l’ancien Code civil, pourrait, en règle, exercer tous les droits et actions de son débiteur devant les juridictions civiles, à l’exclusion des juridictions pénales.
Sauf les exceptions expressément prévues par la loi, l’action civile qui, aux termes de l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action publique, est l’action pour la réparation du dommage causé par une infraction, laquelle appartient, suivant l’article 3 de la même loi, à ceux qui ont souffert de ce dommage.
Les articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale n’excluent pas certaines infractions de leur champ d’application. Le juge pénal peut déclarer l’action civile fondée pour autant qu’il constate que l’infraction dont il est saisi est établie et que le dommage réclamé par la partie civile est en relation causale avec celle-ci.
Dans la mesure où il revient à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
L’arrêt considère que les faits de faux et usage de faux et de blanchiment ont directement participé à l’ensemble des opérations frauduleuses mises en place pour vider ces sociétés de leurs liquidités. Il ajoute que le défendeur n’entend pas agir en lieu et place de la société-cible à l’encontre du demandeur mais tend à obtenir l’indemnisation d’un dommage personnel, soit l’atteinte à son propre patrimoine par le non-paiement de dettes fiscales de la société-cible en raison des fautes infractionnelles commises par le demandeur.
Les juges d’appel ont ensuite considéré au terme d’une appréciation en fait que le dommage subi par le défendeur en raison des fautes commise par le demandeur, qui a participé à l’assèchement complet des liquidités de la société-cible, consistait en une perte de chance d’obtenir le paiement des impôts enrôlés dont le demandeur a contribué à rendre le recouvrement impossible.
Par ces énonciations, l’arrêt constate que le défendeur a été directement et personnellement lésé par les faits des infractions établies.
A cet égard, le moyen manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante-sept euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Filip Van Volsem, président de section, Erwin Francis, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-et-un février deux mille vingt-quatre par Filip Van Volsem, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0289.F
Date de la décision : 21/02/2024
Type d'affaire : Autres - Droit fiscal

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-02-21;p.23.0289.f ?

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