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21/02/2024 | BELGIQUE | N°P.23.0276.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 février 2024, P.23.0276.F


N° P.23.0276.F
R. J.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mona Giacometti, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
C.A.S.Q.C. PREFARAILS, société anonyme,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée c

onforme.
Aux audiences des 20 décembre 2023 et 7 février 2024, le conseiller François Stévenart Meeûs...

N° P.23.0276.F
R. J.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Mona Giacometti, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
C.A.S.Q.C. PREFARAILS, société anonyme,
partie civile,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 janvier 2023 par la cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Aux audiences des 20 décembre 2023 et 7 février 2024, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
Le demandeur a déposé, le 31 janvier 2024, une note en réponse par application de l’article 1107, alinéa 3, du Code judiciaire.

II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen invoque la violation des articles 193, 196 et 197 du Code pénal.
Le demandeur est poursuivi du chef de faux et usage de faux, pour avoir fait établir par des fournisseurs de la défenderesse, dont il était l’administrateur-délégué, des factures d’achat de machines et d’outillage mentionnant des prix délibérément surévalués afin de permettre à ces fournisseurs de lui verser des commissions occultes, personnellement (préventions A.5 et A.8) ou à des sociétés dont il était le dirigeant (préventions A.3, A.4, A.6 et A.7). Le demandeur est également poursuivi du chef d’escroquerie, pour avoir obtenu la rétrocession de la partie surévaluée desdites factures payées par la défenderesse (prévention C.1).
Le moyen reproche à l’arrêt de déclarer ces préventions établies, sans constater de façon précise l’altération de la vérité qui affecterait chacune des factures arguées de faux. Selon le demandeur, le fait pour les fournisseurs d’avoir intégré au prix de vente facturé à la défenderesse une commission payée à un tiers n’est pas en soi constitutif d’un faux en écritures. Il soutient qu’aucun élément du dossier répressif ne permet de considérer que les commissions ne correspondent pas à un service réellement rendu par les sociétés qui ont bénéficié de ces sommes.
Le faux en écritures consiste à dissimuler la vérité, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, soit par des mentions sciemment inexactes, soit en omettant intentionnellement de mentionner certains éléments lors de l’établissement d’un écrit protégé par la loi, alors qu’il peut en résulter un préjudice.
L’altération du prix d’un bien mentionné sur une facture de vente afin de permettre la rétrocession d’une commission occulte à un tiers est une simulation constitutive d’un faux lorsque l’opération est susceptible de causer un préjudice au destinataire de la facture et que l’auteur est animé d’une intention frauduleuse ou d’un dessein de nuire.
Pour déclarer la prévention A.3 établie, l’arrêt considère, aux pages 13 et 14, que
- la défenderesse a payé le 28 novembre 2012 une facture d’un montant de quatre-vingt-cinq mille euros, émise le 22 novembre 2012 par la société polonaise Intrac Polska, pour la fourniture d’une pelleteuse ;
- le 19 novembre 2022, la société Isoloader Europe, dont le demandeur est le dirigeant, a facturé à la société polonaise précitée un montant de trente mille euros au titre de « commission sur vente de pelleteuse », montant qui a été payé ;
- la société Isoloader Europe exerce une activité commerciale étrangère à ce type d’équipement et n’a joué aucun rôle de prospection ou d’intermédiation dans cette vente ;
- le montant de cette commission particulièrement conséquente correspond approximativement à cinquante-cinq pour cent du prix de vente de la machine et n’est ni précisément défini ni détaillé ;
- il est singulier que cette intervention à titre d’intermédiaire dans la vente, fût-elle réelle, n’a pas été facturée directement par la société Isoloader Europe à la défenderesse, qui étaient toutes deux dirigées par le demandeur, mais que « sa prise en compte a été imposée par [le demandeur] au vendeur via un mécanisme destiné à en occulter l’existence » ;
- le demandeur a implicitement admis la possibilité d’une facturation fictive de la société Isoloader Europe en déclarant aux enquêteurs, lors de son audition le 21 janvier 2016, que si la facture a été émise, « c’est pour obtenir des liquidités afin de faire face à des paiements pour la société Isoloader, sans aucune rétribution pour des services prestés ».
S’agissant des préventions A.4 à A.8, il ressort de l’arrêt que les juges d’appel ont considéré, pour chacune des factures envoyées à la défenderesse et payées par elle, qu’elles portaient sur des livraisons de biens dont le prix de vente surévalué incluait en réalité une rétrocommission versée, selon le cas, sur le compte bancaire privé luxembourgeois du demandeur ou à des sociétés dont il était le dirigeant ou l’actionnaire.
Par ces considérations, qui laissent apparaître que le demandeur a fait sortir des sommes non justifiées économiquement du patrimoine de la défenderesse, au moyen de fausses factures, à l’effet d’en bénéficier directement ou indirectement, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que les faits des préventions A.3 à A.8 de faux en écritures étaient établis.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Pris de la violation de l’article 496 du Code pénal, le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir déclaré établies les préventions d’escroquerie correspondant aux factures précitées, alors que ces dernières ne contiennent aucune énonciation contraire à la vérité et, par conséquent, ne peuvent fonder les manœuvres frauduleuses inhérentes aux escroqueries alléguées.
Entièrement déduit du grief vainement invoqué dans la première branche, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 42, 3°, et 43bis, alinéa 1er, du Code pénal.
Il reproche à la cour d’appel de s’être abstenue de vérifier que les montants confisqués sur la base des préventions d’abus de biens sociaux et d’escroquerie constituaient effectivement, en application de l’article 42, 3°, du Code pénal, des avantages patrimoniaux que le demandeur aurait personnellement tirés de ces infractions.
Selon le moyen, cette critique est d’autant plus pertinente que le demandeur a contesté que les montants confisqués par le premier juge étaient de tels avantages patrimoniaux, dès lors que c’est essentiellement au profit de sociétés et non de lui-même que les montants repris sous les préventions d’abus de biens sociaux et d’escroquerie ont été versés.
Il en résulte, d’après le demandeur, que la Cour ne peut pas vérifier si les juges d’appel n’ont pas méconnu la notion légale d’avantage patrimonial tiré de l’infraction et s’ils n’ont pas déduit, des faits qu’ils ont constatés, des conséquences étrangères à ces faits.
Pour pouvoir confisquer, à charge de l’auteur, du co-auteur ou du complice de l’infraction, les avantages patrimoniaux visés à l'article 42, 3°, du Code pénal, ou le montant correspondant à leur évaluation monétaire au sens de l'article 43bis, alinéa 2, du même code, il n'est pas requis que ces avantages appartiennent au prévenu, que ceux-ci soient entrés dans son patrimoine ou qu’il se soit effectivement enrichi ; cette peine peut être prononcée indépendamment du bénéfice tiré de l'infraction ou de la destination donnée ultérieurement aux avantages patrimoniaux.
En tant qu’il soutient que la peine de confiscation par équivalent des avantages patrimoniaux tirés des infractions d’escroquerie et d’abus de biens sociaux déclarées établies à charge du demandeur ne pouvait pas être prononcée au motif que ces avantages ont essentiellement été accordés à des sociétés et non au demandeur lui-même, le moyen manque en droit.
L’arrêt considère que le demandeur a imposé à des fournisseurs de la défenderesse d’adresser à celle-ci des factures mentionnant des livraisons ou prestations inexistantes ou artificiellement surévaluées, en vue d’assurer le paiement de rétrocommissions, à l'insu des organes de la défenderesse et des tiers. A cet égard, la cour d’appel a constaté que ces factures surévaluées avaient effectivement été payées par la défenderesse et que celle-ci avait subi un préjudice dans la mesure des montants économiquement injustifiés qu’elle avait payés et qui, par la suite, ont été rétrocédés au moyen de versements sur des comptes bancaires du demandeur ou au profit de sociétés dont il était le dirigeant ou l’actionnaire.

S’agissant de l’infraction d’abus de biens sociaux, les juges d’appel ont relevé que le demandeur avait, sous la forme de transferts d’argent à des sociétés dont il était le dirigeant ou l’actionnaire mais avec lesquelles la défenderesse n’avait pas de liens, privé celle-ci de fonds correspondant à une importante partie de sa trésorerie.
Par ces motifs qui, contrairement à ce que le moyen soutient, permettent à la Cour de vérifier si l’arrêt ne méconnaît pas la notion d’avantages patrimoniaux tirés d’une infraction, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de confisquer à charge du demandeur les sommes d’argent dont il a obtenu le versement en commettant les infractions déclarées établies à sa charge.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient déduit, de leurs constatations, des conséquences que celles-ci ne pourraient justifier.
Dans cette mesure, manquant de précision, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur par la défenderesse :
Le demandeur se désiste, sans acquiescement, de son pourvoi, au cas où celui-ci serait jugé prématuré en tant qu’il est dirigé contre l’ensemble des dispositions civiles de l’arrêt ou en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur la demande de la défenderesse fondée sur les faits de la prévention B.9.
L’arrêt alloue à la défenderesse des indemnités définitives du chef des faits visés aux préventions A.2 et C.2.b, A.3 et C.1.d, A.4 et C.1.c, A.5 et C.1.f, A.6 et C.1.b, A.7 et C.1.e, A.8 et C.1.a, B.2, B.3, B.5 et B.11.
Toutefois, s’agissant de la responsabilité alléguée du demandeur en raison des faits visés à la prévention B.9, l’arrêt ordonne la réouverture des débats et remet la cause sans date, afin que les parties s’expliquent sur l’existence et le montant du dommage.
L’arrêt qui, ainsi, ne statue pas sur le principe d’une responsabilité du demandeur quant à l’ensemble des préventions sur lesquelles l’action civile de la défenderesse est fondée, n’est pas définitif au sens de l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, et est étranger aux exceptions visées au second alinéa de cet article.
Il y a lieu de décréter le désistement.
Et il n’y a dès lors pas lieu d’avoir égard au deuxième moyen, relatif à la décision rendue sur une partie de l’action civile exercée contre le demandeur par la défenderesse.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Décrète le désistement du pourvoi en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cent vingt-neuf euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt et un février deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0276.F
Date de la décision : 21/02/2024
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-02-21;p.23.0276.f ?

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