La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/02/2024 | BELGIQUE | N°P.24.0182.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 février 2024, P.24.0182.F


N° P.24.0182.F
J. G.
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Morgan Bonneure, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a con

clu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le demandeur fait l’objet d’un mandat ...

N° P.24.0182.F
J. G.
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Morgan Bonneure, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 2 février 2024 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
1. Le demandeur fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis par les autorités autrichiennes le 13 novembre 2023.
Le moyen invoque la violation des articles 48.2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2.1 et 2.7 de la Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, 10/1, 2°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen, et 23, 2°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
Il reproche à la chambre des mises en accusation d’avoir jugé que la procédure relative à la décision sur l’exécution du mandat d’arrêt européen, et en particulier l’audience devant elle, pouvait se poursuivre sans que le demandeur soit assisté d’un interprète en langue allemande, en raison de la circonstance que ce dernier, bien que présent à l’audience, y était représenté par ses avocats en application de l’article 23, 2°, de la loi relative à la détention préventive, alors que cette disposition n’est pas applicable dans une telle procédure.
Le demandeur souligne que, entre le 11 janvier 2024, c’est-à-dire la date de la première audience à laquelle la cause a été remise à l’audience du 1er février 2024, et cette dernière date, l’autorité judiciaire d’exécution pouvait convoquer un interprète, et que, d’ailleurs, ses conseils ont adressé un courriel à la chambre des mises en accusation et au ministère public rappelant qu’il fallait convoquer un interprète en langue allemande.
Le moyen ajoute que, à supposer que l’article 23, 2°, précité, soit applicable dans une procédure d’exécution du mandat d’arrêt européen, cette disposition légale ne régit pas une situation, qui, comme en l’espèce, concerne une personne présente à l’audience et privée de l’assistance d’un interprète. En outre, à supposer le contraire, ledit article ne serait pas conforme au droit des personnes poursuivies à être assistées d’un interprète, droit qui est garanti par les dispositions conventionnelles et légales invoquées.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que la question suivante soit posée, à titre préjudiciel, à la Cour de justice de l’Union européenne :
« L’article 2, § 1er et § 7, de la Directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales, lu à la lumière de l’article 48, § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit-il être interprété en ce sens qu’il exige que la personne visée par un mandat d’arrêt européen soit assistée dans l’État d’exécution par un interprète à tous les stades de la procédure s’il ne comprend ou ne parle pas la langue de la procédure ? ».
2. L’article 17, § 4, de la loi relative au mandat d’arrêt européen dispose que, dans les quinze jours de la déclaration d’appel, la chambre des mises en accusation statue sur l'appel par une décision motivée, le procureur général, la personne concernée assistée ou représentée par son avocat entendus.
Il résulte de cette disposition que la personne concernée peut être représentée à l’audience de la chambre des mises en accusation statuant sur l’exécution du mandat d’arrêt européen.
La décision des juges d’appel d’admettre la représentation du demandeur par ses avocats étant légalement justifiée à la lumière de l’article 17, § 4, de la loi relative au mandat d’arrêt européen, le moyen, qui critique l’arrêt en tant qu’il fonde cette décision sur l’article 23, 2°, de la loi relative à la détention préventive, est, à cet égard, irrecevable à défaut d’intérêt.
3. Après avoir avoir relevé que le demandeur comparaissait personnellement, assisté de ses conseils, l’arrêt attaqué énonce : « Un interprète n’ayant pu être convoqué à l’audience du jour (un document, en ce sens, est déposé par le ministère public), ses conseils, Maîtres Michèle Hirsch et Morgan Bonneure, avocats, représentent l’inculpé sur pied de l’article 23, 2°, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive ».
Il ressort de cette énonciation, que le moyen ne critique pas en tant qu’elle constate que les avocats du demandeur le représentaient, que ce dernier, bien que présent à l’audience, a cessé d’y comparaître personnellement à partir de l’instant où la chambre des mises en accusation a relevé qu’un interprète n’avait pas pu être convoqué, et qu’il a ensuite comparu par avocat.
À cet égard, il ne ressort pas de cette énonciation ni d’aucune pièce de la procédure que, après que la cour d’appel a constaté qu’un interprète n’avait pas pu être convoqué et que les conseils du demandeur le représentaient, ceux-ci aient fait valoir que cette représentation était limitée et que le demandeur ne renonçait pas à l’assistance d’un interprète dans le cadre des débats portant sur l’exécution du mandat d’arrêt européen.
En tant qu’il est fondé sur la prémisse que le demandeur a comparu en personne et devait, à ce titre, être assisté d’un interprète, le moyen ne peut être accueilli.
4. Et il n’y a pas lieu d’interroger à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors que le moyen est rejeté pour un motif étranger à la question proposée.
Sur le second moyen :
Quant à la première branche :
5. Le moyen invoque la violation des articles 6, 5°, et 17 de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen.
Il reproche à l’arrêt de fonder le rejet de la cause de refus facultative visée à l’article 6, 5°, de la loi précitée, sur les seuls motifs, d’une part, que « la juridiction d’instruction chargée de statuer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen est dépourvue de toute compétence pour inviter les autorités d’émission à dénoncer les faits aux autorités judiciaires belges chargées des poursuites » et, d’autre part, que « les juridictions d’instruction apprécient souverainement le refus de l’exécution lorsque le mandat d’arrêt européen porte sur des infractions qui ont été commises en tout ou en partie sur le territoire belge », que « la juridiction d’instruction peut appuyer la décision de ne pas appliquer cette cause de refus facultative sur la considération que les faits matériels visés dans le mandat d’arrêt ont été commis dans l’État d’émission ou ailleurs à l’étranger, même si l’intéressé y a participé en tout ou en partie depuis l’État d’exécution », et qu’« il ne résulte d’aucune disposition légale que lorsqu’une infraction aurait été partiellement commise en Belgique ou que celui qui fait l’objet du mandat d’arrêt européen y aurait participé en tout ou en partie, la juridiction d’instruction soit tenue d’en refuser l’exécution, fût-ce dans le cadre d’une appréciation spéculative quant à l’opportunité pour l’État d’émission de dénoncer les faits à l’État d’exécution ».
Le demandeur soutient que, dès lors que ses conclusions invoquaient des éléments de fait démontrant que le mandat d’arrêt européen portait sur des infractions commises en tout ou en partie sur le territoire belge et justifiant de faire droit à sa demande d’appliquer la cause de refus facultative prévue à l’article 6, 5°, de la loi relative au mandat d’arrêt européen, la chambre des mises en accusation devait indiquer pour quelle raison elle n’appliquait pas cette cause de refus.
6. L’article 6, 5°, de la loi relative au mandat d’arrêt européen dispose que l’exécution peut être refusée lorsque le mandat d'arrêt européen porte sur des infractions qui ont été commises en tout ou en partie sur le territoire belge ou en un lieu assimilé à ce territoire.
En vertu de l’article 17, § 4, de cette loi, la décision par laquelle la chambre des mises en accusation statue sur l'appel de la décision de la chambre du conseil statuant sur l’exécution du mandat d’arrêt européen doit être motivée.
Ainsi que l’arrêt attaqué l’énonce, la juridiction d’instruction apprécie souverainement s’il y a lieu de refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen lorsque celui-ci porte sur des infractions qui ont été commises en tout ou en partie sur le territoire belge.
En l’absence d’une demande de la personne concernée de faire application de cette cause de refus facultative, la juridiction d’instruction n’est pas tenue d’énoncer les motifs pour lesquels elle décide de ne pas en faire usage. Toutefois, lorsque la personne concernée demande de manière motivée à la juridiction d’instruction de ne pas exécuter le mandat d’arrêt européen sur la base de l’article 6, 5°, précité, il lui appartient de répondre à cette demande, en indiquant, fût-ce de manière succincte, pourquoi elle considère qu’il n’y a pas lieu d’y accéder.
7. Dans ses conclusions d’appel, le demandeur a notamment fait valoir, à l’appui de sa demande de faire application de ladite cause de refus, qu’il n’avait pas le moindre lien avec l’Autriche, que l’association de malfaiteurs alléguée opérait depuis et sur le territoire belge, que la victime autrichienne ne serait qu’une victime parmi d’autres de la même association, que les suspects, qui demeurent en Belgique, rencontraient les victimes à Bruxelles, en ce compris celle qui réside en Autriche, après les avoir contactées avec des numéros belges et des adresses électroniques de sociétés belges, et que toutes les éventuelles preuves avaient été récoltées en Belgique.
L’arrêt qui, en substance, par les motifs visés au moyen, se borne à énoncer qu’à supposer que les faits aient été en partie commis en Belgique ou que la personne recherchée y ait, en tout ou en partie, participé, la juridiction chargée de statuer sur les suites à réserver au mandat d’arrêt européen n’est pas obligée d’en refuser l’exécution, sans indiquer de manière concrète pourquoi la chambre des mises en accusation a jugé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la cause de refus susvisée, n’est pas régulièrement motivé.
Le moyen est fondé.
8. Il n’y a pas lieu d’avoir égard au surplus du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.
La décision qui rejette l’application des autres causes de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen invoquées n’encourant pas elle-même la censure, la cassation est limitée à la décision refusant l’application de la cause de refus facultative visée à l’article 6, 5°, de la loi relative au mandat d’arrêt européen.
Le contrôle d’office
9. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est, sauf l’illégalité à censurer ci-après, conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’application de la cause de refus facultative du mandat d’arrêt européen visée à l’article 6, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais de son pourvoi et réserve le quart restant pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Lesdits frais taxés à la somme de deux cents cinq euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, conseillers, et Sidney Berneman, conseiller honoraire, magistrat suppléant, et prononcé en audience publique du quatorze février deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Philippe de Koster, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.24.0182.F
Date de la décision : 14/02/2024
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 17/02/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-02-14;p.24.0182.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award