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09/02/2024 | BELGIQUE | N°F.21.0106.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 février 2024, F.21.0106.F


N° F.21.0106.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre Particuliers de Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 83), inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.159,
demandeur en cassation,
contre
1. J. C., et
2. S. A.-S.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cou

r d’appel de Liège.
Le 18 janvier 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des co...

N° F.21.0106.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du conseiller général du centre Particuliers de Liège, dont les bureaux sont établis à Liège, rue de Fragnée, 2 (bte 83), inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.159,
demandeur en cassation,
contre
1. J. C., et
2. S. A.-S.,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d’appel de Liège.
Le 18 janvier 2024, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 31, 32, 351 et 352 du Code des impôts sur les revenus 1992, tels qu’ils sont applicables à l’exercice d’imposition 2015
Décision et motifs critiqués
Concernant l’exposé des faits et l’objet du litige, l’arrêt renvoie à l’exposé des faits repris dans le jugement entrepris, qui énonçait :
« Le contribuable (ici défendeur) a été le dirigeant de la s.p.r.l. Amazonia Communication & Events, mise en liquidation volontaire par acte notarié du 30 mars 2012. La liquidation est clôturée par l’assemblée générale de ladite société le 3 décembre 2013.
En exécution d’un jugement rendu par le tribunal de première instance de Liège le 23 septembre 2014, [le demandeur] a dégrevé des cotisations à l’impôt des sociétés établies au nom de la s.p.r.l. Amazonia Communication & Events pour les exercices d’imposition 2009 et 2010 pour un montant de 27 667,71 euros, selon décision du 3 mars 2015.
Le 27 mai 2015, le service de recouvrement rembourse aux [défendeurs] le solde de 25 711, 36 euros.
Les [défendeurs] ne rentrent pas dans le délai légal de l’article 305 du Code des impôts sur les revenus 1992 leur déclaration à l’impôt des personnes physiques pour l’exercice d’imposition 2015.
Par notification d’imposition d’office du 12 mai 2016, le centre de contrôle de Waremme annonce l’imposition au titre de revenus de dirigeant d’entreprise d’un montant de 25 711,36 euros correspondant au solde remboursé par [le demandeur] le 27 mai 2015 à la suite du jugement précité.
Le taxateur motive sa position en ces termes :
‘[Le défendeur] était le liquidateur de la société Amazonia liquidée définitivement le 3 décembre 2013. Préalablement, [il] était dirigeant de cette société depuis le 1er juillet 2007.
[…] La société Amazonia était en litige avec l’administration fiscale concernant des cotisations à l’impôt des sociétés relatives aux exercices d’imposition 2009 et 2010. Ce litige s’est soldé par un jugement du 23 septembre 2014 défavorable à l’administration.
Une ordonnance d’annulation a été établie le 3 mars 2015 et [les défendeurs] ont demandé que le montant repris sur l’ordonnance [leur] soit remboursé sur le compte commun […] auprès de Belfius.
Le service de recouvrement et de liquidation a imputé un montant de 1 956,35 euros sur l’article 850001533 établi à charge de la s.p.r.l. Amazonia. Le solde de 25 711,36 euros a été remboursé [aux défendeurs] le 27 mai 2015.
Sur la base de l’article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992, ce montant est à considérer comme une rémunération de dirigeant d’entreprise. Le montant de 25 711,36 euros sera repris au code 1400 de la déclaration’.
Par une lettre du 10 juin 2016, le [défendeur] conteste le redressement annoncé, invoquant le fait qu’il a personnellement acquitté un impôt des sociétés en attendant la décision de justice relative à la contestation du supplément pour contester le fait que les sommes remboursées par le fisc ne soient pas constitutives d’une rémunération pour son mandat de liquidateur ; il s’agissait, selon lui, de récupérer la somme d’argent qu’il avait avancée à la s.p.r.l. Amazonia.
Par notification de la décision de taxation du 9 août 2016, le team Gestion 9 (Waremme) maintient sa position, en l’absence de documents probants à l’appui de l’allégation que le [défendeur] aurait payé personnellement l’impôt des sociétés contesté. Le taxateur s’exprime comme suit :
‘Je remarque que vous n’appuyez vos dires par aucun document probant susceptible de justifier cette position tant financièrement que comptablement.
Je peux également supposer lorsque [le défendeur] a fait l’avance pour la société en liquidation, une écriture comptable dans la comptabilité de la société a dû être passée pour prendre acte de la dette de la société vis-à-vis de son gérant. Partant, la liquidation de la société a dû tenir compte de cette dette dans la détermination de l’actif de la liquidation’.
Le 20 septembre 2016, une cotisation conforme aux bases notifiées est établie au nom des [défendeurs] pour l’exercice d’imposition 2015 ».
L’arrêt rappelle également que :
« Par jugement du 23 septembre 2014, le tribunal de première instance de Liège a annulé les cotisations à l’impôt des sociétés susvisées enrôlées à charge de la s.p.r.l. Amazonia et [le défendeur] n’a pas fait appel de ce jugement.
Le 3 mars 2015, l’administration fiscale, exécutant le jugement du 23 septembre 2014, a informé la s.p.r.l. Amazonia (liquidée définitivement) de l’annulation des cotisations à l’impôt des sociétés qui étaient litigieuses enrôlées à sa charge pour les exercices d’imposition 2009 et 2010, le montant des dégrèvements accordés s’élevant à 27 667,71 euros.
De ce montant, une somme de 1 956,35 euros a été imputée par les services du recouvrement sur une ancienne dette fiscale de la s.p.r.l. Amazonia.
Le 27 mai 2015, le solde, soit 25 711,36 euros, a été liquidé sur un compte bancaire ouvert au nom des [défendeurs].
Le 18 août 2015, les [défendeurs] ont quitté Remicourt pour l’Espagne.
Ils n’ont par rentré en Belgique leur déclaration ‘Exercice spécial 2015’.
Le 12 mai 2016, le service de taxation leur a adressé un avis d’imposition d’office pour absence de cette déclaration.
Outre la taxation de pensions perçues par [le défendeur], le taxateur les informait, dans cet avis, de son intention de taxer le montant susvisé de 25 711,36 euros au titre de revenus de dirigeant d’entreprise dans le chef [du défendeur] (code 1400 de la déclaration) sur la base de l’article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992.
Les [défendeurs] ont marqué leur accord sur la taxation des pensions et leur désaccord sur la taxation susvisée au titre de revenus de dirigeant d’entreprise.
[…] La réclamation introduite par les défendeurs contre la cotisation litigieuse a été déclarée recevable mais non fondée par une décision administrative du 25 octobre 2017.
Par une requête déposée au greffe le 8 janvier 2018, les défendeurs ont saisi le tribunal de première instance de la contestation.
Par jugement du 21 mars 2019, le premier juge a dit la requête recevable et fondée, a annulé la cotisation litigieuse, a condamné [le demandeur] aux dépens liquidés à 1 100 euros et a également placé la cause au rôle pendant six mois.
Ce jugement est notamment motivé par les considérations suivantes :
‘Les sommes litigieuses sont perçues par le [défendeur] après la cessation de l’activité de la société en lien avec sa fonction de gérant au sein de cette dernière.
Ce n’est que parce qu’il avait un compte courant débiteur au sein de la société qu’il a remboursé les dettes à l’impôt des sociétés et, une fois annulées, leur remboursement au [défendeur] ne s’explique que par ses fonctions antérieures de gérant.
[Le remboursement] ne constitue pas des revenus de dirigeant du [défendeur] pour l’exercice 2015 en raison de la clôture de la liquidation de la société Amazonia survenue le 3 décembre 2013 ; depuis cette date, le [défendeur] a perdu la qualité de dirigeant de cette société et aucun texte légal ne permet de lui restituer cette qualité, pas même l’article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992’ ».
L’arrêt poursuit en résumant la position [du demandeur] comme suit :
« Selon [le demandeur], le jugement entrepris devrait être réformé en ce qu’il a ordonné l’annulation de la cotisation litigieuse en jugeant que le montant litigieux de 25 511,36 euros perçu par [le défendeur] était non imposable dès lors que ce dernier avait perdu sa qualité de gérant suite à la clôture de la liquidation de la s.p.r.l. Amazonia.
D’une part, ce serait à bon droit que l’administration aurait imposé le remboursement litigieux à titre de rémunérations de dirigeant d’entreprise [du défendeur]. Selon [le demandeur], ‘le fait que, suite au dégrèvement total des deux cotisations litigieuses à l’impôt des sociétés, [le défendeur] ait obtenu le remboursement effectif du montant des impositions (25 711,36 euros après déduction d’une cotisation non apurée) constitue bien pour lui un revenu imposable obtenu dans le cadre de sa fonction de gérant.
Ces paiements de dettes fiscales de la s.p.r.l. Amazonia par [le défendeur] lui-même ont permis à ce dernier de résorber le solde débiteur de son compte courant de dirigeant. En payant les cotisations enrôlées dans le chef de la s.p.r.l. Amazonia, [le défendeur] a diminué sa dette de gérant envers la société’. Et [le demandeur] d’ajouter qu’il est de jurisprudence constante qu’une diminution de dettes constitue un enrichissement.
Ainsi, [le demandeur] soutient que, si [le défendeur] n’avait pas soldé son compte courant débiteur en payant les dettes fiscales de la société dont il était le gérant, il aurait été imposé sur le solde débiteur subsistant à la clôture de la liquidation.
Le montant litigieux de 25 511,36 euros perçu par [le défendeur] en 2015 devrait donc bien, selon [le demandeur], être imposé au titre de rémunération de dirigeant d’entreprise, quand bien même il n’aurait plus, alors, exercé cette fonction ».
L’arrêt considère ensuite que :
« L’article 32, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 prévoit ceci :
Les rémunérations des dirigeants d’entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique :
1° qui exerce un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues ;
2° qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail.
En vertu de l’article 32, alinéa 2, de ce code, les rémunérations de dirigeant d’entreprise comprennent notamment les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle.
Par ailleurs, certes, l’article 351 du même code prévoit que l’administration peut procéder à la taxation d’office en raison du montant des revenus imposables qu’elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans les cas où le contribuable s’est abstenu, notamment, de rentrer une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l’article 312.
Et le contribuable régulièrement taxé d’office peut soit contester la base imposable établie par l’administration en démontrant le montant exact de ses revenus, conformément à l’article 352 du code, soit solliciter l’annulation de la cotisation en établissant qu’elle a été établie arbitrairement.
Il y a lieu de considérer que la base imposable a été déterminée arbitrairement notamment lorsque l’administration a commis une erreur de droit, semblable erreur pouvant consister en une erreur dans la qualification des revenus imposables ».
L’arrêt considère également que :
« En l’espèce, le montant litigieux de 25 511,36 euros correspond au montant remboursé, en 2015, par l’administration du recouvrement relatif aux cotisations à l’impôt des sociétés enrôlées dans le chef de la s.p.r.l. Amazonia pour les exercices d’imposition 2009 et 2010 et annulées par la décision prise par le tribunal de première instance de Liège le 23 septembre 2014.
[Le défendeur] était à la fois l’associé et, depuis le 1er juillet 2007, le gérant de la s.p.r.l. Amazonia avant d’en devenir, le 30 mars 2012, le liquidateur.
Il résulte des pièces versées au dossier administratif que [le défendeur] a payé des sommes correspondant aux cotisations à l’impôt des sociétés dont le paiement était réclamé à la s.p.r.l. Amazonia pour les exercices d’imposition 2009 et 2010 et que, ce faisant, il a soldé le compte 291000 ‘autres créances’.
Ainsi, dans le rapport de liquidation du 21 mars 2012, les réviseurs d’entreprise relèvent que, dans les créances à plus d’un an, la s.p.r.l. Amazonia détient une créance résultant d’une avance consentie à l’un des deux associés pour un montant de 76 946,68 euros. Au 1er janvier 2013, le compte relatif à cette créance, soit le compte 291000 ‘autres créances’, présente un solde de 72 145,77 euros.
La mise en relation de l’historique de ce compte avec les plans d’apurement accordés à la s.p.r.l. Amazonia par le Team Recouvrement permet de constater que ce compte a été soldé par le biais de l’enregistrement au crédit du compte de montants correspondant au paiement, pour compte de la s.p.r.l. Amazonia, des dettes fiscales susvisées à l’impôt des sociétés.
Toutefois, l’avantage qui pourrait être accordé par une société mise en liquidation à son dirigeant, société auprès de qui il disposerait d’un compte courant débiteur, consistant en le fait de lui permettre de ne pas rembourser son compte courant, ne pourrait résulter du fait que ledit compte courant était débiteur lors de la mise en liquidation, soit à un moment où rien ne permettrait de considérer que le liquidateur ne réclamerait pas le paiement de la dette du dirigeant envers la société.
Semblable avantage ne pourrait le cas échéant exister que si ledit compte courant était débiteur lors de la clôture de la liquidation, soit à un moment où le non-remboursement deviendrait définitif.
Or, en l’espèce, si le compte 291000 susvisé était bien débiteur au moment de la mise en liquidation de la s.p.r.l. Amazonia, [le défendeur] a soldé ce compte, en cours de liquidation, via divers paiements et rien ne permet de considérer qu’à la clôture de la liquidation intervenue le 3 décembre 2013, [il] aurait disposé d’un compte courant débiteur envers cette société.
Si le remboursement des sommes ayant été imputées sur des cotisations à l’impôt des sociétés établies à charge de la s.p.r.l. Amazonia finalement annulées par un jugement du tribunal de première instance de Liège du 23 septembre 2014 a été effectué, le 27 mai 2015, sur un compte ouvert au nom des [défendeurs], c’est parce qu’à ce moment, la société avait cessé d’exister puisque sa liquidation avait été clôturée le 3 décembre 2013.
Si, lorsque le remboursement de ces sommes est intervenu, la société avait toujours été en liquidation, c’est d’ailleurs sur un compte ouvert à son nom qu’il aurait dû être effectué.
Il s’ensuit que le montant litigieux de 25 511,36 euros ne pouvait être imposé dans le chef [du défendeur] au titre de rémunération de dirigeant d’entreprise ».
L’arrêt conclut dès lors que :
« En l’espèce, la base imposable a été déterminée arbitrairement, l’administration ayant commis une erreur de droit en procédant à une erreur dans la qualification des revenus imposables perçus pour un montant de 25 511,36 euros. Il ne pouvait s’agir de revenus de dirigeant d’entreprise dans le chef [du défendeur] ; le montant en question a en effet été versé aux [défendeurs] car ils étaient les actionnaires de la s.p.r.l. Amazonia.
La taxation du montant de 25 511,36 euros ayant été établie d’office et arbitrairement, la cotisation litigieuse doit être annulée mais uniquement partiellement, soit en ce qu’elle est relative à la taxation de ce dernier montant ».
Griefs
En vertu de l’article 351, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, « l’administration peut procéder à la taxation d’office en raison du montant des revenus imposables qu’elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans les cas où le contribuable s’est abstenu de remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l’article 312 ».
L’article 352, alinéa 1er, du même code indique, par ailleurs, que, « lorsque le contribuable est taxé d’office, la preuve du chiffre exact de ses revenus imposables et des autres éléments à envisager dans son chef lui incombe ».
Il en résulte que, lorsque l’imposition s’effectue conformément à l’article 351, alinéa 1er, précité, le redevable ne peut contester cette imposition qu’en apportant la preuve du montant exact de ses revenus imposables ou en invoquant le caractère arbitraire.
Le redevable, qui a été régulièrement taxé d’office et qui ne prouve pas que la base imposable a été déterminée arbitrairement, ne peut obtenir la réduction de celle-ci qu’en apportant la preuve du chiffre exact de ses revenus imposables.
Pour établir que la taxation d’office est arbitraire, il convient de démontrer que la présomption sur laquelle se fonde le fisc est arbitraire car celui-ci aurait commis, dans son raisonnement justifiant la base imposable taxée, une erreur de droit, se serait fondé sur des faits inexacts, ou encore aurait déduit de faits exacts des conséquences non susceptibles de justification. La preuve du caractère arbitraire de l’imposition d’office est ainsi apportée par la démonstration que les présomptions sur lesquelles est fondée la cotisation d’office sont illégales ou inexistantes.
En l’occurrence, le montant de la somme perçue par le défendeur après la clôture de la liquidation de la s.p.r.l. Amazonia n’a pas été contestée.
Par ailleurs, il est constant que le remboursement effectif du montant litigieux au défendeur a été réalisé sans aucune retenue de précompte mobilier et n’a pas été déclaré par lui au titre de boni de liquidation, et que l’administration fiscale n’a pu contrôler, avant l’imposition, la véritable cause justifiant le remboursement d’impôt au défendeur qui avait été à la fois actionnaire, administrateur et liquidateur de la société avant la clôture de sa liquidation.
En effet, bien que, comme l’indique le jugement entrepris, le défendeur ait avancé, à propos de ce remboursement d’impôt, qu’ « il s’agissait de récupérer la somme d’argent qu’il avait avancée à la s.p.r.l. Amazonia », celui-ci n’a pas donné suite aux demandes de renseignements de l’administration fiscale afin de pouvoir vérifier cette affirmation avant l’enrôlement de la cotisation contestée.
De plus, comme le révèlent les circonstances propres à la cause également rappelées par l’arrêt, la créance que le défendeur avait contre la société dont
il était le gérant suite au paiement de sa dette fiscale avait déjà été compensée par les dettes dues par celui-ci à cette dernière ; la dette invoquée par le défendeur ne pouvait ainsi plus justifier le remboursement effectué à son crédit.
En vertu de l’article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992,
« Les rémunérations des dirigeants d’entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique :
1° qui exerce un mandat d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou de fonctions analogues ;
2° qui exerce au sein de la société une fonction dirigeante ou une activité dirigeante de gestion journalière, d’ordre commercial, financier ou technique, en dehors d’un contrat de travail.
Elles comprennent notamment :
1° les tantièmes, jetons de présence, émoluments et toutes autres sommes fixes ou variables allouées par des sociétés, autres que des dividendes ou des remboursements de frais propres à la société ;
2° les avantages, indemnités et rémunérations d’une nature analogue à celles qui sont visées à l’article 31, alinéa 2, 2° à 5° ».
L’article 31, alinéa 2, 2° à 5°, du même code prévoit que :
« Les rémunérations des travailleurs sont toutes rétributions qui constituent, pour le travailleur, le produit du travail au service d’un employeur.
Elles comprennent notamment : […] 2° les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle ;
3° les indemnités obtenues en raison ou à l’occasion de la cessation de travail ou de la rupture d’un contrat de travail ; […] 5° les rémunérations acquises par un travailleur même si elles sont payées ou attribuées à ses ayants cause ».
L’article 32 de ce code envisage ainsi également les revenus et avantages acquis, payés ou attribués après la cessation de l’activité d’administrateur, soit ceux qui étaient encore dus en raison de l’exercice de ce mandat.
L’article 32 précité instaure, en outre, une présomption légale suivant laquelle tous les avantages qu’une société alloue ou attribue à son dirigeant trouvent leur origine dans l’exercice de l’activité professionnelle et constituent ainsi des rémunérations imposables de dirigeants d’entreprise.
Or, il n’est pas contesté que le défendeur était le seul et dernier dirigeant de l’entreprise liquidée ; la somme appartenant à la société liquidée et reversée après la clôture de la liquidation à l’ancien administrateur et liquidateur pouvait ainsi être présumée comme étant une rémunération visée à l’article 32.
Le simple fait que l’arrêt ait souverainement apprécié les faits de la cause pour aboutir à une autre qualification des sommes perçues par le défendeur n’implique pas que l’administration aurait nécessairement commis une erreur de droit que l’on puisse qualifier d’arbitraire au regard de l’application de l’article 351 du Code des impôts sur les revenus 1992, c’est-à-dire un raisonnement juridique injustifié concernant la détermination de la base imposable dans le cadre de la procédure d’imposition d’office.
En substituant son évaluation des faits et circonstances invoqués au titre de présomptions à celle de l’administration pour conclure à l’arbitraire de l’établissement de la base imposable et ainsi annuler l’entièreté de la cotisation litigieuse, l’arrêt méconnaît la notion d’arbitraire et, par conséquent, les dispositions légales visées au moyen.
III. La décision de la Cour
Aux termes de l’article 351, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, l’administration peut procéder à la taxation d’office en raison du montant des revenus imposables qu’elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle dispose, dans les cas où le contribuable s’est abstenu, soit de remettre une déclaration dans les délais prévus par les articles 307 à 311 ou par les dispositions prises en exécution de l’article 312, soit dans d’autres cas étrangers au litige.
Lorsque le contribuable est taxé d’office, il a le droit de poursuivre l’annulation de la cotisation en prouvant que la base imposable a été déterminée arbitrairement par l’administration parce qu’elle a commis une erreur de droit ou s’est fondée sur des faits inexacts ou encore a déduit de faits exacts des conséquences que ces faits ne peuvent justifier.
L’arrêt constate que la liquidation de la s.p.r.l. Amazonia, dont le défendeur était associé et gérant puis liquidateur, a été clôturée le 3 décembre 2013, que, le 27 mai 2015, une somme de 25 711,36 euros, étant le solde de cotisations à l’impôt des sociétés enrôlées à la charge de cette société et annulées par le jugement du tribunal de première instance de Liège du 23 septembre 2014, a été payée sur un compte bancaire ouvert au nom des défendeurs et qu’à défaut de remise de la déclaration à l’impôt des personnes physiques pour l’exercice d’imposition 2015 spécial, cette somme a été imposée d’office à titre de rémunération de dirigeant d’entreprise du défendeur.
L’arrêt, qui, sur la base de ces constatations, décide que « la base imposable a été déterminée arbitrairement, l’administration ayant commis une erreur de droit » en qualifiant la somme litigieuse de rémunération de dirigeant d’entreprise du défendeur, cette somme « ne pouva[nt] être imposée dans [son] chef […] au titre de rémunération de dirigeant d’entreprise », dès lors que, si elle a été remboursée sur un compte ouvert au nom des défendeurs, « c’est parce qu’à ce moment, la s.p.r.l. Amazonia avait cessé d’exister » et qu’elle a « été versé[e] aux [défendeurs] car ils étaient actionnaires de la s.p.r.l. Amazonia », ne viole pas les dispositions légales visées au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux cent dix-huit euros quarante-deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du neuf février deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.21.0106.F
Date de la décision : 09/02/2024
Type d'affaire : Droit fiscal

Origine de la décision
Date de l'import : 29/02/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-02-09;f.21.0106.f ?

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