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31/01/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1048.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 31 janvier 2024, P.23.1048.F


N° P.23.1048.F
D. C.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigé en allemand, le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu dans cette langue le 28 juin 2023 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par une ordonnance du 18 juillet 2023, le premier président de la Cour a décidé que la procédure à l’audience

sera faite en français.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel ...

N° P.23.1048.F
D. C.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Judith Orban, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Rédigé en allemand, le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu dans cette langue le 28 juin 2023 par le tribunal correctionnel d’Eupen, statuant en degré d’appel.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par une ordonnance du 18 juillet 2023, le premier président de la Cour a décidé que la procédure à l’audience sera faite en français.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation du chef d’homicide involontaire et infractions au code de la route :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation du chef de délit de fuite :

Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 33, § 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière.
Il est fait grief au jugement de ne pas légalement constater que la demanderesse a eu l’intention d’échapper aux constatations utiles. Celle-ci a fait valoir qu’elle avait quitté les lieux sous l’effet d’un choc émotionnel, dû à l’accident qui venait de se produire. Elle a soutenu s’être arrêtée pour sortir du véhicule mais avoir continué son chemin sans le vouloir et sans en avoir conscience, ayant agi sous l’empire d’un état second.
Selon le moyen, les juges d’appel ne pouvaient déduire l’élément moral du délit de fuite de la seule circonstance que la demanderesse avait quitté les lieux alors qu’elle savait qu’elle était impliquée dans un accident.
Le délit de fuite imputable à un conducteur suppose l’existence d’un accident causé ou occasionné par le véhicule qu’il conduit, la connaissance de cet accident et la fuite pour échapper aux constatations utiles.
Conformément à l’article 71 du Code pénal, il n’y a pas d’infraction, notamment, lorsque le prévenu était atteint, au moment des faits, d’un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou le contrôle de ses actes.
L’effet justificatif d’un tel trouble mental dépend de son caractère fortuit. Ainsi, sa survenance ne peut être ni recherchée, ni prévue, ni prévisible. Cette cause de non-imputabilité requiert donc l’absence de tout comportement fautif dans le chef de celui qui l’invoque. En outre, le trouble mental doit annihiler les facultés volitives ou intellectuelles du prévenu.
Le juge du fond apprécie souverainement en fait si le prévenu a volontairement quitté les lieux pour échapper aux constatations utiles, mais la Cour vérifie si, de ses constatations, ce juge a pu déduire l’existence, ou non, de l’élément moral de l’infraction au regard de la cause de non-imputabilité invoquée.
Selon les juges du fond, la demanderesse a pris conscience de la présence du piéton au moment où elle l’a renversé. Vingt mètres après le carrefour, elle s’est brièvement arrêtée, a regardé dans son rétroviseur et a vu la victime gisant sur le sol. Elle a néanmoins quitté les lieux, expliquant qu’elle était sous le choc.
Le tribunal a considéré que cet état de sidération ne justifiait pas que la prévenue soit ensuite repartie au lieu de rester sur place.
Au vu de sa décision de s’arrêter, fût-ce un bref instant, les juges d’appel ont pu décider que l’état de la demanderesse, induit par son propre comportement fautif, n’avait pas aboli son libre-arbitre.
Le jugement est, partant, légalement justifié.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Il n’est pas contradictoire d’énoncer que la demanderesse s’est trouvée en état de choc à la suite de l’accident et de considérer que cet état ne justifie pas qu’elle ait quitté les lieux, dès lors que, pour supprimer la responsabilité pénale, celui-ci doit avoir annihilé les facultés volitives ou intellectuelles de la demanderesse, ce qui, selon les juges d’appel, n’a pas été le cas.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Pris de la violation de l’article 33, § 2, de la loi relative à la police de la circulation routière, le moyen reproche au jugement de condamner la demanderesse à une déchéance du droit de conduire pour la durée minimale de six mois alors que, en vertu de la disposition précitée, celle-ci est de trois mois.
Le jugement énonce que le comportement d’un conducteur de véhicule qui quitte le lieu de l’accident alors que, comme en l’espèce, il est conscient de la gravité de celui-ci, ne peut être toléré. Il ajoute que le délit de fuite constitue l’une des infractions les plus graves à la règlementation de la circulation routière et qu’il remet en question les attentes légitimes de tout personne circulant sur la voie publique d’être secourue rapidement en cas d’accident et de connaître tous les éléments pour obtenir une éventuelle indemnisation de son dommage. Le jugement énonce encore que la peine doit prévenir le risque de récidive.
En considérant ensuite que le caractère inadmissible du comportement de la prévenue doit être puni, notamment, d’une déchéance du droit de conduire d’une durée de six mois en application de l’article 33 de la loi relative à la police de la circulation routière, le jugement indique que la durée de cette peine doit dépasser le minimum légal qui est de trois mois.
Reposant sur une autre lecture du jugement, le moyen manque en fait.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-sept euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1048.F
Date de la décision : 31/01/2024
Type d'affaire : Droit pénal - Autres

Analyses

Le délit de fuite imputable à un conducteur suppose l'existence d'un accident causé ou occasionné par le véhicule qu'il conduit, la connaissance de cet accident et la fuite pour échapper aux constatations utiles; le juge du fond apprécie souverainement en fait si le prévenu a volontairement quitté les lieux pour échapper aux constatations utiles (1), mais la Cour vérifie si, de ses constatations, ce juge a pu déduire l'existence, ou non, de l'élément moral de l'infraction au regard de la cause de non-imputabilité invoquée. (1) La demanderesse reprochait au jugement attaqué, qui la dit coupable de la prévention de délit de fuite, de ne pas justifier cette décision quant à l'élément moral requis, soit la volonté d' « échapper aux constatations utiles » après un accident de la circulation dans un lieu public. Le jugement relève certes qu' « en quittant les lieux, [la demanderesse] a rendu impossible les constatations nécessaires concernant son identité, son aptitude à conduire, l'assurance de son véhicule et les circonstances de l'accident » Cependant, sans remettre en cause les principes juridique rappelés par la Cour, le MP, considérant que les juges d'appel sont restés en défaut de constater qu'elle a agi ainsi dans le but d' « échapper aux constatations utiles », a conclu à la cassation. (M.N.B.)

ROULAGE - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIERE - DISPOSITIONS LEGALES - Article 33 - Article 33, § 1er - APPRECIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND [notice1]

Conformément à l'article 71 du Code pénal, il n'y a pas d'infraction, notamment, lorsque le prévenu était atteint, au moment des faits, d'un trouble mental qui a aboli sa capacité de discernement ou le contrôle de ses actes ; l'effet justificatif d'un tel trouble mental dépend de son caractère fortuit; ainsi, sa survenance ne peut être ni recherchée, ni prévue, ni prévisible; cette cause de non-imputabilité requiert donc l'absence de tout comportement fautif dans le chef de celui qui l'invoque; en outre, le trouble mental doit annihiler les facultés volitives ou intellectuelles du prévenu (1). (1) Voir F. Kuty, Principes généraux du droit pénal belge, T. II : l'infraction pénale, Larcier, 2ème éd., 2020, nos 1277 et sq.

INFRACTION - JUSTIFICATION ET EXCUSE - Justification [notice3]


Références :

[notice1]

Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par Arrêté Royal du 16 mars 1968 - 16-03-1968 - Art. 33, § 1er - 31 / No pub 1968031601

[notice3]

Code pénal - 08-06-1867 - Art. 71 - 01 / No pub 1867060850


Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-01-31;p.23.1048.f ?

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