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11/12/2023 | BELGIQUE | N°S.23.0022.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2023, S.23.0022.F


N° S.23.0022.F
NORTIG, société de droit français, dont le siège est établi à Anzin (France), rue Jean Jaurès, 464,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de l’Économie et du Travail, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Ducale, 61,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cass

ation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domic...

N° S.23.0022.F
NORTIG, société de droit français, dont le siège est établi à Anzin (France), rue Jean Jaurès, 464,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de l’Économie et du Travail, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Ducale, 61,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 22 novembre 2023, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 112 et 115 du Code de droit pénal social
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que l’article 112 – en réalité 115 – du Code pénal social permet la réduction de l’amende, sans que celle-ci puisse être inférieure à quarante pour cent du montant minimum prescrit, l’arrêt décide que la demande d’annulation de l’amende n’est pas fondée, alors que celle-ci a été réduite à dix-sept pour cent du montant minimum prescrit, par les motifs suivants :
« L’amende est confirmée ;
Le montant minimum de l’amende infligée est de deux mille quatre cents euros, à multiplier par le nombre de travailleurs, soit trois cent neuf mille six cents euros ;
L’article 112 (lire : 115) du Code pénal social permet la réduction de l’amende en dessous du montant minimum porté par la loi par l’admission de circonstances atténuantes, sans que l’amende puisse être inférieure à quarante pour cent du montant minimum prescrit ;
La décision [administrative querellée] a admis des circonstances atténuantes et a réduit l’amende à dix-sept pour cent du montant minimum prescrit, soit cinquante-deux mille six cent trente-deux euros ;
[La demanderesse] n’explique pas en quoi l’octroi d’une réduction de l’amende à un montant plus bas que celui qui est prévu par la loi vicierait la sanction dans son ensemble. La demande d’annulation de l’amende n’est, pour ce motif, pas fondée ».
Griefs
L’article 209 du Code pénal social prévoit qu’est punie d’une sanction de niveau 4, toute personne qui met obstacle à la surveillance organisée en vertu de ce code et de ses arrêtés d’exécution, et que l’amende est multipliée par le nombre de travailleurs concernés.
L’arrêt décide que cette infraction est établie à charge de la demanderesse.
En vertu de l’article 101 du Code pénal social, la sanction de niveau 4 est constituée, soit d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende pénale de six cents à six mille euros ou de l’une de ces peines seulement, soit d’une amende administrative de trois cents à trois mille euros.
L’article 102 du même code précise que les décimes additionnels visés à l’article 1er, alinéa 1er, de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales sont également applicables aux amendes administratives visées dans ce code.
L’arrêt fait une exacte application de cette disposition en décidant que le montant minimum de l’amende de trois cents euros est, après prise en compte des décimes additionnels, de deux mille quatre cents euros.
En vertu de l’article 209 dudit code, l’amende prononcée pour obstacle à la surveillance est multipliée par le nombre de travailleurs concernés.
L’administration, constatant que, pour l’infraction en cause, la demanderesse a occupé cent vingt-neuf personnes, a décidé que l’amende, « multipliée par [ce] nombre de personnes », aboutit au montant [minimum] prescrit de trois cent neuf mille six cents euros.
L’article 115 du Code pénal social permet à l’administration de tenir compte de circonstances atténuantes : « s’il existe des circonstances atténuantes, l’amende administrative peut être réduite au-dessous du montant minimum porté par la loi, sans qu’elle puisse être inférieure à quarante pour cent du montant minimum prescrit ».
Il en découle que le montant de l’amende pouvait au maximum être réduit à cent vingt-trois mille huit cent quarante euros.
Or, la décision administrative querellée accorde, par admission de circonstances atténuantes, une réduction de quatre-vingt-trois pour cent du montant minimum prescrit et arrête l’amende à cinquante-deux mille six cent trente-deux euros, soit dix-sept pour cent de ce montant.
En conséquence, le montant de l’amende infligée à la demanderesse n’est pas conforme à l’article 115 du Code pénal social, dont l’application eût commandé de le fixer à cent vingt-trois mille huit cent quarante euros minimum.
L’article 112 de ce code, invoqué, sans doute par erreur, par l’arrêt, est étranger à la réduction des amendes administratives en raison de circonstances atténuantes.
Il en résulte qu’en réduisant l’amende à dix-sept pour cent du montant minimum prescrit de celle-ci, alors que l’article 115 du Code pénal social ne permet de la réduire que jusqu’à concurrence de quarante pour cent de ce montant, l’arrêt viole ledit article 115 et, en tant que de besoin, l’article 112 du même code.
S’agissant d’une matière d’ordre public, l’annulation d’une amende administrative illégale, fût-elle arrêtée à un montant plus bas que celui qui est prévu par la loi, doit être prononcée d’office par la Cour quand bien même la demanderesse elle-même n’aurait pas expliqué en quoi cette réduction illégale « vicierait la sanction dans son ensemble » : une amende illégale est en soi une sanction viciée.
III. La décision de la Cour
L’article 112 du Code pénal social, qui concerne le cumul des amendes administratives en cas de concours d’infractions, est étranger à la réduction de l’amende administrative en raison de l’existence de circonstances atténuantes et, dès lors, au grief que soulève le moyen.
Dans cette mesure, celui-ci est irrecevable.
Pour le surplus, l’arrêt dit non fondée la demande d’annulation de l’amende déduite de ce qu’elle a été réduite en deçà de ce que permet la loi.
Aux termes de l’article 115, alinéa 1er, du Code pénal social, s’il existe des circonstances atténuantes, l’amende administrative peut être réduite au-dessous du montant minimum porté par la loi, sans qu’elle puisse être inférieure à quarante pour cent du montant minimum prescrit.
Si une amende réduite à un montant inférieur au montant minimum prescrit par la loi est illégale, il n’en résulte pas qu’elle doive, pour ce motif, être annulée d’office.
En confirmant ensuite l’amende administrative infligée à la demanderesse, l’arrêt, loin de violer l’article 115, alinéa 1er, précité, se conforme à l’article 3, alinéa 3, de la loi du 2 juin 2010 comportant des dispositions de droit pénal social, qui ne permet pas au juge saisi du recours contre la décision de l’administration d’augmenter le montant de l’amende administrative.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent trente-trois euros dix-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Eric de Formanoir et Bruno Lietaert, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.23.0022.F
Date de la décision : 11/12/2023
Type d'affaire : Droit fiscal

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-12-11;s.23.0022.f ?

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