N° S.21.0023.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.737.484,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
J. B.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour du travail de Liège.
Le 23 novembre 2023, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
Articles 44, 45, 48, 71, 154 et 169, spécialement alinéa 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage
Décisions et motifs critiqués
Après avoir décidé que c'est à juste titre que [le demandeur] a procédé à l'exclusion du défendeur du bénéfice des allocations de chômage sur la base des articles 44 et 48 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et à la récupération des allocations indûment cumulées avec les revenus de l'activité exercée par le défendeur, l'arrêt réforme le jugement entrepris en ce qu'il avait statué sur l'exclusion prise en application de l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et annule cette sanction administrative.
L'arrêt fonde sa décision sur les considérations suivantes :
« c) La sanction
[Le défendeur] conteste avoir contrevenu à l'article 71 [de l’arrêté royal du 25 novembre 1991], ce qui justifie, selon [le demandeur], une application de la sanction prévue à l'article 154 de cet arrêté.
La sanction est motivée en l'espèce par le non-respect de l'article 71, alinéa 1er, 1° et 4°.
Or, l'exclusion est motivée par les articles 44 et 48 du même arrêté sans que [le demandeur] puisse viser un manquement à l'article 71 dès lors que ce qui est reproché est l'exercice d'une activité accessoire non déclarée, activité accessoire qui ne doit pas faire l'objet de mention sur la carte de contrôle (sauf pour les prestations en semaine entre sept et dix-huit heures, et les prestations le samedi ou le dimanche).
Si [le défendeur] ne démontre pas précisément quels jours ont été prestés (ce qui ne lui permet pas de justifier une limitation de la récupération à ces jours prestés), de même [le demandeur] ne démontre pas que [le défendeur] n'était pas en possession d'une carte de contrôle pour les mois au cours desquels du chômage temporaire a été indemnisé et qu'il n'a pas noirci des cases qui auraient dû l'être.
La sanction doit donc être annulée ».
Griefs
1. Aux termes de l'article 44 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, pour pouvoir bénéficier d'allocations, le chômeur doit être privé de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
En vertu de l'article 45, alinéa 1er, 1°, de cet arrêté, pour l'application de l'article 44, est notamment considérée comme travail l'activité effectuée pour son propre compte, qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services, et qui n'est pas limitée à la gestion normale des biens propres.
L'article 48, § 1er, alinéa 1er, du même arrêté dispose que le chômeur qui exerce à titre accessoire une activité au sens de l'article 45, non visée à l'article 48bis, peut, moyennant l'application de l'article 130, bénéficier d'allocations à la condition notamment qu'il en fasse la déclaration lors de sa demande d'allocations (article 48, § 1er, alinéa 1er, 1°) et « qu'il exerce cette activité principalement entre dix-huit heures et sept heures », cette limitation ne s'appliquant pas « aux samedis, aux dimanches et, en outre, pour le chômeur temporaire, aux jours durant lesquels il n'est habituellement pas occupé dans sa profession principale » (article 48, § 1er, alinéa 1er, 3°).
En vertu de l'article 71, alinéa 1er, 4°, dudit arrêté, pour pouvoir bénéficier des allocations, le travailleur doit, avant le début d'une activité visée à l'article 45, en faire mention à l'encre indélébile sur sa carte de contrôle.
En vertu de l'article 154, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal, peut être exclu du bénéfice des allocations pendant quatre semaines au moins et vingt-six semaines au plus le chômeur qui a perçu ou peut percevoir indûment des allocations du fait qu'il ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article 71, alinéa 1er, 4°.
Première branche
2. Il suit de la lecture conjointe de ces dispositions que le chômeur qui exerce à titre accessoire une activité au sens de l'article 45 sans en faire la déclaration et qui se voit dès lors refuser l'intégralité du droit aux allocations de chômage à compter de la demande d'allocations ou du début de l'exercice de l'activité accessoire est également en infraction à l'article 71, alinéa 1er, 4°, de l'arrêté royal durant cette même période, à défaut d'avoir mentionné cette activité à l'encre indélébile sur sa carte de contrôle, peu importe la période de la semaine et la tranche horaire durant laquelle elle est exercée.
3. L'arrêt constate que la sanction d'exclusion a été infligée pour non-respect de l'article 71, alinéa 1er, 1° et 4°, mais annule la sanction prise en application de l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 en considérant que « l'exclusion est motivée par les articles 44 et 48 du même arrêté sans que [le demandeur] puisse viser un manquement à l'article 71 ».
L'arrêt relève, d'une part, que ce qui est reproché est l'exercice d'une activité accessoire non déclarée, activité accessoire qui ne doit pas faire l'objet de mention sur la carte de contrôle (sauf pour les prestations en semaine entre sept et dix-huit heures et les prestations le samedi ou le dimanche) et, d'autre part, que le demandeur ne démontre pas que le défendeur n'était pas en possession d'une carte de contrôle pour les mois au cours desquels du chômage temporaire a été indemnisé et qu'il n'a pas noirci des cases qui auraient dû l'être.
Il considère ainsi que [le demandeur] ne démontre pas que le défendeur n'avait pas dûment rempli sa carte de contrôle au motif qu'une activité accessoire non déclarée ne doit pas figurer sur celle-ci si elle répond aux conditions d'horaire prévues par l'article 48, § 1er, alinéa 1er, 3°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991.
En statuant de la sorte, l'arrêt viole l'article 71, alinéa 1er, 4°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, ainsi que les autres dispositions légales visées au moyen. Il ne justifie dès lors pas légalement sa décision d'annuler la sanction prise en application de l'article 154 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 (violation de l'ensemble des dispositions légales visées en tête du moyen).
Seconde branche
4. Aux termes de l'article 169, alinéa 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, lorsque le chômeur ayant contrevenu aux articles 44 ou 48 prouve qu'il n'a travaillé ou n'a prêté une aide à un travailleur indépendant que certains jours ou pendant certaines périodes, la récupération des sommes indûment perçues est limitée à ces jours ou à ces périodes.
Il résulte de ce texte que, lorsque le juge constate, comme en l'espèce, que le chômeur a perçu des indemnités indûment pendant une période déterminée, au motif qu'il a exercé une activité visée à l'article 45 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration conformément à l'article 48 du même arrêté, [le demandeur] n'a pas la charge de la preuve de ce que le chômeur n'a pas satisfait à l'article 71, alinéa 1er, 4°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, le chômeur devant rapporter la preuve de ce qu'il s'est conformé à celui-ci.
5. Il s'ensuit qu'ayant admis que le défendeur avait indûment perçu des allocations depuis le 10 avril 2017 pendant la période qui était visée par le demandeur, l'arrêt n'a pu, sans violer les dispositions visées au moyen et spécialement les articles 71, alinéa 1er, 4°, 154 et 169, alinéa 3, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, décider que la sanction d'exclusion infligée au défendeur devait être annulée au motif que, « si [le défendeur] ne démontre pas précisément quels jours ont été prestés (ce qui ne lui permet pas de justifier une limitation de la récupération à ces jours prestés), de même [le demandeur] ne démontre pas que [le défendeur] n'était pas en possession d'une carte de contrôle pour les mois au cours desquels du chômage temporaire a été indemnisé et qu'il n'a pas noirci des cases qui auraient dû l'être ».
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L’article 44 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage dispose que, pour pouvoir bénéficier d’allocations, le chômeur doit être privé de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
Aux termes de l’article 45, alinéa 1er, de cet arrêté royal, est considérée comme travail pour l’application de l’article 44, 1° l’activité effectuée par le travailleur pour son propre compte, qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services, et qui n'est pas limitée à la gestion normale des biens propres ; 2° l’activité effectuée pour un tiers et qui procure au travailleur une rémunération ou un avantage matériel de nature à contribuer à sa subsistance ou à celle de sa famille.
L’article 71, alinéa 1er, 4°, du même arrêté royal énonce que, pour pouvoir bénéficier des allocations, le travailleur doit, avant le début d'une activité visée à l'article 45, en faire mention à l'encre indélébile sur sa carte de contrôle.
Suivant l’article 154, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal, le chômeur qui a perçu ou peut percevoir indûment des allocations du fait qu'il ne s'est pas conformé aux dispositions de l'article 71, alinéa 1er, 4°, peut être exclu du bénéfice des allocations pendant quatre semaines au moins et vingt-six semaines au plus.
En vertu de l’article 48, § 1er, alinéa 1er, dudit arrêté, dans sa version applicable au litige, le chômeur qui exerce à titre accessoire une activité au sens de l’article 45, non visée à l’article 48bis, peut, moyennant l’application de l’article 130, bénéficier d’allocations à la condition 1° qu’il en fasse la déclaration lors de sa demande d’allocations ; 2° qu’il ait déjà exercé cette activité durant la période pendant laquelle il a été occupé comme travailleur salarié et ce, durant au moins les trois mois précédant la demande d’allocations ; 3° qu’il exerce cette activité principalement entre dix-huit heures et sept heures ; cette limitation ne s’applique pas aux samedis, aux dimanches et en outre, pour le chômeur temporaire, aux jours durant lesquels il n’est habituellement pas occupé dans sa profession principale ; 4° qu’il ne s’agisse pas d’une activité que ce 4° précise.
Il suit de la lecture conjointe de ces dispositions que le chômeur qui exerce à titre accessoire une activité au sens de l’article 45, non visée à l’article 48bis, doit faire mention de cette activité sur sa carte de contrôle si, lors de sa demande d’allocations, il ne l’a pas déclarée conformément à l’article 48, § 1er, alinéa 1er, 1°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, quels que soient le jour ou l’heure où il exerce cette activité.
L’arrêt, qui, après avoir constaté que le défendeur n’a pas déclaré lors de sa demande d’allocations, en application de l’article 48, § 1er, alinéa 1er, 1°, de cet arrêté royal, son activité indépendante accessoire, annule la sanction administrative de l’exclusion imposée au défendeur sur le fondement des articles 71, alinéa 1er, 4°, et 154, alinéa 1er, 1°, du même arrêté royal, au motif qu’une activité accessoire non déclarée ne doit pas faire l’objet d’une mention sur la carte de contrôle, sauf pour les prestations en semaine entre sept et dix-huit heures et celles qui sont effectuées le samedi ou le dimanche, viole les dispositions légales invoquées.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’exclusion prise en application de l’article 154 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Vu l’article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur aux dépens ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Les dépens taxés à la somme de six cent trente-deux euros vingt-quatre centimes envers la partie demanderesse, et à la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Eric de Formanoir et Bruno Lietaert, et prononcé en audience publique du onze décembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.