N° P.23.0502.F
K. H.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Ibrahim El Ouahi, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
F. J.,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 mars 2023 par le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, statuant en degré d’appel.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il reproche au jugement attaqué de décider que le tribunal correctionnel n’est pas saisi d’un appel du demandeur quant à l’action civile dirigée contre lui, au motif que la déclaration d’appel mentionne que celui-ci forme un appel contre les seules dispositions pénales du jugement entrepris.
Selon le moyen, dès lors que la case « action civile » était cochée sur le formulaire de griefs, le jugement attaqué fait preuve d’un formalisme excessif, privilégiant la forme de l’acte d’appel à l’intention réelle du demandeur et empêchant celui-ci d’avoir accès à une voie de recours disponible.
Le droit d’accès à un tribunal, garanti par l’article 6.1 de la Convention n’est pas absolu. Il se prête à des limitations quant à l’introduction d’un recours, pourvu que celles-ci servent un objectif légitime et qu’elles respectent un rapport raisonnable entre les conditions imposées et l’objectif poursuivi. Ces conditions ne peuvent avoir pour conséquence qu’il soit porté substantiellement atteinte au droit d’introduire un recours. Dans le cadre de l’application de ces conditions, le juge ne peut faire preuve ni d’un formalisme compromettant le droit à un procès équitable ni d’une flexibilité ôtant tout effet aux conditions imposées.
En obligeant la partie appelante à indiquer de manière précise dans la requête d’appel ses griefs à l’encontre de la décision entreprise, le législateur poursuit, dans l’intérêt des parties et d’une bonne administration de la justice, un traitement plus efficace des causes en degré d’appel : ainsi, l’appelant réfléchit à l’opportunité, à la portée et aux conséquences de son recours, la partie intimée sait exactement sur quels points elle devra se défendre et les juges d’appel connaissent, avant l’examen de la cause à l’audience, les limites exactes de leur saisine.
La déclaration d’appel est un acte authentique qui doit être rédigé de manière à faire apparaître sans ambiguïté l’objet et la portée du recours.
Il résulte des articles 203, 204 et 210, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle que la saisine du juge d’appel est, en premier lieu, déterminée par la déclaration d’appel et, ensuite, dans les limites de celle-ci, par les griefs que la partie appelante a indiqués de manière précise dans la requête ou le formulaire de griefs, sans préjudice de l’application des articles 206 et 210, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle.
En cas de contradiction entre l’acte et le formulaire quant à la portée du recours, il appartient au juge d’appel de la résoudre par la prévalence du premier sur le second.
Le jugement attaqué constate que, selon les mentions de la déclaration d’appel, le demandeur a dirigé celui-ci contre les dispositions pénales tandis qu’il a coché la case « action civile » dans le formulaire de griefs y annexé.
Il considère que la juridiction d’appel est tenue de circonscrire sa saisine sur la base des mentions de l’acte d’appel pour, ensuite, rechercher dans quelle mesure le formulaire de griefs réduit cette saisine. Selon le jugement, le formulaire de griefs, dénué de force authentique, ne peut servir à étendre la saisine du tribunal correctionnel au-delà des limites imparties par la déclaration d’appel.
Par ces considérations, le jugement ne restreint pas l’accès au juge à un point tel que le recours s’en trouve atteint dans sa substance mais il applique exactement les articles 203, 204 et 210, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen invoque la violation de l’article 8.17 du Code civil.
Le moyen ne soutient pas que le jugement prête à l’acte d’appel une mention qui n’y figure pas ou qu’il refuse de lui attribuer une mention qui y figure. Il reproche au jugement de ne pas interpréter la portée de l’acte d’appel à la lumière du formulaire de grief qui y est visé et annexé, et de ne pas considérer les deux documents comme constituant un seul et même acte.
Pareille critique ne constitue pas un grief de violation de la foi due aux actes.
Le moyen manque en droit.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du six décembre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.