N° C.23.0072.F
TRENDS GOURMET, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Braives, rue de Falihou, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0833.323.139,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
SMILING BAKER, société anonyme, dont le siège est établi à Oupeye (Vivegnis), rue César de Paepe, 55, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0667.999.210,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 19 octobre 2021 et 20 septembre 2022 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la défenderesse et déduite de l’acquiescement de la demanderesse à l’arrêt attaqué du 19 octobre 2021 :
Aux termes de l’article 1045, alinéa 2, du Code judiciaire, l’acquiescement exprès est fait par un simple acte signé de la partie ou de son mandataire nanti d’un pouvoir spécial.
La défenderesse produit un courriel du 16 novembre 2021 du conseil de la demanderesse par lequel celui-ci « a confirm[é] que notre cliente acquiesce à l’arrêt » attaqué du 19 octobre 2021.
Il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse elle-même ait signé un acte d’acquiescement ou que son mandataire ait été investi d’un pouvoir spécial pour acquiescer en son nom.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Et les dépens de la signification du mémoire en réponse seront mis à la charge de la défenderesse.
Sur le premier moyen :
L’interprétation que le juge donne d’un acte est souveraine pourvu qu’elle ne soit pas inconciliable avec ses termes.
L’arrêt attaqué du 19 octobre 2021 considère que « l’article 5.2 du contrat du 8 mars 2018, en ce qu’il permet d’y mettre un terme immédiat sans préavis en cas de faute grave, fait application de [l’article X.17 du Code de droit économique] » et que, cet article « ne prévoyant aucun délai pour la mise en œuvre du droit de rupture immédiate de la convention, il y a lieu de se référer au droit commun en la matière, soit l’article X.17 précité, l’article 6.5 de la convention précis[ant] d’ailleurs que, ‘pour tout ce qui n’est pas prévu explicitement par le présent contrat, les parties se réfèrent au droit belge’ ».
Le moyen, qui, sans prétendre que l’interprétation donnée par l’arrêt attaqué de cette clause contractuelle serait inconciliable avec ses termes, propose de celle-ci une interprétation différente sur laquelle il appuie la violation alléguée des dispositions légales qu’il invoque, invite la Cour à substituer à celle du juge son interprétation de cette clause.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, en vertu de l’article X.17 du Code de droit économique, le contrat ne peut plus être résilié sans préavis ou avant l’expiration du terme lorsque le fait qui l’aurait justifié est connu de la partie qui l’invoque depuis sept jours ouvrables au moins.
Le fait qui justifie une telle résiliation est connu d’une partie dès que celle-ci acquiert de l’existence du fait et des circonstances de nature à lui conférer le caractère d’un manquement grave une certitude suffisante pour prendre une décision en connaissance de cause.
La circonstance que la partie entend s’accorder un délai de réflexion ou solliciter un avis juridique est étrangère à la connaissance du fait lui-même et des circonstances qui l’entourent, partant, est sans incidence sur le délai de notification de la rupture.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui est fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Sur le second moyen :
Le moyen, qui indique être dirigé contre l’arrêt attaqué du 20 septembre 2022 alors que la décision critiquée, soit celle que l’octroi de la commission sur des ventes conclues après la cessation du contrat suppose que ces ventes aient été initiées par la demanderesse, est contenue dans l’arrêt attaqué du 19 octobre 2021, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la défenderesse aux dépens de la signification du mémoire en réponse et la demanderesse aux autres dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent quarante-cinq euros six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-quatre euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne, à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle et, pour la signification du mémoire en réponse, à la somme de cinq cent cinquante-sept euros cinquante-huit centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Mireille Delange et Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du premier décembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.