N° F.23.0018.F
1. J.-M. L., et
2. B. B. M.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 26 avril 2022 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le 25 octobre 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Simon Claisse a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la troisième branche :
En vertu de l’article 23, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent, directement ou indirectement, d’activités de toute nature.
Est professionnelle une activité impliquant la réalisation d’opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation habituelle, fût-elle accessoire, ne consistant pas en la gestion normale d'un patrimoine privé.
L’arrêt constate qu’en 2001, le demandeur « a effectué de très nombreuses opérations boursières consistant en l'achat et la vente de warrants call et put » et qu’il s’agissait de « plusieurs centaines [d’ordres d’achat et de vente] sur une période de neuf mois », et considère que les titres achetés et vendus sont « des produits spéculatifs hautement risqués et complexes qui ne relèvent pas [de la] gestion normale [d’un] patrimoine privé ».
Il constate en outre que cette activité a été financée grâce à « des fonds propres pour un montant de 6 000 000 francs (valeurs mobilières) et à un crédit de trésorerie de Fortis banque pour un montant de 3 000 000 francs [ainsi qu’à] une avance en compte courant de la [société] dans laquelle [le demandeur] était administrateur », que ces opérations répétées « ont entraîné la perte de tout [le] capital et des fonds empruntés, la dénonciation du crédit […] et la déconfiture [du demandeur] », qu’elles ont engendré « une perte importante de 16 855 948 francs (417 848,04 euros) […] actée quelques mois après le début de ces opérations boursières », et que « [les demandeurs] reportent [cette perte] d’année en année pour être imputée sur [leurs] revenus professionnels ».
Il relève que le demandeur « ne disposait pas d'une autorisation de la Commission bancaire, financière et des assurances pour exercer ses activités », qu’il n’était mentionné « comme exerçant une activité d'intermédiaire ou de conseil en investissement ni dans le registre de commerce ni à la taxe sur la valeur ajoutée », qu’il n'avait pas de clientèle, qu’« il disposait encore, en 2013, d’une inscription auprès de la banque-carrefour des entreprises pour l’exploitation d’une auto-école », que sa comptabilité n’était pas tenue journellement et qu’aucune infrastructure n’entourait l’activité, le demandeur relevant que cette dernière ne requérait qu’« une chaise, un bureau, un ordinateur et un accès à internet » pour être exercée.
Il considère enfin que « [le demandeur] n'a pas fait preuve de professionnalisme en agissant sur les marchés de manière à ce point spéculative et risquée ».
Sur la base de ces énonciations, l’arrêt n’a pu légalement décider que le demandeur n’exerçait pas une activité professionnelle.
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.