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13/11/2023 | BELGIQUE | N°F.19.0116.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 novembre 2023, F.19.0116.F


N° F.19.0116.F
L. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure d

evant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er mars 2019 par la co...

N° F.19.0116.F
L. M.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège-Huy, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 1er mars 2019 par la cour d’appel de Liège.
Par son arrêt du 16 mai 2022, la Cour a posé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle à laquelle répond l’arrêt
n° C-365/22 rendu le 17 mai 2023 par cette juridiction.
Le 26 septembre 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, alinéa 1er, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des opérations intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.
Suivant le considérant 51 de la directive, il convient d’arrêter un régime communautaire de taxation applicable dans le domaine des biens d’occasion, des objets d’art, d’antiquité et de collection, visant à éviter les doubles impositions et les distorsions de concurrence entre assujettis.
L’article 311 de cette directive définit, au paragraphe 1er, point 1, les biens d’occasion comme les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, autres que des objets d’art, de collection ou d’antiquité et autres que des métaux précieux ou des pierres précieuses tels que définis par les États membres.
L’article 313 prévoit, au paragraphe 1er, que les États membres appliquent aux livraisons de biens d’occasion effectuées par des assujettis-revendeurs un régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire réalisée par l’assujetti-revendeur aux conditions prévues, dont celle que les biens aient été livrés à l’assujetti-revendeur par l’une des personnes énumérées à l’article 314 de la directive.
Les articles 58, § 4, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 1er de l’arrêté royal n° 53 du 23 décembre 1995 relatif au régime particulier d’imposition de la marge bénéficiaire applicable aux biens d’occasion, objets d’art, de collection ou d’antiquité, transposent ces dispositions.
Dans l’arrêt C-365/22 rendu le 17 mai 2023 en la présente cause, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que la notion de biens d’occasion « inclut les biens meubles corporels susceptibles de remploi, en l’état ou après réparation, provenant d’un autre bien dans lequel ils étaient incorporés en tant que parties constitutives », cette qualification « requ[érant] uniquement que le bien usagé ait conservé les fonctionnalités qu’il possédait à l’état neuf et qu’il puisse, de ce fait, être réutilisé tel quel ou après réparation », que « l’application du régime de la marge bénéficiaire ne suppose pas nécessairement une identité entre le bien acheté et le bien vendu » et qu’elle a ainsi « confirmé que ce régime s’appliquait à la revente de pièces détachées prélevées par l’assujetti lui-même sur un véhicule hors d’usage acquis par ce dernier, dans la mesure où un véhicule automobile est composé d’un ensemble de pièces qui ont été assemblées et qui peuvent être détachées et revendues, en l’état ou après réparation ».
Elle considère ensuite que « le fait que l’assujetti-revendeur n’a pas détaché les pièces du véhicule définitivement hors d’usage qu’il a acquis aux fins de les revendre lui-même, mais a revendu le véhicule tel quel ‘pour pièces’, c’est-à-dire en vue d’une exploitation ultérieure des pièces de ce véhicule comme pièces détachées, […] ne saurait amener à considérer que le raisonnement [précité] ne pourrait être transposé » et que l’ « interprétation […] qu’un véhicule définitivement hors d’usage puisse, en tant que bien d’occasion, relever du régime de la marge bénéficiaire du fait que certaines de ses parties constitutives sont susceptibles de remploi est conforme à l’objectif de ce régime qui vise, comme cela ressort du considérant 51 de la directive, à éviter notamment les doubles impositions ».
Elle en déduit que l’article 311, paragraphe 1er, point 1, de la directive « doit être interprété en ce sens que des véhicules automobiles définitivement hors d’usage acquis par une entreprise auprès de personnes visées à l’article 314 de cette directive et destinés à être vendus ‘pour pièces’ sans que les pièces en aient été détachées constituent des biens d’occasion au sens [de cette disposition] lorsque, d’une part, ils comportent encore des pièces qui conservent les fonctionnalités qu’elles possédaient à l’état neuf de manière à pouvoir être réutilisées telles quelles ou après réparation et, d’autre part, il est établi que ces véhicules sont restés dans le cycle économique qui était le leur du fait d’une telle réutilisation des pièces » et « n’ont pas en réalité été vendus pour être simplement détruits ou transformés en un autre objet ».
L’arrêt attaqué relève, par référence à l’exposé du premier juge, que le demandeur, identifié « pour [une activité] de vente de véhicules d’occasion et d’épaves, […] acquiert notamment des véhicules déclassés, c’est-à-dire en perte totale, auprès des compagnies d’assurances et les revend à des tiers […] ‘pour pièces’ ».
Il considère que le demandeur se prévaut « à tort […] de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 18 janvier 2017 [qui concerne] des pièces préalablement prélevées par l’assujetti avant d’être revendues en tant que telles, et non […] des véhicules revendus ‘pour pièces’ sans aucune individualisation de ces dernières », que « c’est […] à propos des biens vendus, à savoir des véhicules automobiles, qu’il y a lieu de vérifier s’ils ont conservé les fonctionnalités qu’ils possédaient à l’état neuf et qu’ils puissent, de ce fait, être réutilisés tels quels ou après réparation », dès lors que le demandeur « ne faisait nullement le commerce de pièces d’occasion mais bien de voitures, en dépit de la mention, sur certaines de ses factures, que celles-ci étaient ‘vendue(s) pour pièces’ », et que tel « n’est manifestement pas le cas des véhicules vendus par [le demandeur] ‘pour pièces’, [cette] mention attest[ant] objectivement que le véhicule n’est en principe plus susceptible d’être réutilisé en tant que tel ».
L’arrêt attaqué, qui refuse ainsi d’examiner si les véhicules vendus pour pièces par le demandeur comportaient encore des parties constitutives conservant les fonctionnalités qu’elles possédaient à l’état neuf de manière à pouvoir être réutilisées telles quelles ou après réparation, ne justifie pas légalement sa décision que ces véhicules « ne peuvent […] être qualifiés de biens d’occasion justifiant l’application du régime de la marge bénéficiaire ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du treize novembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.19.0116.F
Date de la décision : 13/11/2023
Type d'affaire : Droit fiscal - Droit européen

Analyses

Lorsque se pose la question de savoir si des véhicules automobiles hors d'usage acquis par une entreprise de vente de véhicules d'occasion et d'épaves auprès de personnes visées à l'article 314 de la directive, destinés à être vendus « pour pièces » sans que les pièces en aient été détachées, constituent des biens d'occasion au sens de l'article 311, paragraphe 1er, point 1, de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, la Cour pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (1). (1) Voir les concl. du MP.

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE


Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-11-13;f.19.0116.f ?

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