N° C.21.0398.F
COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Molenbeek-Saint-Jean, boulevard Léopold II, 44, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0220.916.609,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Jourdan, 31, où il est fait élection de domicile,
contre
1. N. B.,
2. M. C.,
3. M. A. C.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
en présence de
1. ÉTAT BELGE, représenté par le Premier ministre, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 16, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.951,
2. RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Namur (Jambes), rue Mazy, 25-27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0220.800.506,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
parties appelées en déclaration d’arrêt commun.
N° C.21.0404.F
ÉTAT BELGE, représenté par le Premier ministre, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 16, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0308.357.951,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre
1. N. B.,
2. M. C.,
3. M. A. C.,
représentés par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
4. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Molenbeek-Saint-Jean, boulevard Léopold II, 44, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0220.916.609,
5. RÉGION WALLONNE, représentée par son gouvernement, en la personne du ministre-président, dont le cabinet est établi à Namur (Jambes), rue Mazy, 25-27, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0220.800.506,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
défendeurs en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l’arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0398.F, la demanderesse présente trois moyens dans la requête en cassation jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme.
À l’appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0404.F, le demandeur présente trois moyens dans la requête en cassation jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme.
III. La décision de la Cour
Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0398.F :
Sur le premier moyen :
Conformément à l’article 61, § 4, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, à la date de l’entrée en vigueur de cette loi, soit le 1er janvier 1989, les régions succèdent aux droits et obligations des communautés en ce qui concerne les monuments et les sites situés sur leur territoire.
Cette disposition, qui organise une novation légale par changement de débiteur, s’applique à la responsabilité extracontractuelle des communautés en raison des fautes commises dans l’exercice de cette compétence avant le 1er janvier 1989, une procédure judiciaire fût-elle en cours à cette date.
L’arrêt, qui retient la responsabilité extracontractuelle de la demanderesse en raison de son inertie fautive, pendant la période du 1er octobre 1980 au 31 décembre 1988, face à la dégradation du bien classé de l’auteur des trois premiers défendeurs, viole ledit article 61, § 4.
Le moyen est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième et troisième moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.
Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0404.F :
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
L’arrêt attaqué considère que :
- « à l’époque de l’incendie de la ferme, [le 15 août 1976, le demandeur] était compétent pour agir » ;
- « le 1er octobre 1980, [date d’entrée en vigueur de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980], les communautés deviennent compétentes en matière de patrimoine (application de l’article 4, 4°, de la loi) » ;
- « la loi du 5 mars 1984 [relative aux soldes et aux charges du passé des communautés et des régions et aux secteurs économiques nationaux] est votée pour trancher la question des soldes et charges du passé entre les différents niveaux de pouvoirs [et], pour la matière du patrimoine, il faut appliquer les alinéas 2 et 4 [de l’article 1er] qui ne visent que les décisions ou engagements, absents en l’espèce, mais non la responsabilité extracontractuelle, objet de la présente procédure, [la cour d’appel] ne [pouvant] suivre le raisonnement [du demandeur] selon lequel cette loi de 1984 ne pourrait trouver à s’appliquer pour apprécier l’application de la loi du 8 août 1980 » dès lors que « le texte lui-même prévoit une application avec rétroactivité [par ailleurs] validée par la Cour constitutionnelle » ;
- « de la même manière, la loi spéciale [de réformes institutionnelles] du 8 août 1988 va transférer la compétence du ‘patrimoine’ à la Région wallonne », « la loi [spéciale] du 16 janvier 1989 [relative au financement des communautés et des régions] va envisager le financement des communautés et régions » et, par « l’article 61, § 4, [de cette loi], les droits et obligations en matière de monuments et sites sont transférés des communautés vers les régions à dater du 1er janvier 1989 ».
Il en déduit qu’ « il faut […] distinguer trois périodes : avant le 1er octobre 1980 : responsabilité [du demandeur] ; du 1er octobre 1980 au 31 décembre 1988 : responsabilité de la Communauté française ; du 1er janvier 1989 à ce jour : responsabilité de la Région wallonne » en sorte que c’est « à tort que le premier juge a exclu la responsabilité de la Communauté française ».
Il ressort de ces énonciations que, si, aux yeux de la cour d’appel, tant le demandeur que la Communauté française étaient traités de la même manière en ce sens que chacune de ces entités supportait la charge pour la période pendant laquelle elle était compétente, en sorte que l’arrêt n’était pas tenu de répondre aux conclusions du demandeur qui invoquait l’inconstitutionnalité de l’article 1er de la loi du 5 mars 1984 en raison d’une différence de traitement entre le demandeur et la Communauté française et de motiver son refus de poser à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle, ni par ces motifs ni par aucun autre, l’arrêt ne répond aux conclusions du demandeur invoquant l’inconstitutionnalité de la disposition précitée fondée sur une discrimination à l’égard de l’État lui-même ni ne motive son refus de poser à cet égard à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle proposée par le demandeur.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.21.0398.F et C.21.0404.F ;
statuant sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0398.F,
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il dit recevable l’appel incident des défendeurs ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
statuant sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.21.0404.F,
Casse l’arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du dix novembre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.