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08/11/2023 | BELGIQUE | N°P.23.1218.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 novembre 2023, P.23.1218.F


N° P.23.1218.F
A. M.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nathan Mallants, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 juillet 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le

premier moyen :
L’arrêt déclare établies les préventions d’infraction terroriste consistant dans de...

N° P.23.1218.F
A. M.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Nathan Mallants, avocat au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 juillet 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
L’arrêt déclare établies les préventions d’infraction terroriste consistant dans des menaces de commettre un assassinat (prévention A) et d’incitation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres (prévention D), et ordonne l’internement du demandeur.
Pris de la violation des articles 1068 du Code judiciaire, 149 de la Constitution et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen soutient que, en motivant cette décision par le constat que le demandeur aurait menacé la population des pays arabes et européens, l’arrêt se fonde sur des éléments qui font l’objet des préventions pour lesquelles l’ordonnance entreprise a ordonné le non-lieu sans que le ministère public en ait interjeté appel, en l’occurrence les préventions de menaces par écrit d’un attentat contre les personnes ou les propriétés punissable d’une peine criminelle (préventions B et C), de sorte que, en ayant retenu ce fait, la chambre des mises en accusation a méconnu l’ordonnance de non-lieu et a violé l’effet dévolutif de l’appel du demandeur.
A cet égard, le moyen fait valoir que ces prétendues menaces à l’égard de la population des pays arabes et européens n’ont pas été retenues par la partie poursuivante dans son réquisitoire écrit en degré d’appel, celle-ci s’étant bornée à invoquer, à l’appui de sa demande de déclarer établies les préventions A et D, la phrase « Je ne menace personne sauf les Juifs … ». En outre, d’après le moyen, en s’étant appuyés unilatéralement sur des éléments non visés par le réquisitoire du ministère public et couverts par une décision de non-lieu, les juges d’appel ont empêché le demandeur de se défendre quant à ces éléments.

L’article 1068 du Code judiciaire est étranger aux procédures régies par le Code d’instruction criminelle et par la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Le réquisitoire du ministère public ne se borne pas à énoncer la phrase critiquée par le moyen, mais il retient également, dans le libellé de la prévention A, le fait que le demandeur, en plus de « tuer les Juifs et [de] les raser de la terre », a menacé de « brûler tous les pays arabes et européens ».

Dans la mesure où il soutient que la partie poursuivante, dans son réquisitoire écrit en degré d’appel, n’a retenu que des menaces proférées à l’égard des « Juifs », le moyen manque en fait.

Il ressort des motifs de l’ordonnance entreprise que la décision de ne pas poursuivre le demandeur du chef des préventions B et C est motivée par la considération selon laquelle il ne résulte d’aucun élément du dossier que les menaces contenues dans la lettre manuscrite rédigée par le demandeur ont été connues ou ont pu être connues dans les pays arabes et européens.
En ce qui concerne les faits des préventions A et D, l’arrêt considère que le demandeur a « montré à plusieurs reprises sa volonté de commettre des attentats contre “ les Juifs ”, et de s’en prendre à des populations qu’il cite, dont celles des pays arabes et européens », et que « ces propos, quoique qualifiés d’incohérents par les enquêteurs, sont de nature à faire naître une crainte sérieuse d’un attentat criminel et prononcés devant plusieurs personnes à diverses reprises, ont été portés à la connaissance des personnes menacées ».
Ces motifs indiquent que les faits visés par les préventions A et D sont des propos qui ont été prononcés devant plusieurs personnes, c’est-à-dire par paroles, tandis que ceux qui font l’objet des préventions B et C sont décrits comme étant des menaces proférées dans une lettre, c’est-à-dire par écrit.
En ayant fondé les préventions A et D, qui visent des faits différents de ceux dont question aux préventions B et C, sur le constat que le demandeur a proféré des propos menaçants à l’égard non seulement « des Juifs » mais également des populations des « pays arabes et européens », les juges d’appel n’ont ni méconnu l’ordonnance entreprise, ni excédé les limites de leur saisine, ni porté atteinte aux droits de la défense du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen invoque la violation des articles 1068 du Code judiciaire, 137, 392, 393 et 394 du Code pénal, et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la violation de la foi due aux actes.
Le demandeur soutient d’abord que la simple phrase, prononcée lors d’un interrogatoire, « Je ne menace personne sauf les Juifs … », qui selon lui est, comme il est exposé dans le premier moyen, la seule qui peut être retenue à sa charge sans méconnaître l’ordonnance de non-lieu et la saisine de la chambre des mises en accusation, ne suffit pas à rencontrer les éléments moral et contextuel de l’infraction terroriste visée à l’article 137, §§ 1er et 3, 6°, du Code pénal.
Dans la mesure où il réitère le grief de méconnaissance de l’ordonnance de non-lieu et de l’effet dévolutif de l’appel, ainsi que le grief de violation de l’article 1068 du Code judiciaire, vainement invoqués au premier moyen, le moyen est irrecevable.
Aux termes de l’article 137, § 1er, du Code pénal, l’infraction terroriste est constituée d’une infraction prévue aux deuxième et troisième paragraphes de cet article qui, de par sa nature ou son contexte, peut porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale. En outre, cette infraction doit être commise intentionnellement, dans le but soit d'intimider gravement une population, soit de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte, soit de gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale.
Le juge du fond apprécie souverainement si l’infraction considérée, prévue à l’article 137, §§ 2 et 3, peut porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale et si elle a été commise intentionnellement dans un des buts énoncés au premier paragraphe de cet article, la Cour se bornant à vérifier si, de ses constatations, le juge a pu légalement déduire sa décision.
Par adoption des motifs du réquisitoire écrit du ministère public, l’arrêt constate que le dossier a été initié par l’information que le demandeur s’est présenté chez son employeur et qu’il y a annoncé qu’il devait tuer des Juifs. Selon ledit réquisitoire, le demandeur « a reconnu avoir proféré de telles menaces (“ je ne menace personne sauf les Juifs … ”), en évoquant le projet de les “ tuer et les raser de la terre” ».
En ayant considéré, par adoption des mêmes motifs, que le projet exprimé par le demandeur de « tuer les juifs » et de les « raser de la terre » constitue une menace de commettre des assassinats susceptible de porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale, commise dans le but d’intimider gravement une population, les juges d’appel n’ont pas déduit, des faits constatés par eux, des conséquences qui seraient sans aucun lien avec ceux-ci ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Le moyen soutient ensuite que l’élément matériel de l’infraction terroriste, constituée de la menace de commettre un assassinat, est la diffusion ou la mise à disposition d’un message public, que l’accessibilité de ce message au public est indispensable, et que le fait de filmer une vidéo devant une seule animatrice du centre Fedasil n’est absolument pas suffisant pour caractériser cet élément de publicité.
Pour constituer l’infraction terroriste au sens de l’article 137, § 1er, du Code pénal, la menace verbale de commettre un ou plusieurs assassinats ne doit pas nécessairement avoir été diffusée publiquement. En effet, cet article ne dispose pas que, pour caractériser l’élément intentionnel requis, le but poursuivi, comme par exemple celui d’intimider gravement une population, se soit effectivement réalisé. Il faut mais il suffit que l’auteur, en proférant la menace, ait eu l’intention d’atteindre ce but.
En tant qu’il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Le moyen fait encore valoir que la chambre des mises en accusation n’a pas pu considérer que la condition, propre à l’infraction de menace, de la connaissance de celle-ci par la personne menacée, était remplie, dès lors que les prétendues menaces n’ont pas été portées à la connaissance des personnes concernées, en l’occurrence la population juive, mais ont seulement été portées à la connaissance des enquêteurs, du juge d’instruction ou d’une animatrice du centre de demandeurs d’asile.
L’arrêt, qui ne décide pas que les propos ont uniquement été tenus contre « les Juifs », mais aussi contre les populations des « pays arabes et européens », considère que ces propos ont été prononcés devant plusieurs personnes à diverses reprises et ont été portés à la connaissance des personnes menacées.
A cet égard, se heurtant à l’appréciation souveraine des juges d’appel, le moyen, mélangé de fait, est irrecevable.

Le moyen ajoute qu’il en va de même en ce qui concerne la prévention d’incitation à la haine ou à la violence à l’égard des membres de la communauté juive en raison de l’un des critères protégés (prévention D).
L’article 20, 4°, de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie punit d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante euros à mille euros, ou de l'une de ces peines seulement, quiconque, dans l'une des circonstances indiquées à l'article 444 du Code pénal, incite à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe, d'une communauté ou de leurs membres, en raison d'un ou plusieurs des critères protégés, et ce, même en dehors des domaines visés à l'article 5 de cette loi.
Contrairement à ce que le moyen suppose, cette infraction ne comporte pas, parmi ses éléments constitutifs, le fait que le groupe, la communauté ou leurs membres aient connaissance de l’incitation à la haine ou à la violence à leur égard. Il suffit que ce comportement ait été adopté dans l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
L’arrêt considère que « l’incitation à la violence à l’égard de la population juive est bien présente dans ces propos tenus en présence de plusieurs personnes et encore lors d’une vidéo filmée au centre Fedasil dont [le demandeur] a déclaré qu’elle était destinée à être diffusée ».
Par ces motifs, les juges d’appel ont légalement décidé que l’incitation à la violence avait été commise dans l’une des circonstances indiquées à l’article 444 du Code pénal.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
En tant qu’il invoque la violation de l’article 6 de la Convention et de la foi due aux actes, sans préciser de quel acte la chambre des mises en accusation aurait donné une interprétation inconciliable avec ses termes ou en quoi elle aurait méconnu l’obligation de mener un procès équitable, le moyen est irrecevable à défaut de précision.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 5.1, e, 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 5, §§ 2 et 4, et 9, §§ 1er et 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, et 86 et 88 de la loi coordonnée du 10 mai 2015 relative à l'exercice des professions de soins de santé. Il invoque également la violation de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2015 fixant les critères spéciaux d’agrément des médecins spécialistes porteurs du titre professionnel particulier en psychiatrie médicolégale, ainsi que des maîtres de stage et des services de stage et, en particulier, l’article 8 de cet arrêté.
Le moyen fait valoir en premier lieu que, en se basant sur le rapport du psychiatre désigné par le juge d’instruction, la chambre des mises en accusation a mal interprété l’article 8 de l’arrêté ministériel précité, lequel prévoit la possibilité, par dérogation à l’article 2, 2°, de l’arrêté, que tout médecin spécialiste en psychiatrie peut être agréé comme médecin spécialiste en psychiatrie médicolégale, s’il est notoirement connu comme particulièrement compétent en psychiatrie médicolégale au cours des cinq dernières années précédant la date de l’entrée en vigueur dudit arrêté. En effet, la qualification en matière de psychiatrie médicolégale du médecin qui a pratiqué l’expertise psychiatrique du demandeur n’est absolument pas démontrée.

En tant qu’il critique l’appréciation en fait des juges d’appel quant aux compétences de l’expert psychiatre et la fiabilité de son rapport, et invitant la Cour à se substituer à leur appréciation, le moyen est irrecevable.
Il ne ressort d’aucun élément de l’arrêt que les juges d’appel aient, même implicitement, appliqué ou interprété l’article 8 de l’arrêté ministériel, en ayant considéré que l’expert désigné par le juge d’instruction satisfaisait aux critères d’agrément énoncés à cet article. Sans se référer à cette disposition, ils se sont bornés à considérer que l’expertise réalisée par ledit expert était fiable parce que, bien que ne disposant pas de l’agrément requis par la loi, il possédait les capacités et les compétences pour pratiquer une expertise psychiatrique médicolégale.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Le moyen fait valoir en second lieu que, en ayant confirmé la décision du premier juge qui ordonne l’internement du demandeur sur la base d’une expertise psychiatrique médicolégale réalisée par un médecin qui n’était pas titulaire de l’agrément requis par l’article 5, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, la chambre des mises en accusation a violé les dispositions précitées de cette loi et de la loi coordonnée du 10 mai 2015, ainsi que l’arrêté ministériel du 28 octobre 2015. En outre, en internant le demandeur sur la base d’une expertise psychiatrique effectuée par un expert qui n’est pas porteur du titre professionnel requis par la loi, la cour d’appel a privé le demandeur de sa liberté en dehors des voies légales au sens de l’article 5.1, e, de la Convention, et elle a jugé le demandeur sans respecter les garanties procédurales prévues par la loi, violant de cette manière son droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention. En plus, en s’étant fondés sur une expertise irrégulière, les juges d’appel se sont ingérés dans la vie privée du demandeur en dehors des cas prévus par la loi, méconnaissant ainsi l’article 8 de la Convention.

L’article 5, § 2, alinéa 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement prévoit que l'expertise psychiatrique médicolégale est réalisée sous la conduite et la responsabilité d’un expert, porteur d'un titre professionnel de psychiatre médicolégal, qui satisfait aux conditions fixées en vertu de la loi coordonnée du 10 mai 2015.
Conformément aux articles 86 et 88 de la loi coordonnée du 10 mai 2015, nul ne peut porter un titre professionnel particulier ou se prévaloir d'une qualification professionnelle particulière qu’après avoir été agréé à cet effet par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions ou par le fonctionnaire délégué par lui. L’agrément est accordé conformément à la procédure fixée par le Roi et pour autant qu’il soit satisfait aux critères d'agrément fixés par le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions. L’arrêté ministériel précité fixe les critères d’octroi du titre professionnel.
Outre l’article 9, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, qui prescrit à la juridiction d’instruction de prendre sa décision quant à l’internement d’une personne après que l’expertise psychiatrique médicolégale visée à l’article 5 a été effectuée, cette juridiction est également tenue de respecter l’article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Cette disposition, qui s’applique aussi aux rapports d’expertise, énonce que la nullité d’un élément de preuve obtenu irrégulièrement n’est décidée que si le respect des conditions formelles concernées est prescrit à peine de nullité, que l’irrégularité commise a entaché la fiabilité de la preuve ou que l’usage de la preuve est contraire au droit à un procès équitable.
Ainsi que l’arrêt le constate, ni l’article 5, § 2, de la loi du 5 mai 2014 ni aucune autre disposition ne prévoient que la possession du titre professionnel de psychiatre médicolégal par l’expert judiciaire requis de donner un avis au sujet de la présence d’un trouble mental dans le chef d’un suspect, constitue une forme prescrite à peine de nullité de cet acte.

L’arrêt considère que, bien que réalisée par un expert psychiatre qui, en raison de l’absence d’organisation d’une procédure d’agrément, n’est pas porteur d’un titre professionnel de psychiatre médicolégal qui satisfait aux conditions fixées en vertu de la loi coordonnée précitée, l’expertise psychiatrique effectuée sur la personne du demandeur à la demande du juge d’instruction en application de l’article 5, § 1er, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement ne doit pas être écartée. Selon les juges d’appel, le psychiatre requis par le magistrat instructeur possède une expérience sérieuse en psychiatrie médicolégale et est fréquemment et depuis longtemps désigné par les juges d’instruction et répressifs du ressort de la cour d’appel de Liège, de sorte qu’il satisfait aux conditions de capacités et compétences pour pratiquer l’expertise réalisée et que celle-ci est par conséquent fiable.

La circonstance qu’un moyen de preuve, en l’espèce une expertise psychiatrique, a été obtenu sans respecter une disposition légale du droit d’un État partie à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’implique pas nécessairement une violation du droit à un procès équitable au sens de cette convention.
Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, pour vérifier si la procédure, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été obtenus, a été équitable dans son ensemble, le juge doit examiner si les droits de la défense ont été respectés et vérifier si le prévenu s’est vu offrir la possibilité de remettre en question l’authenticité des éléments de preuve litigieux et de s’opposer à leur utilisation. Le juge doit également prendre en compte la qualité de l’élément de preuve, y compris le point de savoir si les circonstances dans lesquelles il a été recueilli font douter de sa fiabilité ou de son exactitude.
Le moyen n’indique pas pourquoi, de la seule circonstance que le médecin psychiatre désigné par le juge d’instruction pour procéder à l’examen médicolégal du demandeur ne possède pas le titre professionnel de psychiatre médicolégal, il résulterait que l’usage du rapport établi par cet expert porte atteinte au droit du demandeur à un procès équitable, alors que l’arrêt constate que cet expert possède les capacités et les compétences pour pratiquer une expertise psychiatrique médicolégale et que son expertise est fiable.
Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait soutenu devant la chambre des mises en accusation, dans ses conclusions ou autrement, que la prise en considération du rapport d’expertise litigieux violait le caractère équitable de la procédure.
En ayant considéré que la possession du titre professionnel de psychiatre médicolégal n’est pas prescrit à peine de nullité de l’expertise réalisée par un médecin psychiatre, désigné par le juge d’instruction, qui ne possède pas ce titre, et que, en raison des capacités et des compétences de l’expert que le juge d’instruction a désigné pour pratiquer l’expertise sur la personne du demandeur, le rapport de ce dernier était fiable, les juges d’appel, en l’absence d’allégation du demandeur que cette circonstance aurait eu pour conséquence de rendre inéquitable l’ensemble de la procédure menée contre lui, ont légalement justifié leur décision de ne pas écarter ledit rapport et de fonder leur décision sur les conclusions de celui-ci.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Contrairement à ce que le moyen soutient, le demandeur n’a pas été illégalement privé de sa liberté et n’a pas subi une ingérence illégale dans l’exercice de sa vie privée au motif qu’il a fait l’objet d’une expertise pratiquée par un médecin qui ne satisfait pas aux conditions d’agrément fixées par l’article 5, § 2, de la loi du 5 mai 2014 relative à l’internement, puisque, ainsi qu’il vient d’être dit, les juges d’appel ont légalement constaté que, nonobstant cette irrégularité, l’expertise était fiable et pouvait être prise en compte pour apprécier les conditions légales d’un internement.
A cet égard également, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le quatrième moyen :
Pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, le moyen fait grief à l’arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur soutenant qu’il existe un doute quant à son état mental étant donné que, d’après lui, « deux experts sont arrivés à des conclusions contraires concernant la nécessité de ?l’?interner, dès lors qu’une procédure de mise en observation a été initiée, mais ?qu’il? ne rentrait pas dans les conditions la justifiant (PV 2620/23 du 3 avril 2023) ».

L’obligation de motiver les jugements et arrêts et de répondre aux conclusions d’une partie est remplie lorsque la décision comporte l’énonciation des éléments de fait ou de droit à l’appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées. Le juge n’est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
Après avoir relevé que le demandeur n’avait fait parvenir à l’expert dans le délai légal aucune observation à la suite de l’envoi de son avis provisoire, les juges d’appel ont considéré, notamment, que l’expertise psychiatrique médicolégale à laquelle a procédé le docteur en psychiatrie A. Sc. établissait à suffisance que, au moment des faits et au moment de l’expertise, le demandeur était atteint d’un trouble mental abolissant ou altérant gravement sa capacité de discernement et de contrôle de ses actes.
L’arrêt précise que l’expert renseigne que le demandeur présente un état maniaque et que cet épisode est coloré par des idées délirantes à thématiques diverses. Selon la chambre des mises en accusation, il n’est pas douteux que l’état dont le demandeur souffre actuellement peut être considéré comme un trouble mental ayant altéré gravement tant sa capacité de discernement que de contrôle de ses actes, au moment de la période infractionnelle comme au moment de l’examen mental. Il ajoute qu’aucun des éléments médicaux versés au dossier de pièces déposé pour le demandeur n’est de nature à établir que le trouble mental dont il est atteint, décrit de façon exhaustive par l’expert précité, n’existe plus.
Par ces motifs, aux termes desquels ils ont estimé qu’il n’existe pas de doute quant à l’existence dans le chef du demandeur d’un trouble mental qui a aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement et de contrôle de ses actes, les juges d’appel, par une appréciation contraire à celle du demandeur, ont répondu à la défense invoquée au moyen.
Le moyen manque en fait.

Le contrôle d’office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1218.F
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-11-08;p.23.1218.f ?

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