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08/11/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0992.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 novembre 2023, P.23.0992.F


N° P.23.0992.F
I. SUIRITA Mohamed-Amine, né à Saint-Josse-ten-Noode le 28 janvier 1994,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile,
II. ACHBAR Sabrya, née à Etterbeek le 10 octobre 1986, domiciliée à Vilvorde, Valkenlaan, 12,
ayant pour conseils Maîtres Deborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles, et Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pou

rvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d’appel de Bruxell...

N° P.23.0992.F
I. SUIRITA Mohamed-Amine, né à Saint-Josse-ten-Noode le 28 janvier 1994,
ayant pour conseil Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile,
II. ACHBAR Sabrya, née à Etterbeek le 10 octobre 1986, domiciliée à Vilvorde, Valkenlaan, 12,
ayant pour conseils Maîtres Deborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles, et Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir deux moyens et la demanderesse en invoque un, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de Mohamed-Amine Suirita :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, et 195, alinéa 2, et 211 du Code d’instruction criminelle. Il reproche à l’arrêt de ne pas motiver de façon individualisée le choix et la hauteur de la peine d’emprisonnement infligée.
L’arrêt ne se borne pas à justifier le choix et la sévérité de la sanction par des considérations générales relatives au comportement asocial du demandeur et aux nécessités de lui faire prendre conscience de la gravité de ses actes, de protéger la société contre ses agissements et de prévenir le risque de récidive.
Aux pages 116 et suivantes de l’arrêt, les juges d’appel ont eu égard à la position du demandeur au sein de l’association – un dirigeant –, à la circonstance que la drogue vendue, de la cocaïne, était particulièrement dangereuse pour la santé publique et celle des consommateurs, dont de nombreux jeunes, et à celle que le demandeur s’était livré au trafic pendant sept mois à Bruxelles et dans le Brabant wallon. Ils ont ensuite constaté que le demandeur n’avait pas hésité à détenir et brandir des armes à feu dangereuses, dont une arme de guerre. Ils ont également énoncé que le demandeur avait déjà été condamné le 20 mars 2013 pour, notamment, des vols commis à l’aide de violences ou de menaces, tandis qu’il avait été condamné à quatre reprises par le tribunal de police, chaque fois par défaut, faisant ainsi preuve de désinvolture à l’égard de la justice. Ils ont encore regretté que le demandeur n’ait pas saisi l’opportunité qui lui avait été accordée le 20 mars 2013, sous la forme d’une condamnation à une peine de travail.
Ainsi, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié le choix et la hauteur de la peine d’emprisonnement infligée, en prenant en considération des éléments propres à la personnalité du demandeur.
À cet égard, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
En tant que, sous couvert de la méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve et du principe général du droit de la présomption d’innocence, il revient en réalité à critiquer l’appréciation en fait des juges d’appel quant à l’attitude du demandeur, qui, selon l’arrêt, a décidé à quatre reprises de se laisser juger par défaut par le tribunal de police, le moyen est irrecevable.
Enfin, en tant qu’il considère que le juge ne peut, pour apprécier la sévérité de la peine, prendre en considération des éléments relevant de la personnalité de l’auteur, mais étrangers aux faits commis, ou des éléments relatifs à la seule gravité des infractions, le moyen manque en droit.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1er du premier protocole à cette Convention et 7, 42, 43quater et 44 du Code pénal.
Le moyen reproche d’abord aux juges d’appel d’avoir infligé au demandeur une amende portée à quatre-vingt mille euros en ayant égard aux revenus illicites obtenus, alors que pareil critère est seulement de nature à justifier la hauteur de la confiscation des avantages patrimoniaux directement tirés de l’infraction ou de leur équivalent monétaire. Il leur fait également grief d’avoir ainsi appliqué une amende dont le montant est hors de proportion avec les revenus illicites évalués par l’arrêt, lesquels sont en outre déjà frappés par la confiscation. Enfin, il leur reproche de ne pas avoir évalué les revenus escomptés, auxquels l’arrêt se réfère également.
Le moyen n’indique pas en quoi l’arrêt méconnaitrait les articles 7, 42, 43quater et 44 du Code pénal.
Dans cette mesure, imprécis, le moyen est irrecevable.
Conformément à l'article 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, le jugement ou l'arrêt indique, d'une manière qui peut être succincte mais doit être précise, les raisons du choix que le juge fait de telle peine parmi celles que la loi lui permet de prononcer, le juge devant en outre justifier le degré de chacune des peines infligées. Lorsqu'il condamne à une peine d'amende, le juge tient compte, pour la détermination de son montant, des éléments invoqués par le prévenu eu égard à sa situation sociale.
Le juge détermine souverainement, dans les limites fixées par la loi, le degré des peines qu'il estime proportionnelles à la gravité de l'infraction déclarée établie.
À cet égard, ni les dispositions visées au moyen ni aucune autre n’interdisent au juge d’avoir égard à la hauteur des revenus illicites obtenus par le prévenu ou dont il espérait bénéficier.
En outre, l’amende et la confiscation étant deux peines distinctes, le juge n’est pas obligé de réduire le montant de la première au motif qu’une confiscation des avantages patrimoniaux directement tirés de l’infraction est infligée.
En tant qu’il revient à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.
Par ailleurs, le contrôle marginal de la motivation de la peine, auquel la Cour est tenue, n'implique pas qu'elle puisse se substituer au juge du fond dans l'appréciation du caractère approprié de la sanction ou de sa hauteur.
L’arrêt relève d’abord que le demandeur a, durant sept mois, en qualité de dirigeant d’une association, vendu « à grande échelle » de la cocaïne à Bruxelles et dans le Brabant wallon. Après avoir énuméré les informations communiquées par le demandeur au sujet de sa situation sociale, y compris ses revenus au titre d’allocations de chômage, l’arrêt considère cependant qu’eu égard au but de lucre qui a animé le demandeur, il s’impose de lui infliger une amende, afin de lui faire ressentir, sur son patrimoine, les effets de son comportement qualifié d’asocial. Pour porter à quatre-vingt mille euros la hauteur de l’amende, les juges d’appel disent avoir eu égard aux revenus illicites engrangés, estimés à quarante-cinq mille euros pour l’association, à ceux escomptés et aux revenus apparents du demandeur.
Ainsi, en l’absence de conclusions relatives au montant de l’amende, l’arrêt justifie légalement la décision de fixer à quatre-vingt mille euros la hauteur de cette peine.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, en tant qu’il revient à critiquer cette appréciation en fait des juges d’appel, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi de Sabrya Achbar :
Le moyen est notamment pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 195, alinéa 2, et 211 du Code d’instruction criminelle, 8, alinéa 4, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, et 37quinquies, § 3, alinéa 2, du Code pénal.
Il reproche à l’arrêt de ne pas motiver de façon concrète ni individualisée le choix et la hauteur des peines infligées à la demanderesse, notamment le rejet de sa demande de bénéficier d’une peine de travail.
Conformément à l'article 195, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, le jugement ou l'arrêt indique, d'une manière qui peut être succincte mais doit être précise, les raisons du choix que le juge fait de telle peine parmi celles que la loi lui permet de prononcer, le juge devant en outre justifier le degré de chacune des peines infligées.
Le juge détermine souverainement, dans les limites fixées par la loi, le degré des peines qu'il estime proportionnelles à la gravité de l'infraction déclarée établie.
En outre, aux termes de l’article 37quinquies, § 3, alinéa 2, du Code pénal, le juge qui refuse de prononcer une peine de travail doit motiver sa décision.
Le premier juge a condamné la demanderesse à l’emprisonnement durant cinq ans, le sursis étant accordé pour la moitié de cette peine, et à une amende de trois mille euros, portée à vingt-quatre mille euros en application de la loi sur les décimes additionnels.
L’arrêt attaqué, qui supprime le sursis et porte l’amende à sept mille cinq cents euros, indique que la demanderesse a demandé à se voir appliquer une peine de travail. Ensuite, tout en relevant les éléments de sa personnalité montrant, selon les juges d’appel, que depuis 2020, elle a cherché à assurer son insertion professionnelle, l’arrêt rejette cette requête au motif que la peine de travail « ne peut répondre à la finalité d’une juste répression, à savoir, notamment, la protection de la société contre [les] agissements sociaux inacceptables [de la demanderesse] ».
Par aucune considération qui permette à la demanderesse de comprendre la raison pour laquelle la peine de travail lui a été refusée, l’arrêt ne motive son refus d’octroyer cette sanction, que la prévenue avait sollicitée dans le formulaire de griefs d’appel, demande dont la cour lui a en outre donné acte dans le procès-verbal de l’audience de plaidoiries du 30 mars 2023.
Le moyen est fondé.
La déclaration de culpabilité n’encourant pas elle-même la censure, la cassation sera limitée aux seules peines et mesures prononcées.
Et pour le surplus, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur l’ensemble de la peine et des mesures prononcées à charge de Sabrya Achbar et sur la contribution au Fonds spécial pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne Sabrya Achbar aux deux tiers des frais de son pourvoi et réserve le dernier tiers pour qu’il y soit statué par la juridiction de renvoi ;
Condamne Mohamed-Amine Suirita aux frais de son pourvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d’appel de Mons.
Lesdits frais taxés à la somme de sept cents soixante euros un centime dont I) sur le pourvoi de Mohamed-Amine Suirita : deux cents soixante euros nonante-deux centimes dus et II) sur le pourvoi de Sabrya Achbar : quatre cents nonante-neuf euros neuf centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0992.F
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-11-08;p.23.0992.f ?

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