N° F.22.0067.F
1. A. C., et
2. V. F.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 12 novembre 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le 4 octobre 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Michel Lemal a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
D’une part, en vertu de l’article 376, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, le conseiller général de l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus ou le fonctionnaire délégué par lui, accorde d'office le dégrèvement des surtaxes résultant d'erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l'allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs.
Une modification de la réglementation fiscale, fût-elle adoptée pour se conformer à une décision judiciaire ayant constaté l’inconstitutionnalité de cette réglementation, ne constitue pas un fait nouveau probant.
D’autre part, aux termes de l’article 376, § 2, du même code, n’est pas considéré comme constituant un élément nouveau, un nouveau moyen de droit ni un changement de jurisprudence.
L’article 159 de la Constitution dispose que les cours et tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu’autant qu’ils seront conformes aux lois.
En vertu de l’article 23 du Code judiciaire, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet de la décision ; il faut que la chose demandée soit la même, que la demande repose sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties.
Il s’ensuit que, lorsqu’un juge écarte l’application d’une réglementation en raison de son inconstitutionnalité, cette décision revêtue de l’autorité de la chose jugée entre les parties ne constitue pas, pour un tiers redevable, un fait nouveau probant, mais un nouveau moyen de droit ou un changement de jurisprudence.
Dans la mesure où il repose sur les soutènements contraires, le moyen manque en droit.
L’arrêt attaqué considère que « c’est en vain que [les demandeurs] se prévalent d’un prétendu ‘acquiescement’ [du défendeur] aux arrêts des cours d’appel d’Anvers et de Gand, [lequel n’est] pas admis en matière fiscale », et que, si le défendeur « a choisi de ne pas se pourvoir en cassation contre les arrêts en question et a admis la validité de la thèse retenue par ces cours [d’appel] dans une circulaire et des réponses à des questions parlementaires, [cette] circulaire et ces réponses ne sont que l’expression de la volonté du ministre et de son administration de se ranger à cette jurisprudence » de sorte qu’elles « ne créent en elles-mêmes aucun droit ».
Dans la mesure où il fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas retenir l’existence d’un fait nouveau probant eu égard à la reconnaissance par le défendeur de l’inconstitutionnalité de l’arrêté royal résultant de son acquiescement aux décisions judiciaires ainsi que de la circulaire et d’une réponse du ministre, sans contester l’appréciation de la cour d’appel qu’il n’y a ni acquiescement ni reconnaissance du défendeur, le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable.
Contrairement à ce que soutient le moyen, l’arrêt attaqué ne constate pas que l’article 18, § 3, de l’arrêté royal d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 est inconstitutionnel.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Et dès lors qu’elle n’invoque pas une discrimination entre deux catégories de contribuables, la demande de question préjudicielle de la demanderesse est imprécise et il n’y a pas lieu d’y faire droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cent septante-neuf euros nonante et un centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-trois par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.