N° P.23.1390.F
O. K.
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Karim Itani, avocat au barreau de Mons, et Antoine Moreau et Sandra Berbuto, avocats au barreau de Liège-Huy.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre des jugements rendus les 13 juillet 2023 et 28 septembre 2023 par le tribunal de l’application des peines de Mons.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LES FAITS
Par un jugement rendu le 23 novembre 2020, le tribunal de l’application des peines de Liège a accordé au demandeur la mesure de la libération sous surveillance, dans le cadre de l’exécution d’une mise à disposition du tribunal de l’application des peines.
Cette modalité d’exécution a été révoquée par un jugement du même tribunal rendu le 19 mai 2022, qui a fixé au 18 janvier 2023 la date à laquelle le directeur de l’établissement pénitentiaire remettra un avis en vue du contrôle d’office de la mise à disposition du tribunal.
Par un jugement du 20 mars 2023, le tribunal de l’application des peines de Liège s’est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur le contrôle annuel d’office de la mise à disposition du tribunal de l’application des peines conformément aux articles 95/21 et suivants de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, en raison de la circonstance que le demandeur a été placé sous mandat d’arrêt le 25 avril 2022, à la prison de Jamioulx.
Par un arrêt rendu le 26 avril 2023, la Cour a rejeté le pourvoi dirigé contre le jugement précité du 20 mars 2023.
Le jugement attaqué du 13 juillet 2023, rendu par le tribunal de l’application des peines de Mons, après avoir déclaré le tribunal territorialement compétent, dit pour droit que l’exécution de la mise à disposition du tribunal n’est pas devenue caduque en raison de la circonstance que le contrôle de la privation de liberté n’a pas été effectué dans les délais prescrits par l’article 95/23 de la loi du 17 mai 2006.
Le jugement attaqué du 28 septembre 2023 déclare le contrôle annuel de la mise à disposition du tribunal de l’application des peines sans objet, aux motifs que le directeur a indiqué que le demandeur subit une peine principale d’emprisonnement de trois ans prononcée le 10 mai 2023 par le tribunal correctionnel de Dinant et que les fiches d’écrou, reçues respectivement les 5 et 16 juin 2023, précisent que la mise à disposition du tribunal est suspendue depuis la date du mandat d’arrêt décerné au demandeur, soit depuis le 25 avril 2022.
III. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre le jugement du 13 juillet 2023 :
Le moyen invoque la violation des articles 95/21 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, et 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable.
Il soutient que, contrairement à ce que le jugement attaqué décide, l’exécution de la mise à la disposition du tribunal de l’application des peines est devenue caduque, en raison de la circonstance que le tribunal n’a pas procédé au contrôle annuel d’office de la privation de liberté dans les délais prescrits par les articles 95/21 et 95/23 de la loi du 17 mai 2006. Alors que, d’après le moyen, l’article 95/23 stipule expressément que la décision du tribunal doit intervenir à la première audience utile après l’avis du ministère public et au plus tard deux mois avant l’expiration du délai d’un an depuis la dernière décision relative au contrôle annuel de la mise à disposition du tribunal, aucune décision relative à ce contrôle n’a été prise depuis le jugement du 19 mai 2022, lequel a révoqué la libération sous surveillance et a fixé au 18 janvier 2023 la date à laquelle le directeur devait émettre un avis, soit quatre mois avant le délai prévu par les articles précités.
Le moyen fait également valoir que, bien que le législateur n’ait pas prévu de sanction en cas de non-respect de ces délais, le principe de sécurité juridique, le respect des droits de la défense et le droit à un procès équitable exigent que, dans ce cas, l’exécution de la mise à disposition soit frappée de caducité. A cet égard, le demandeur soutient qu’il y a lieu de raisonner par analogie avec l’article 95/2 de la loi du 17 mai 2006 dont il découle que, lorsque la décision relative à l’exécution de la mesure de mise à disposition n’est pas intervenue préalablement à l’expiration de la peine, le tribunal ne peut plus exécuter cette mesure.
L’article 7.1 de la Convention dispose que nul ne peut être condamne pour une action ou une omission qui, au moment ou elle a ete commise, ne constituait pas une infraction d’apres le droit national ou international.
Le moyen n’indique pas en quoi la décision attaquée méconnaîtrait cette disposition.
A cet égard, manquant de précision, le moyen est irrecevable.
L’article 95/21, alinéa 1er, de la loi du 17 mai 2006 dispose que, après une privation de liberté d'un an, fondée exclusivement sur la décision faisant suite à la mise à la disposition du tribunal de l'application des peines, ce dernier examine d'office la possibilité d'accorder une libération sous surveillance. La privation de liberté du condamné mis à disposition est maintenue lorsqu'il existe dans son chef un risque qu'il commette des infractions graves portant atteinte à l'intégrité physique ou psychique de tiers et qu'il n'est pas possible d'y pallier en imposant des conditions particulières dans le cadre d'une libération sous surveillance.
L’article 95/23 de la loi du 17 mai 2006 énonce :
« § 1er. L'examen de l'affaire a lieu à la première audience utile du tribunal de l'application des peines après réception de l'avis du ministère public. Cette audience a lieu au plus tard deux mois avant l'expiration du délai prévu à l'article 95/21.
Si l'avis du ministère public n'est pas communiqué dans le délai fixé à l'article 95/22, le ministère public doit rendre son avis par écrit avant ou pendant l'audience.
Les lieu, jour et heure de l'audience sont notifiés par pli recommandé à la poste au condamné et à la victime et portés par écrit à la connaissance du directeur.
§ 3. Le dossier est tenu, pendant au moins quatre jours avant la date fixée pour l'audience, à la disposition du condamné et de son conseil pour consultation au greffe de la prison où le condamné subit sa peine.
Le condamné peut, à sa demande, obtenir une copie du dossier.
Les articles 95/6 et 95/7 sont d'application. »
En vertu de l’article 95/7, § 1er, le tribunal de l’application des peines doit rendre sa décision dans les quatorze jours de la mise en délibéré.
L’article 95/25 prévoit que si le tribunal de l'application des peines n'accorde pas la libération sous surveillance, il indique dans son jugement la date à laquelle le directeur doit émettre un nouvel avis. Ce délai ne peut excéder un an à compter du jugement.
Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucune autre, ni des principes visés au moyen que la mise à disposition ne pourrait plus être exécutée et, par conséquent, que le condamné mis à disposition devrait être mis en liberté s’il n’est pas détenu pour autre cause, lorsque le tribunal de l’application des peines n’a pas rendu sa décision dans les délais prévus par les articles 95/21 et 95/23.
A cet égard, le moyen manque en droit.
A titre subsidiaire, le demandeur sollicite que la question préjudicielle suivante soit posée à la Cour constitutionnelle :
« Dès lors que le non-respect des délais de procédure prévus aux articles 95/3 et suivants de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine, relatifs à la procédure de mise à exécution de la mise à disposition du tribunal de l’application des peines, tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment les arrêts du 23 octobre 2012 (P.12.1581.N) et du 17 septembre 2013 (P.13.1504.N), est sanctionné par l’impossibilité de mettre à exécution la peine accessoire de mise à la disposition du tribunal de l’application des peines, les articles 95/21 et suivants de la loi du 17 mai 2006, […], s’ils devaient être interprétés différemment par la jurisprudence de la Cour de cassation, ne violent-ils pas les articles 10 et 11 de la Constitution ? ».
Les principes d’égalité et de non-discrimination inscrits dans les articles 10 et 11 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n’excluent pas qu’une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable.
La procédure d’exécution de la mise à disposition reprise aux articles 95/3 et suivants de la loi du 17 mai 2006 vise la situation dans laquelle le tribunal de l’application des peines doit rendre un jugement avant la fin de la peine principale. Cette procédure est étrangère au contrôle annuel d’office du même tribunal prévu par les articles 95/21 et suivants, qui vise la situation d’un condamné privé de liberté, fondée exclusivement sur la décision faisant suite à la mise à la disposition du tribunal de l’application de peines.
La question ne concerne donc pas une distinction opérée par la loi entre des personnes ou des parties qui se trouvent dans la même situation juridique et auxquelles s’appliqueraient des règles différentes, mais une distinction entre des personnes qui se trouvent dans des situations juridiques différentes et auxquelles s’appliquent des règles différentes.
Il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre le jugement du 28 septembre 2023 :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen.
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq octobre deux mille vingt-trois par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.