N° P.23.1383.F
I. et II. R. R.,
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Balaes, avocat au barreau du Luxembourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 4 octobre 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur fait valoir deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le 16 octobre 2023, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 18 octobre 2023, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé le 5 octobre 2023 par le conseil du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen reproche à l’arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur, qui faisaient valoir qu’il n’avait pas été interrogé « de manière précise » à propos des faits de la seconde inculpation, relative à des soupçons de blanchiment.
Le juge ne doit répondre aux conclusions d’une partie que dans la mesure où elles contiennent des moyens, c’est-à-dire l’énonciation d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Il n’est tenu ni d’exposer les motifs de ses motifs ni de suivre cette partie dans le détail de son argumentation. Ainsi, le juge n’est pas tenu de répondre à des conclusions qui se bornent à énoncer un fait sans articuler un raisonnement juridique, de sorte que pareille indication ne constitue qu’un argument.
In fine de ses conclusions, le demandeur s’est borné à énoncer que « le mandat d’arrêt pose donc question à plusieurs titres : […] absence de véritable question concernant la deuxième inculpation reprochée (blanchiment) ».
Pareille allégation, qui ne contient aucun raisonnement juridique et sur la base de laquelle le demandeur n’a pas articulé un tel raisonnement, ne constitue pas un moyen.
Partant, les juges d’appel n’étaient pas tenus d’y répondre et leur décision est régulièrement motivée.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 16 et 18 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense. Il reproche à l’arrêt de considérer que le mandat d’arrêt est légal, alors que dans la mesure où l’interrogatoire du demandeur par la police a été réalisé sous la forme vidéo-filmée, la remise d’une copie d’un procès-verbal de cette audition n’a pas pu avoir lieu avec la signification du mandat d’arrêt, ainsi que le prescrit l’article 18, § 2, de la loi relative à la détention préventive.
D’une part, si l’interrogatoire de l’inculpé par le juge d’instruction, préalable à la délivrance du mandat d’arrêt, constitue une formalité substantielle, liée au respect des droits de la défense et au droit à la liberté individuelle, la loi ne prévoit pas que l’intéressé doive également être entendu par la police avant son inculpation et son placement en détention préventive.
D’autre part, la remise à l’inculpé d’une copie des procès-verbaux contenant ses auditions, dès qu’un mandat d’arrêt lui a été signifié, a été imposée afin de permettre à l’intéressé de mieux préparer sa défense, d’éclairer son avocat et de rendre possible un débat contradictoire lors de la première comparution en chambre du conseil.
Cette formalité n’est pas prescrite à peine de nullité, la sanction de sa méconnaissance s’appréciant au regard de l’exercice effectif des droits de la défense.
Par adoption des motifs du réquisitoire écrit du ministère public, les juges d’appel ont considéré que le prescrit de l’article 112ter du Code d’instruction criminelle avait été respecté, que cette audition vidéo-filmée par la police, décidée par le juge d’instruction afin de « garantir une perception exacte du langage non verbal [du demandeur] », avait la même valeur qu’une audition classique, qu’un procès-verbal de synthèse de ce devoir avait été réalisé dès le 14 septembre 2023 et joint au dossier, que les supports électroniques sur lesquels l’interrogatoire a été enregistré ont été déposés au greffe du tribunal correctionnel de Neufchâteau et que le demandeur avait pu avoir une concertation confidentielle avec son avocat, « qui n’a pas fait de remarques par rapport à l’audition ».
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que les droits de la défense du demandeur n’avaient pas été méconnus et que le mandat d’arrêt était régulier.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
En tant qu’il invoque la violation des droits de la défense des autres personnes impliquées dans cette cause, le moyen, étranger au demandeur et à l’arrêt attaqué, est irrecevable.
Pour le surplus, revenant à réitérer les griefs soumis aux juges d’appel, griefs dont l’appréciation exigerait un examen d’éléments de fait, lequel échappe au pouvoir de la Cour, le moyen est également irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi formé le 6 octobre 2023 par le demandeur au greffe de la prison de Namur :
Une partie ne peut, en règle, former un second pourvoi contre une même décision, même si la Cour n’a pas encore statué sur le premier.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.