N° C.23.0108.F
ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
CIGLO, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Anderlecht, place Bara, 16, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0417.423.662,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
en présence de
BPOST, société anonyme de droit public, dont le siège est établi à Bruxelles, centre Monnaie, boulevard Anspach, 1, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0214.596.464,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, rectifié par le jugement du 4 octobre 2022 du même tribunal, statuant en degré d’appel.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L’avocat général Philippe de Koster a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Aux termes de l’article 1709 de l’ancien Code civil, le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer.
Le contrat par lequel la jouissance d’un immeuble est concédée moyennant un loyer fictif ou dérisoire n’est pas un bail.
En vertu de l’article 14, alinéa 1er, de la loi sur les baux commerciaux, la notification que le preneur désireux d’exercer le droit au renouvellement doit adresser au bailleur doit indiquer, à peine de nullité, les conditions auxquelles lui-même est disposé à conclure le nouveau bail.
D’une part, s’agissant du loyer proposé, l’offre du preneur doit être sérieuse, eu égard aux critères d’appréciation prévus par les articles 18 et 19 de la loi précitée, de sorte qu’elle soit de nature à mériter, en principe, d’être prise en considération.
D’autre part, dès lors que, en l’absence de réponse régulière du bailleur, le renouvellement intervient aux conditions proposées par le preneur, ces conditions doivent être conformes à la loi.
Il s’ensuit que la demande de renouvellement d’un bail commercial moyennant un loyer dérisoire ne satisfait pas à la prescription de l’article 14 précité.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Contrairement à ce que soutient le moyen, en cette branche, le jugement attaqué considère que la demande de renouvellement du bail est nulle, pour porter sur un prix dérisoire, non au seul motif que le loyer proposé est inférieur à la valeur locative du bien communément demandée dans le quartier attaqué, mais aux motifs que ce loyer est « largement inférieur » tant à la « valeur locative du bien communément demandée dans le quartier » qu’« au loyer [convenu entre les parties] au moment de la conclusion du bail commercial » alors « qu’il est de notoriété que [le quartier dans lequel est situé le bien litigieux] a, depuis plus de vingt ans, pris de la valeur », de sorte qu’il existe un « écart considérable entre le loyer proposé par la [demanderesse] et la valeur locative du bien litigieux ».
Pour le surplus, l’examen du grief de contradiction dénoncé par le moyen, en cette branche, suppose une appréciation des exigences de l’article 14, alinéa 1er, précité.
Ce grief n’équivaut pas à une absence de motifs et est étranger à la règle de forme prescrite par l’article 149 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Les intérêts compensatoires font partie intégrante des dommages-intérêts alloués en réparation du dommage causé par l’acte illicite ; ils réparent le préjudice supplémentaire résultant du paiement différé de l’indemnité à laquelle le préjudicié avait droit à la date du dommage.
Le jugement attaqué, qui, après avoir considéré que la demanderesse « occupe depuis le 1er juin 2013 le bien sans titre ni droit », la condamne à payer à la défenderesse des intérêts compensatoires depuis le 23 août 2012 sur l’indemnité qu’il accorde pour réparer le préjudice résultant de cette occupation, alloue des dommages-intérêts en réparation d’un dommage inexistant, partant, viole l’article 1382 de l’ancien Code civil.
Le moyen est fondé.
Et la demanderesse a intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué, tel qu’il est rectifié, en tant qu’il accorde des intérêts compensatoires et qu’il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Déclare le présent arrêt commun à la société anonyme de droit public Bpost ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Maxime Marchandise, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du treize octobre deux mille vingt-trois par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Philippe de Koster, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.