N° P.23.0754.F
I. D. N.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ricardo Bruno, avocat au barreau de Charleroi, et Déborah Albelice, avocat au barreau de Bruxelles,
II. D. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Dimitri de Béco et Jessica Florizoone, avocats au barreau de Bruxelles,
III. H. A.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Olivier Martins et Justine Doigni, avocats au barreau de Bruxelles,
IV. J. I.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Cédric Moisse, avocat au barreau de Bruxelles,
les quatre pourvois contre
B. M.,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 19 avril 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Dans trois mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme, le premier demandeur invoque deux moyens et les deuxième et troisième demandeurs en invoquent quatre.
Le 28 septembre 2023, l’avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l’audience du 4 octobre 2023, le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport et l’avocat général précité a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de N. D. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur, statue sur
a) la prévention E :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
b) les autres préventions :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.2. de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 411 et 414 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs au droit à un procès équitable, à la présomption d’innocence et à la charge de la preuve en matière répressive.
Déclaré coupable d’une tentative d’assassinat, le demandeur fait grief à l’arrêt de refuser d’admettre la provocation comme cause d’excuse.
Selon le demandeur,
- l’arrêt ne contient aucune considération se référant à la notion de violences graves, empêchant ainsi la Cour d’effectuer son contrôle de légalité ;
- les juges d’appel l’ont contraint à prouver la cause d’excuse qu’il invoquait sans jamais se prononcer sur la vraisemblance des éléments qu’il avançait ;
- l’arrêt soutient implicitement que les notions de préméditation et de provocation sont intrinsèquement inconciliables ;
Le juge du fond apprécie en fait si les violences présentent le caractère de gravité requis par l’article 411 du Code pénal. Il appartient cependant à la Cour de vérifier si le juge a pu, de ses constatations en fait, légalement déduire l’existence de la cause d’excuse.
Opposant une appréciation contraire à celle du demandeur, les juges d’appel, se référant aux motifs du jugement entrepris et par motifs propres, ont considéré que
- dans les circonstances de la cause, la rapidité d’exécution exclut toute notion de provocation ;
- le dossier répressif établit que les auteurs se sont munis de leurs armes avant même de se confronter à la victime ;
- au contraire de ce que les prévenus ont pu soutenir, le dossier répressif ne démontre pas que les armes en possession de la victime aient été utilisées ;
- les déclarations du demandeur et du prévenu I. J. sont contradictoires lorsqu’ils affirment avoir été menacés par la victime, dont ils disent qu’elle a pointé une arme dans leur direction, par une vitre baissée de son véhicule. L’un affirme qu’il s’agissait de la vitre de la portière conducteur, l’autre de la fenêtre passager. L’un affirme, par ailleurs avoir été exposé à un tir de la victime, là où l’autre dit tout en ignorer ;
- le dossier répressif démontre que les vitres du véhicule de la victime étaient toutes relevées au moment où cette dernière a essuyé les tirs par arme à feu ;
- le dossier répressif n’est pas démonstratif de ce que la victime aurait été attirée dans le quartier en vue d’un guet-apens ;
- les auteurs étaient déterminés à en découdre avec la victime, dès que l’occasion se présenterait, s’armant pour ce faire et agissant, en effet, lorsque l’occasion est survenue, après qu’un des prévenus ait tenté en vain de retrouver la victime à son lieu de retraite ;
- le déferlement de tirs sans retenue sur la voiture conduite par la victime, en pleine rue, démontre que la volonté des auteurs était de tirer quoi qu’il arrive et que ces tirs ne peuvent avoir été une réaction à l’attitude de la victime ;
- ces circonstances excluent la cause d’excuse légale atténuante de la provocation.
Ainsi, en leur opposant leur appréciation qui gît en fait, les juges d’appel ont, sans renverser les règles relatives à la charge de la preuve, donné les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient retenir la notion de violences graves. Ils n’ont pas non plus considéré que les notions de préméditation et de provocation seraient inconciliables.
Les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 195, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle ainsi que de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs à la présomption d’innocence et au respect des droits de la défense.
Il est reproché à l’arrêt d’aggraver la peine d’emprisonnement en se référant aux choix de défense du prévenu et tout particulièrement à son refus de reconnaître l’intégralité des préventions pour lesquelles il a été déclaré coupable ainsi qu’à son absence de remise en question.
Une fois que le prévenu a été reconnu coupable des faits pour lesquels il était poursuivi, la présomption d’innocence garantie par l’article 6.2 de la Convention cesse de s’appliquer.
Dans la mesure où il invoque la violation de cette disposition, le moyen manque en droit.
Pour satisfaire à l’obligation de motivation de la peine, prescrite par l’article 195 du Code d’instruction criminelle, le juge doit prendre en compte tous les éléments de fait, propres à la cause et à la personnalité du prévenu, qui, non expressément prévus par la loi, justifient, à ses yeux, l’application de la peine concrète qu’il entend infliger. Il ne peut toutefois violer les droits de la défense du prévenu en justifiant le choix et la sévérité de la sanction en raison de ses dénégations ou de la manière dont il a entendu soutenir son innocence.
L’arrêt considère que
- il convient de prendre en considération la nature intrinsèque et la gravité extrême des faits ;
- tirer en rue un soir d’été constitue une prise de risque totalement inconsidérée, alors que de nombreuses personnes s’y trouvaient et que plusieurs tirs ont traversé des fenêtres d’habitation, parfois à hauteur d’homme, au-dessus d’un canapé devant une télévision, ce qui aurait évidemment pu avoir des conséquences bien plus dramatiques encore si les occupants s’y étaient trouvés assis au moment de la fusillade ;
- les prévenus ont agi en bande, ce qui témoigne de leur dangerosité au regard de la sécurité publique ;
- chaque prévenu a eu, dans la commission des faits, un rôle différencié ;
- les prévenus ont démontré leur mépris de la vie humaine, ce qui compte parmi les transgressions les plus graves ;
- il n’est pas admissible que les prévenus fassent de la sorte usage de violence pour extérioriser leurs frustrations, quelle que puisse en être l’origine et quelles que puissent avoir été les rancœurs qu’ils nourrissent à l’égard de la partie civile ;
- ils ont agi avec préméditation et fait usage d’armes ;
- ils se sont accordés pour préparer et exécuter une vengeance et une expédition punitive envers la partie civile, estimant pouvoir se faire justice à eux-mêmes, ce qui est radicalement contraire aux règles les plus élémentaires d’une vie en société civilisée, où la justice privée ne peut avoir aucune place, moins encore quand elle se manifeste avec violence et en ayant recours à l’utilisation d’armes ;
- le prévenu a, en outre, commis les faits en état de récidive légale, dûment constatée par les premiers juges.
La référence à un pacte de silence et à l’absence de remise en question ou de prise de responsabilité, ne saurait conduire à devoir tenir pour inexistants l’ensemble des motifs résumés ci-dessus. Cette motivation est suffisamment précise pour justifier le choix et le degré de la peine.
Par ces motifs et en se référant aux éléments de la personnalité du demandeur, à savoir l’absence de remise en question face à des actes que les juges d’appel estiment ne pouvoir être banalisés, l’arrêt n’a pas sanctionné la manière dont le demandeur s’est défendu.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
B. Sur le pourvoi d’A. D. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 14.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d’innocence.
Le demandeur fait grief à l’arrêt de ne pas mentionner en quoi ses déclarations auraient été variables et contradictoires. Il soutient également qu’en déclarant qu’il ne sera tenu compte de ses déclarations que dans la mesure où celles-ci sont corroborées par d’autres éléments de l’enquête, l’arrêt inverse la charge de la preuve, imposant au prévenu de prouver son innocence.
En matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et que les parties ont pu librement contredire. Il lui est loisible, notamment, de refuser crédit à certaines déclarations et de fonder sa conviction sur d’autres éléments qui lui sont soumis et qui lui paraissent constituer des présomptions suffisantes alors même qu’il existerait dans la cause des éléments en sens contraire.
Ne renverse pas la charge de la preuve, le juge du fond qui décide de ne donner crédit, parmi les déclarations fluctuantes d’un prévenu, qu’à celles étayées par d’autres éléments du dossier.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Pour le surplus les juges d’appel ont analysé et confronté l’ensemble des éléments de fait du dossier (pages 27 à 66) et, de ce fait, expliqué en quoi les déclarations des prévenus étaient variables et contradictoires.
A cet égard, affirmant le contraire, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 66 du Code pénal.
Quant à la première branche :
Le moyen reproche à l’arrêt de reconnaître le demandeur coupable des faits en qualité de coauteur sans constater, au-delà de tout doute raisonnable, qu’il était présent, au moment de la fusillade, sur les lieux des faits et qu’il y avait participé. Le demandeur fait également grief aux juges d’appel de s’être contredits en considérant, d’une part, qu’il n’est pas démontré que la victime avait été attirée dans un guet-apens, et, d’autre part, que les prévenus avaient agi à la faveur d’un concert préalable.
Mais les juges d’appel ont relevé les éléments suivants :
- dans les conversations de la messagerie cryptée « Sky Ecc », A. D. affirme qu’il était présent lors des faits, s’inquiétant d’être reconnu s’il y a des images, parce qu’il ne portait pas de cagoule ;
- l’exploitation des images de surveillance démontre la présence d’A. D. dans le quartier, tout au long de la soirée, en ce compris au moment de la fusillade. Cette circonstance est corroborée par l’enquête de téléphonie ;
- l’examen des communications cryptées révèle qu’A. D. a déclaré avoir payé « Mécano » « qui a ramassé les bonbons », ce qui correspond au condamné B. G. qui ramasse les douilles ;
- lorsqu’il est visible sur les images de surveillance avant et après les faits, le prévenu A. D. est porteur d’un t-shirt blanc ; il est également vêtu d’un pantalon foncé trois-quarts ; si les témoins évoquent tous des tenues foncées, celui qui a assisté aux instants précédant immédiatement la fusillade indique que les auteurs se sont changés en dix secondes, enfilant veste et capuche.
Par ces considérations, les juges d’appel ont pu déduire, au-delà de tout doute raisonnable, que le demandeur était présent sur les lieux et avait participé aux faits qui lui sont reprochés. Ils ont dès lors régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Par ailleurs, il n’est pas contradictoire de considérer sur la base de l’ensemble des éléments du dossier, d’une part, que la victime n’a pas été attirée sur les lieux des faits en vue d’un guet-apens et, d’autre part, que les auteurs ont agi en se concertant dans la perpétration des faits.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, critiquant l’appréciation en fait des juges d’appel, le moyen est irrecevable.
Quant à la deuxième branche :
Selon le moyen, l’arrêt ne démontre pas en quoi les actes reprochés au demandeur ont été indispensables à l’exécution de l’infraction ni en quoi l’intervention postérieure du prévenu a contribué à la commission de l’infraction par l’auteur principal.
Mais, aux griefs invoqués par le demandeur, l’arrêt oppose, en se référant aux éléments du dossier, dont notamment les écoutes téléphoniques, les images de surveillance et les témoignages, que le demandeur n’ignorait rien de ce qui s’est tramé et s’est déroulé, qu’il y a pris part et s’y est associé sciemment, posant des actes indispensables à l’exécution des faits qui lui sont reprochés, dans un contexte préalablement concerté.
Le moyen soutient également que le seul fait d’avoir rémunéré une personne pour ramasser les douilles ne peut constituer une participation, en tant que coauteur, à la tentative d’assassinat.
Le juge n’est pas tenu de répondre à une défense devenue sans pertinence en raison de sa décision.
Partant, l’arrêt est régulièrement motivé et légalement justifié.
Le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, dans la mesure où il critique l’appréciation en fait des juges d’appel, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution et 394 du Code pénal.
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen soutient qu’il est contradictoire de considérer, d’une part, que les auteurs ont agi avec préméditation et, d’autre part, que la venue de la victime sur les lieux des faits n’est pas le résultat d’un guet-apens.
Mais pareille considération n’est pas contradictoire. La préméditation peut exister dans le chef d’un auteur d’une tentative d’assassinat sans qu’obligatoirement la victime soit attirée dans un guet-apens.
A cet égard, affirmant le contraire, le moyen manque en fait.
Au moyen qui fait valoir que la circonstance aggravante de préméditation a été retenue sur la base de constatations incompatibles, l’arrêt oppose une appréciation contraire, retenant outre les motifs énoncés par le premier juge, les éléments suivants :
- la rapidité d’exécution entre le moment d’arrivée du véhicule des auteurs et les tirs ;
- la préparation évidente des faits, les auteurs se déplaçant avec un véhicule immatriculé au nom d’un tiers, s’étant équipés de vestes foncées et de casquettes, ayant à disposition à tout le moins deux armes et des munitions en quantité et ayant préparé les suites de leurs actes : prompt ramassage des douilles, déplacement rapide de la voiture et fabrication d’une explication prétexte au sujet de celle-ci, adresse de repli puis fuite à l’étranger de certains des auteurs dans les jours qui ont suivi.
Ainsi, sans verser dans la contradiction alléguée, les juges d’appel ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision selon laquelle les prévenus ont agi avec la circonstance aggravante de préméditation.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 195, alinéa 2 du Code d’instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Il est reproché à l’arrêt d’aggraver la peine d’emprisonnement en se référant aux choix de défense du prévenu et tout particulièrement son refus de reconnaître l’intégralité des préventions pour lesquelles il a été déclaré coupable ainsi que son absence de remise en question de son comportement.
Pour les motifs indiqués ci-dessus, en réponse au second moyen, similaire, du premier demandeur, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur, statue sur
1. le principe de la responsabilité :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
2. l’étendue du dommage :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
C. Sur le pourvoi d’A. H. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur, statue sur
a) les préventions B.1, C.1, D.1, et F. :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
b) la prévention A :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 51 et 66 du Code pénal, ainsi que de la méconnaissance de la présomption d’innocence.
Quant à la première branche :
Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir motivé leur décision quant à la culpabilité du demandeur, d’une part, en n’ayant retenu ses déclarations que si celles-ci sont corroborées par d’autres éléments issus du dossier répressif et, d’autre part, en ayant considéré qu’il n’y avait pas de raisons crédibles cohérentes avec la thèse du demandeur. Selon le moyen, l’arrêt attaqué renverse ainsi la charge de la preuve, forçant le demandeur à démontrer son absence de culpabilité.
En matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction et que les parties ont pu librement contredire. Il lui est loisible, notamment, de refuser crédit à certaines déclarations et de fonder sa conviction sur d’autres éléments qui lui sont soumis et qui lui paraissent constituer des présomptions suffisantes alors même qu’il existerait dans la cause des éléments en sens contraire.
Ne renverse pas la charge de la preuve le juge qui, d’une part, ne donne crédit, parmi les déclarations fluctuantes des prévenus, qu’à celles étayées par d’autres éléments du dossier et, d’autre part, considère que sa version n’est pas crédible.
Soutenant le contraire, le moyen manque en droit.
Quant à la seconde branche :
Il est reproché à l’arrêt attaqué de ne pas motiver en quoi il y aurait eu un concert préalable entre le demandeur et les autres prévenus et de retenir la culpabilité du demandeur en qualité de coauteur sans que les motifs n’explicitent que celui-ci avait connaissance des faits, du dessein criminel des autres prévenus et aurait montré une volonté de coopérer.
Le demandeur fait également grief aux juges d’appel de s’être contredits en considérant, d’une part, qu’il n’est pas démontré que la victime ait été attirée dans un guet-apens, d’autre part, que les prévenus aient agi à la suite d’un concert préalable.
Mais il n’est pas contradictoire de considérer que les prévenus se sont préalablement concertés sans que pour autant la victime ait été attirée dans un guet-apens.
A cet égard, le moyen manque en fait.
Pour conclure à la participation du demandeur aux faits, les juges d’appel ont relevé les éléments suivants :
- les premiers juges ont considéré que les éléments recueillis après les faits concernant le déplacement de la voiture BMW utilisée par le tireur confirment qu’étaient présents A. H., conducteur du véhicule et le prévenu I. J., passager et second tireur ;
- le prévenu A. H. est en tout état de cause visible, au volant de cette voiture, avec le prévenu I. J. comme passager sur les images de la drève des Volubilis dans un temps rapproché de la fin de la fusillade ;
- sur le trajet entre le lieu de la fusillade et la drève des Volubilis, il a fallu que les passagers du véhicule de fuite se débarrassent des armes utilisées, des vestes et des casquettes ;
- non seulement le prévenu A. H. a déplacé la voiture pour la stationner drève des Volubilis mais il a ensuite donné rapidement instruction à B. G. de venir l’y rechercher, ce pour quoi il passe commande, pour lui, d’un véhicule Heetch, dont la course n’a pas dû être réglée par B. G., auquel il est également enjoint de jeter « les crasses » qui se trouvent dans la voiture et qui s’avèreront n’être rien d’autre qu’un gant utilisé lors des tirs ;
- le prévenu A. H. contacte ensuite en fin de nuit le titulaire de l’immatriculation du véhicule entre-temps saisi pour lui dicter la conduite qui doit être la sienne lorsque les enquêteurs le contacteront pour l’interroger ;
- il résulte également des échanges décryptés de la messagerie « Sky Ecc » qu’il a ensuite bloqué le numéro de cet interlocuteur jusqu’en fin de journée et qu’il a dépêché alors d’autres personnes qui « vont le voir et lui expliquer » ;
- entre-temps, peu après midi, A. H. adresse au prévenu N. D., via la messagerie cryptée « Sky Ecc » le message selon lequel ils gardent cet alibi pour l’instant.
Les juges d’appel ont ainsi considéré, aux termes d’une analyse de l’ensemble des éléments du dossier, que les circonstances relevées, qui ne peuvent résulter de coïncidences, de même que la chronologie et l’enchaînement des événements, conjugués à la teneur des messages échangés au moyen de la messagerie cryptée démontrent que le demandeur n’ignorait rien de ce qui s’est tramé la nuit des faits et qu’il y a pris part et s’y est associé sciemment, posant des actes indispensables à l’exécution des faits qui lui sont reprochés, dans un contexte préalablement concerté.
Ainsi, ils ont régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.
Pour le surplus, critiquant l’appréciation en fait des juges d’appel, le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 66 et 394 du Code pénal.
Quant à la première branche :
En tant qu’il fait grief à l’arrêt de se contredire en considérant, d’une part, que les prévenus ont agi avec préméditation et, d’autre part, que la victime n’a pas été attirée dans un guet-apens, le demandeur réitère le grief vainement invoqué dans la seconde branche de son premier moyen.
Partant, le moyen est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
En tant qu’il affirme que l’arrêt ne permet pas de déduire en quoi le demandeur aurait participé aux faits avec la circonstance aggravante de préméditation, le demandeur réitère le grief vainement invoqué dans la seconde branche de son premier moyen.
Le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 195, alinéa 2, du Code d’instruction criminelle, ainsi que de la méconnaissance du droit à un procès équitable et du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
Le demandeur soutient qu’en lui reprochant son manque de remise en question et de prise de responsabilité, l’arrêt sanctionne la manière dont il s’est défendu.
Pour les motifs indiqués ci-dessus, en réponse au second moyen, similaire, du premier demandeur, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen est pris de la violation de l’article 56, alinéa 2, du Code pénal et de la violation de la foi due aux actes.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir retenu l’état de récidive légale en se référant aux motifs du jugement entrepris qui fonde sa décision sur la base d’une copie conforme du jugement de ce tribunal du 6 mai 2019, alors qu’une simple copie dudit jugement apparaît au dossier de la procédure, celle-ci ne comportant aucune mention quant à la force de chose jugée de la décision.
Il ne ressort d’aucune pièce de la procédure à laquelle la Cour peut avoir égard que le demandeur ait, devant le tribunal ou les juges d’appel, contesté la valeur probante de la copie litigieuse.
Soulevé pour la première fois devant la Cour, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur, statue sur
a) le principe de la responsabilité :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécifique.
b) l’étendue du dommage :
Le demandeur se désiste de son pourvoi.
D. Sur le pourvoi d’I. J. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique exercée à charge du demandeur :
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre le demandeur :
Il n’apparaît pas, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, que le pourvoi ait été signifié au défendeur.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi de N. D. en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à sa charge du chef de la prévention E et contre la décision rendue sur l’action civile exercée contre lui ;
Décrète le désistement du pourvoi d’A. D. en tant qu’il est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée contre lui, statue sur l’étendue du dommage ;
Décrète le désistement du pourvoi d’A. H. en tant qu’il est dirigé contre la décision rendue sur l’action publique exercée à sa charge du chef des préventions B.1, C.1, D.1 et F, et en tant qu’il est dirigé contre la décision qui, rendue sur l’action civile exercée contre lui, statue sur l’étendue du dommage ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent soixante-trois euros soixante-six centimes dont I) sur le pourvoi de N. D. : cent quinze euros nonante-deux centimes dus, II) sur le pourvoi d’A. D. : cent quinze euros nonante-deux centimes dus, III) sur le pourvoi d’A. H. : cent quinze euros nonante et un centimes dus et IV) sur le pourvoi d’I. J. : cent quinze euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.