N° P.22.0900.F
S. R.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Thierry Moreau et Jehan Dourte, avocats au barreau du Brabant wallon,
contre
Maître Jean BUBLOT, avocat, agissant en qualité d’administrateur provisoire de la succession de P. VDB,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Ignacio de la Serna a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action publique :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 442quater et 504quater du Code pénal.
Quant à la première branche :
Selon le demandeur, pour que la prévention soit déclarée fondée, l’article 442quater du Code pénal exige que la victime ait posé un acte portant gravement atteinte à son patrimoine. Il estime que la seule remise par la victime de ses cartes bancaires au demandeur ne remplit pas cette condition et ne peut donc suffire à justifier la décision que la prévention est établie.
Un des éléments constitutifs de l’infraction visée à l’article 442quater précité est que la victime ait été conduite, par un acte ou une abstention, à porter atteinte à son intégrité physique ou mentale ou à son patrimoine et que cette atteinte soit grave, le législateur ayant voulu punir celui qui exploite la faiblesse d’autrui à cette fin.
Le juge apprécie en fait si l’acte posé par la victime porte gravement atteinte à son patrimoine.
Dans la mesure où il conteste cette appréciation, le moyen est irrecevable.
Pour le surplus, les juges d’appel ont considéré que l’abus de l’état de faiblesse des victimes a consisté, pour les prévenus, à les mettre en confiance pour en devenir des proches incontournables et, dans ce contexte, se voir confier la gestion de leurs avoirs financiers par la remise de l’ensemble des cartes bancaires du couple. Ils ont estimé ensuite que ces actes ont permis aux prévenus de s’emparer frauduleusement de la quasi-totalité des avoirs financiers de leurs victimes, causant à ces dernières un préjudice tant patrimonial que psychique, d’une gravité exceptionnelle.
Les juges d’appel ont ainsi régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur reproche à l’arrêt attaqué de se contredire en déclarant fondées, pour le même fait, les préventions de fraude informatique et d’abus de faiblesse. Selon le moyen, ces deux qualifications sont antinomiques dans la mesure où l’abus suppose un acte posé par la victime, alors que la fraude implique un acte perpétré à son insu.
Mais ce n’est pas le même acte qui est visé dans les deux préventions. La remise, par les victimes, de leurs cartes bancaires à la faveur d’une captation de leur confiance, ne se confond pas avec leur utilisation abusive subséquente pour s’emparer de leurs biens.
Procédant de ladite confusion, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 204 et 210 du Code d’instruction criminelle, 794 et 795 du Code judiciaire.
Quant à la première branche :
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir rectifié le début de la période infractionnelle pour la prévention A, en remplaçant l’année 2019 par l’année 2009, alors qu’aucun grief n’a été émis par aucune partie à ce sujet.
En tant qu’il soutient que cette modification porte atteinte à des droits consacrés par le jugement entrepris, le moyen est imprécis dès lors qu’en cette branche, il n’identifie pas les droits auxquels la cour d’appel aurait, par cette rectification, porté atteinte.
Contrairement à ce que le moyen soutient, la délimitation de la saisine des juges d’appel en fonction des griefs formulés dans la requête visée à l’article 204 du Code d’instruction criminelle, ne porte pas atteinte au pouvoir desdits juges d’appel de rectifier toute erreur matérielle susceptible d’entacher les dispositions qui leur sont déférées.
Dans la mesure où il prétend subordonner la rectification d’une telle erreur matérielle à sa dénonciation dans le formulaire de griefs, le moyen manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
Le demandeur soutient que la rectification litigieuse porte atteinte aux droits consacrés par le jugement entrepris.
Selon ce jugement, l’abus de la situation de faiblesse a été commis entre le 1er octobre 2019 et le 31 août 2012, les faits constituant pendant moins de cinq ans la manifestation de la même intention délictueuse, le dernier fait ayant été commis le 31 août 2012.
Le demandeur soutient que ce libellé lui confère des droits puisqu’il fixe une période délictueuse dans laquelle aucune infraction ne peut lui être reprochée.
Mais le libellé, quoiqu’erroné, fait apparaître que le 31 août 2012 est la date du dernier fait, celui-ci clôturant une période ayant débuté moins de cinq ans auparavant.
Le jugement dont appel n’a donc pas conféré au prévenu le droit que celui-ci prétend avoir été consacré par la décision entreprise, à savoir que celle-ci l’aurait acquitté de toute infraction antérieure au millésime litigieux.
Procédant d’une interprétation inexacte dudit jugement, le moyen manque en fait.
Quant à la troisième branche :
D’après le demandeur, le moyen ne répond pas à ses conclusions soutenant que la rectification du millésime erroné portait atteinte à ses droits.
Mais par les motifs cités par le moyen, l’arrêt signifie au demandeur qu’il n’a pu se croire poursuivi et jugé en raison de faits commis à partir de l’année 2019.
Le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 66 du Code pénal.
Il est reproché aux juges d’appel d’avoir condamné le demandeur en qualité de coauteur d’une fraude informatique, sans avoir constaté que ce dernier avait connaissance du fait que les victimes ne consentaient pas aux retraits bancaires et aux transferts d’argent.
L’arrêt relève, à la page 31, que le demandeur avait non seulement connaissance de l’enrichissement, démesuré et soudain, de son épouse, mais également de sa source, à savoir le dépouillement vif et massif des victimes, qui en était le corollaire.
A la page 32, l’arrêt précise que le demandeur a, de manière délibérée, fait en sorte que son épouse puisse entrer en contact avec les victimes et se charger, d’abord, de leurs biens immobiliers et, ensuite, de leurs avoirs financiers. Selon l’arrêt, un dépouillement massif en est résulté, dont le demandeur était au courant, et qui a permis à la fois au conjoint du demandeur de faire face à ses irrépressibles désirs d’achat et, au prévenu, de ne plus devoir renflouer le compte de son épouse, tirant ainsi profit, à tout le moins indirectement, des transactions bancaires illicites.
Les juges d’appel ont, ainsi, régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 149 de la Constitution, 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 3 de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation.
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir considéré que la déclaration de culpabilité était « une sanction » plus favorable alors qu’il avait sollicité une suspension du prononcé de la condamnation. Selon le moyen, ni la déclaration de culpabilité, ni la suspension du prononcé ne constituent une peine. En outre, la loi ne fixe aucune hiérarchie entre ces deux alternatives au prononcé d’une peine en sorte que les juges d’appel étaient tenus d’accorder, à partir du moment où ils avaient fait le choix de la mesure la plus favorable, celle que le prévenu sollicitait, soit la suspension du prononcé de la condamnation.
Impliquant la possibilité légale d’une révocation, la mesure de suspension du prononcé de la condamnation est plus grave qu’une déclaration de culpabilité.
Affirmant le contraire, le moyen manque en droit.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l’action civile :
Le demandeur n’invoque aucun moyen spécifique.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent nonante-six euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du onze octobre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.