N° F.22.0082.F
REGAL GEL, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Fosses-la-Ville, chaussée de Charleroi, 38, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0442.266.748,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2021 par la cour d’appel de Liège.
Le 14 août 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
En vertu de l’article 61, § 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l’administration en charge de la taxe sur la valeur ajoutée a le droit de retenir les livres, factures, copies de factures et autres documents ou leur copie qu’une personne doit conserver conformément à l’article 60, chaque fois qu’elle estime que ces livres, documents ou copies établissent ou concourent à établir la débition d’une taxe ou d’une amende à sa charge ou à la charge d’un tiers.
Suivant l’article 63, alinéa 1er, 1°, du même code, toute personne qui exerce une activité économique est tenue d’accorder, à tout moment et sans avertissement préalable, le libre accès des locaux où elle exerce son activité, aux fins de permettre aux agents habilités à contrôler l’application de la taxe sur la valeur ajoutée et munis de leur commission d’examiner tous les livres et documents qui s’y trouvent.
Dans l’arrêt n° 116/2017 du 12 octobre 2017, la Cour constitutionnelle a décidé qu’« afin de pouvoir déterminer l’impôt dû, les agents compétents disposent […] de pouvoirs d’investigation étendus et ils ont le droit d’examiner au cours de la visite quels livres et documents se trouvent dans les locaux et de les contrôler, sans devoir demander au préalable leur remise ; qu’une interprétation raisonnable de l’obligation de coopération commande que l’administration fiscale ne soit pas tributaire du choix du contribuable de déterminer quels documents il permet de consulter et que le contribuable soit également tenu de coopérer afin d’ouvrir par exemple des armoires ou coffres fermés ; que [l’article 63, alinéa 1er, 1°, précité n’autorise] toutefois pas les agents compétents à exiger la consultation des livres et documents en question si le contribuable s’y oppose » ; qu’une visite fiscale a une finalité différente de celle d’une perquisition dès lors que cette même disposition confère « aux agents compétents un pouvoir d’investigation administratif qui est lié à un objectif et qui ne peut être exercé qu’en vue de constater la régularité de la déclaration fiscale […] en matière de taxe sur la valeur ajoutée », et qu’en conséquence, cette disposition « ne viole pas les articles 15 et 22 de la Constitution ».
L’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne commande pas une autre interprétation de l’article 63, alinéa 1er, 1°, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
Il s’ensuit que l’article 63, alinéa 1er, 1°, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée confère aux agents compétents le droit d’examiner les livres et documents qui se trouvent dans des meubles fermés, poubelles ou frigidaires, situés dans les locaux où s’exerce l’activité professionnelle de l’assujetti, sans devoir obtenir l’autorisation préalable de celui-ci et que ce n’est que si ce dernier s’y oppose que la consultation des livres et documents ne peut se faire.
En considérant que « l’article 63, alinéa 1er, du Code [de la taxe sur la valeur ajoutée] donne aux agents compétents de l’administration le libre accès aux locaux professionnels afin d’examiner […] tous les livres et documents qui s’y trouvent, et [que] le fait que ceux-ci aient, le cas échéant, été placés dans une armoire, un tiroir ou une poubelle ne constitue pas un obstacle à leurs pouvoirs d’investigation lorsque [l’assujetti] collabore et ne formule aucune opposition », l’arrêt répond, en les contredisant, aux conclusions de la demanderesse qui invoquaient la différence entre le droit de consulter les livres et documents dans les locaux où s’exerce son activité et les actes d’ouverture des armoires et de fouille des poubelles par les agents de l’administration, en l’absence de sa gérante et sans son consentement, qui seraient contraires à la disposition précitée et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quatre-vingt-deux euros dix-neuf centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille vingt-trois par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.