N° F.22.0003.F
ASSOCIATION INTERCOMMUNALE IDELUX-PROJETS PUBLICS, société coopérative, dont le siège est établi à Arlon (Schoppach), drève de
l’Arc-en-Ciel, 98, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0832.382.635,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 7 juin 2021 par
la cour d’appel de Liège.
Le 14 juillet 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.
III. La décision de la Cour
Sur le moyen :
Aux termes de l’article 17, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, les revenus des capitaux et biens mobiliers sont tous les produits d’avoirs mobiliers engagés à quelque titre que ce soit, à savoir, 3° les revenus de l’usage et de la concession de biens mobiliers.
L’article 1er, § 1er, de l’arrêté royal du 14 novembre 1979 relatif aux conditions générales de passation des marchés publics de concession d’ouvrages dispose, en son alinéa 1er, que le marché de concession d’ouvrages est le contrat écrit par lequel une administration de l’État ou une institution de droit public soumise au pouvoir hiérarchique d’un ministre, ci-après dénommée l’administration, octroie à une personne physique ou morale de droit privé, ci-après dénommée le concessionnaire, l’exploitation d’ouvrages que le concessionnaire s’engage à construire et, en son alinéa 2, que le marché de concession peut prévoir le paiement d’un prix par l’administration ou d’une redevance par le concessionnaire. En vertu de l’article 2, § 2, de cet arrêté, le concessionnaire jouit pendant toute la durée du contrat de concession d’un droit de superficie sur les terrains visés au paragraphe 1er, désaffectés du domaine public. Suivant l’article 5, § 2, de cet arrêté, lorsque la concession est assortie d’une redevance à charge du concessionnaire, celle-ci peut être constituée soit par un montant forfaitaire, soit par un pourcentage du chiffre d’affaires brut réalisé par le concessionnaire, soit par un montant forfaitaire majoré d’un pourcentage du chiffre d’affaires précité.
L’arrêt énonce que :
- suivant la convention de concession d’ouvrages à Hondelange, autoroute E25/E411, du 23 décembre 1988 et son avenant du 12 octobre 1992, « l’administration octroie [à la demanderesse], qui accepte, une concession d’ouvrages conformément aux clauses et conditions suivantes et à [l’arrêté royal du 14 novembre 1979] relatif aux conditions générales de passation de marchés publics de concession d’ouvrages, dans la mesure où il n’y est pas dérogé par les dispositions de la présente convention compte tenu des exigences particulières des obligations des parties » ;
- cette convention a pour objet « A. la construction et l’exploitation d’un restaurant-pont/cafétarias/boutiques ; B. la construction et l’exploitation d’une vitrine de produits et tourisme luxembourgeois ; C. la construction et l’exploitation d’un motel côté Luxembourg-Arlon » ;
- selon l’article 3 de la convention, « l’administration renonçant à l’accession pendant toute la durée du contrat [sur les terrains du domaine public sur lesquels la demanderesse construira les ouvrages décrits à l’article 1er, la demanderesse] a la pleine propriété des constructions jusqu’à l’expiration du contrat ; à ce moment, le droit de propriété sur la totalité de ces constructions sera transféré à l’administration, libre de tous droits réels quelconques, sans que celle-ci soit tenue au paiement d’une indemnité quelconque [à la demanderesse], et appartiendra, automatiquement et de plein droit, à l’administration » ;
- « le contrat originaire prévoit […] une redevance à la charge [de la demanderesse] constituée par un montant forfaitaire […] et un montant variable correspondant à 3 p.c. des chiffres d’affaires du restaurant, du motel, relatifs aux autres prestations ou produits et à la vente de cigarettes, calculés suivant diverses modalités ».
Il suit des dispositions précitées de l’arrêté royal du 14 novembre 1979, dont la convention fait application, et du rapport au Roi précédant cet arrêté royal que le but de l’octroi de la concession d’ouvrages est l’exercice d’un service public par le concessionnaire et que la contrepartie du transfert à l’administration de la propriété des ouvrages érigés par le concessionnaire sans indemnité, est l’avantage que procure au concessionnaire le droit d’exploiter lesdits ouvrages, nécessaires à l’exercice du service public, pendant la durée de la concession.
En considérant que les redevances payées par la demanderesse sont « la contrepartie du droit d’exploiter les ouvrages à réaliser sur les terrains décrits dans la convention » et sont imposables à titre de revenus mobiliers sur la base de l’article 17, § 1er, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, dès lors que la demanderesse est propriétaire des ouvrages qu’elle a érigés pendant la durée de la convention et que ces redevances sont dues parce que l’avantage tiré de ce droit est plus important que la valeur des ouvrages réalisés dont le concédant devient propriétaire à l’expiration de la concession sans indemnité, l’arrêt donne à connaître que ces redevances ne sont pas produites par les immeubles construits par la demanderesse mais par le droit qui lui a été concédé de les exploiter, de nature mobilière, et ne viole pas les dispositions visées au moyen.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent seize euros quarante-deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt-deux euros au profit du fonds budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-trois par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.