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29/09/2023 | BELGIQUE | N°F.19.0154.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 septembre 2023, F.19.0154.F


N° F.19.0154.F
RENEWI VALORISATION & QUARRY, société anonyme, dont le siège est établi à Lommel, Gerard Mercatorstraat, 8, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0440.853.122,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représent

é par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est étab...

N° F.19.0154.F
RENEWI VALORISATION & QUARRY, société anonyme, dont le siège est établi à Lommel, Gerard Mercatorstraat, 8, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0440.853.122,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Daniel Garabedian, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Bonté, 5, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 18 janvier 2019 par la cour d’appel de Liège.
Le 14 juillet 2023, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marielle Moris a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente quatre moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le deuxième moyen :
Quant à la première branche :
Quant au second rameau :
Conformément à l’article 10 de la directive 1999/31/CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge de déchets, les États membres prennent des mesures pour que la totalité des coûts d’installation et d’exploitation d’un site de décharge soient couverts par le prix exigé par l’exploitant pour l’élimination de tout type de déchets dans cette décharge.
Suivant l’arrêt C-172/08 de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 février 2010, la disposition précitée doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui assujettit l’exploitant d’un site de décharge à une taxe devant lui être remboursée par la collectivité locale ayant mis en décharge des déchets et qui prévoit des sanctions pécuniaires à son encontre en cas de paiement tardif de cette taxe, à la condition que cette réglementation soit assortie de mesures visant à assurer que le remboursement de ladite taxe intervienne effectivement et à bref délai, et que tous les coûts liés au recouvrement soient répercutés dans le prix à payer par cette collectivité audit exploitant ; il appartient au juge national de vérifier si ces conditions sont remplies.
La Cour de justice a de même considéré, dans un arrêt C-97/11 rendu le 24 mai 2012, que « l'obligation imposée aux États membres [par l'article 10 de la directive] est inconditionnelle et suffisamment précise pour produire un effet direct ».
Aux termes de l’article 13 du décret wallon du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne, est redevable de la taxe sur les déchets non ménagers, toute personne physique ou morale exerçant une activité d’exploitation d’un centre d’enfouissement technique autorisé.
Il suit des travaux préparatoires de ce décret que le principe du pollueur-payeur est réalisé par le mécanisme de répercussion sur les pollueurs effectifs, par les exploitants de la décharge, de la charge économique que représente la taxe régionale.
Aux termes de l’article 198, § 1er, 5°, du Code des impôts sur les revenus 1992, applicable aux faits, ne sont pas déductibles comme frais professionnels, les impôts, taxes et rétributions régionaux.
L’arrêt attaqué constate que la demanderesse exploite un centre d’enfouissement technique de déchets non ménagers, qu’elle facture distinctement à ses clients le prix du service de traitement des déchets et le montant des taxes régionales dont elle s’acquitte, qu’elle répercute sur ceux-ci, et que, pour les exercices d’imposition 2005 et 2006, la taxe due en vertu du décret précité a été ajoutée aux dépenses non admises déclarées, sur la base de l’article 198, § 1er, précité.
En considérant que lesdites taxes sont imposables à titre de dépenses non admises à la charge de la demanderesse, au motif qu’elle ne démontre pas que la charge qui résulte de la non-déductibilité de ces taxes à l’impôt des sociétés constitue « une charge qu’elle ne serait pas en mesure de répercuter sur ses clients, de sorte qu’elle subirait une partie du coût de l’élimination des déchets qui lui sont confiés », sans vérifier l’existence de mesures permettant que la totalité du coût que représente, pour la demanderesse, la non-déductibilité de la taxe régionale sur les déchets soit couvert par le prix à payer par ses clients, l’arrêt attaqué viole l’article 10 de la directive 1999/31/CE précitée et méconnaît le principe général de droit de la primauté du droit de l’Union européenne sur la loi interne.
Le moyen, en ce rameau, est fondé.
Sur le troisième moyen :
Aux termes de l’article 361 du Code des impôts sur les revenus 1992, lorsque l’examen de la comptabilité d’une période imposable déterminée fait apparaître des sous-estimations d’éléments de l’actif ou des surestimations d’éléments du passif, visées à l’article 24, alinéa 1er, 4°, du même code, celles-ci sont considérées comme des bénéfices de cette période imposable, même si elles résultent d’écritures comptables se rapportant à des périodes imposables antérieures, sauf si le contribuable établit qu’elles ont été prises en compte pour déterminer les résultats fiscaux de ces dernières périodes.
Il suit de cette disposition légale que les surestimations de passif constituent des bénéfices de la période imposable à laquelle se rapporte l’examen qui les a fait apparaître, même si ces éléments du passif avaient déjà été comptabilisés dans les écritures comptables de périodes imposables antérieures.
Après avoir constaté que la cotisation à l’impôt des sociétés de l’exercice d’imposition 2005 se fonde, notamment, sur une surestimation de passif en raison du solde créditeur, au premier jour de la période imposable, de trois comptes de dettes de taxes régionales, provinciales et communales à payer, l’arrêt attaqué considère que les dettes non justifiées comptabilisées au premier jour de la période imposable en cause « sont nécessairement nées au cours d’une période imposable antérieure, le solde créditeur des comptes au premier jour de la période imposable de l’exercice [d’imposition 2005] devant être celui à la clôture de la période relative à l’exercice 2004 ».
Sur la base de ces considérations, l’arrêt a pu, sans violer les dispositions visées au moyen, décider que, l’examen de la comptabilité de la période imposable afférente à l’exercice d’imposition 2005 ayant fait apparaître une surestimation de dettes comptabilisées au début de cette période imposable, cette surestimation de dettes est imposable à titre de bénéfices de cette période imposable.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Quant à la première branche :
Après avoir constaté qu’une somme de 234 273,51 euros, correspondant à des montants comptabilisés au crédit de comptes de dettes de taxes, a été imposée, l’arrêt considère que cette somme a en réalité la nature d’une provision, en ce qu’elle a pour objet de couvrir des charges nettement circonscrites quant à leur nature et que cette somme est imposable par application de l’article 25, 5°, du Code des impôts sur les revenus 1992, à défaut de répondre aux conditions d’exonération prévues par les articles 48 de ce code et 24 de l’arrêté royal du 27 août 1993 d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, même si la demanderesse n’a revendiqué ni sa déduction à titre de frais professionnels ni son exonération à titre de provision.
Le moyen, qui, en cette branche, affirme que l’arrêt attaqué constate, de manière implicite mais certaine, que cette somme figurait déjà dans les bénéfices déclarés de la demanderesse, manque en fait.
Quant à la seconde branche :
Les considérations de l’arrêt reproduites en réponse à la première branche du moyen suffisent à fonder sa décision que la somme de 234 273,51 euros est imposable.
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d’intérêt, partant, irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour

Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il dit imposables à la charge de la demanderesse les taxes régionales wallonnes sur les déchets non ménagers et qu’il statue sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Michel Lemal, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-trois par le président de section Michel Lemal, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.19.0154.F
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Droit administratif - Droit fiscal - Autres

Analyses

Le principe du pollueur-payeur est réalisé par le mécanisme de répercussion sur les pollueurs effectifs, par les exploitants de la décharge, de la charge économique que représente la taxe régionale sur les déchets non ménagers (1). (1) Voir les concl. du MP.

ENVIRONNEMENT (DROIT DE L')

Viole l'article 10 de la directive 1999/31/CE précitée et méconnaît le principe général de droit de la primauté du droit de l'Union européenne sur la loi interne, le juge qui considère que la taxe régionale sur les déchets non ménagers, due en vertu l'article 13 du décret wallon du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne, est imposable à titre de dépenses non admises à la charge d'une personne morale exerçant une activité d'exploitation d'un centre d'enfouissement technique autorisé, sans avoir vérifié l'existence de mesures permettant que la totalité du coût que représente, pour cette personne morale, la non-déductibilité de la taxe régionale sur les déchets, soit couvert par le prix à payer par ses clients (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES SOCIETES - Détermination du revenu global net imposable - Généralités - ENVIRONNEMENT (DROIT DE L') - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT [notice2]

Les surestimations de passif constituent des bénéfices de la période imposable à laquelle se rapporte l'examen qui les a fait apparaître, même si ces éléments du passif avaient déjà été comptabilisés dans les écritures comptables de périodes imposables antérieures (1). (1) Voir les concl. du MP.

IMPOTS SUR LES REVENUS - IMPOT DES SOCIETES - Détermination du revenu global net imposable - Plus-values [notice7]


Références :

[notice2]

Directive 1999/31/CEE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets - 26-04-1999 - Art. 10 ;

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 198 - 32 ;

Décret wallon du 25 juillet 1991 relatif à la taxation des déchets en Région wallonne - 25-07-1991 - Art. 13 - 37 / No pub 1991027531

[notice7]

Côde des impôts sur les revenus 1992 - 12-06-1992 - Art. 361 - 32


Origine de la décision
Date de l'import : 28/10/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-09-29;f.19.0154.f ?

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