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27/09/2023 | BELGIQUE | N°P.23.1318.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 septembre 2023, P.23.1318.F


N° P.23.1318.F
I. et II. H. M.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Thevissen, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi sub I est dirigé contre un arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d’appel de Liège.
Rédigé en allemand, le pourvoi sub II est dirigé contre un arrêt rendu dans cette langue le 14 septembre 2023, sous le numéro de notices MA/8, par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Par une ordonna

nce du 21 septembre 2023, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en ...

N° P.23.1318.F
I. et II. H. M.,
personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Patrick Thevissen, avocat au barreau d’Eupen.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi sub I est dirigé contre un arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d’appel de Liège.
Rédigé en allemand, le pourvoi sub II est dirigé contre un arrêt rendu dans cette langue le 14 septembre 2023, sous le numéro de notices MA/8, par la cour d’appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Par une ordonnance du 21 septembre 2023, le premier président de la Cour a décidé que la procédure sera faite en français à partir de l’audience.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 9 mars 2023 :
Les mentions contenues dans la déclaration de pourvoi ne permettent pas d’identifier la décision contre laquelle le pourvoi est dirigé.
Le pourvoi est irrecevable.
B. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 14 septembre 2023 :
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 17, § 4, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à l’obligation de motivation des jugements et arrêts.
Devant la chambre des mises en accusation, le demandeur a invoqué le refus facultatif d’exécution du mandat d’arrêt européen, émis par les autorités allemandes, sur la base de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003.
Dans ses conclusions, il a notamment soutenu que, pour examiner si la peine peut être exécutée en Belgique, il n’y a pas lieu d’examiner la question de la prescription sur la base du droit belge mais sur la base du droit allemand. Selon lui, au nom du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, la condamnation étrangère fixant la durée de la peine privative de liberté doit être reprise en tant que telle par l’Etat d’exécution dès lors que l’application de la loi interne se limite à la mise en œuvre matérielle de l’incarcération. Il s’ensuit, toujours selon le demandeur, que la question de la prescription de la peine doit être examinée selon le droit de l’Etat requérant qui s’impose à l’Etat requis.
Le moyen reproche à l’arrêt de ne pas répondre à ces conclusions.
Le juge n’est tenu de répondre qu’aux véritables moyens, c’est-à-dire à l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception. Le juge n’est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
L’arrêt énonce qu’en statuant sur l’exequatur du mandat d’arrêt européen, la cour d’appel n’est ni obligée ni autorisée à examiner si la peine qui le fonde est déjà prescrite selon le droit de l’Etat requérant. Il relève, par ailleurs, que par un arrêt en cause du demandeur, du même jour, la chambre des mises en accusation a déjà ordonné la remise aux autorités allemandes sur la base d’un second mandat d’arrêt européen, dès lors que les condamnations y visées sont passées en force de chose jugée le 9 mars 2018 et sont prescrites selon l’article 92 du Code pénal belge.
Par ces considérations, l’arrêt répond aux conclusions qui soutenaient que les conditions d’application de la cause de refus facultatif visée à l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 étaient réunies.
Le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la deuxième branche :
Le moyen soutient que l’arrêt attaqué contient des contradictions ou, à tout le moins, que sa motivation est ambigüe, dans la mesure où la lecture de cette décision ne permet pas de comprendre pour quelle raison l’exécution de la peine d’un an infligée au demandeur par un jugement du 18 décembre 2017 ne pourrait être exécutée en Belgique.
La contradiction prohibée est celle qui oppose les motifs d’une même décision ou les motifs et le dispositif de celle-ci.
Par ailleurs, l’ambiguïté de la motivation s’entend du motif susceptible de deux interprétations, l’une dans laquelle le considérant critiqué est légal, et l’autre dans laquelle il ne l’est pas.
Tel qu’invoqué par le demandeur, le grief est étranger tant à l’ambiguïté qu’à la contradiction de la motivation comme cas d’ouverture à cassation.
Le moyen est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Le moyen est pris de la violation des articles 4.6 de la décision-cadre 2002/584 du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, et 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen.
Il reproche à l’arrêt de rejeter la cause de refus facultatif d’exécution du mandat d’arrêt européen visée à ces dispositions au motif que la condamnation du demandeur à une peine privative de liberté prononcée en Allemagne ne pourrait plus être exécutée en Belgique en raison de la prescription de la peine selon le droit belge. Le demandeur soutient que les juges d’appel ont ainsi ajouté une condition de droit interne que les dispositions invoquées ne contiennent pas.
Selon le demandeur, s’agissant d’interpréter l’article 4.6 de la décision-cadre précitée, il convient d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne, à titre préjudiciel, et de lui soumettre les questions suivantes :
- « Dans l’article 4.6 de la décision-cadre, les mots "exécution selon le droit national" signifient-ils que l’Etat d’exécution, qui examine la possibilité d’exécuter une décision étrangère selon son propre droit national, peut, sans violer la ratio legis de cet article 4.6 de la décision-cadre, soumettre la peine à exécuter, non-prescrite selon le droit de l’Etat d’origine, à son propre contrôle de prescription de la peine selon son droit national et en déduire un motif d’empêchement de refus d’exécution du mandat d’arrêt européen ? »,
- « Le motif de non-exécution facultative énoncé à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI peut-il être invoqué par le juge en charge de statuer sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen lorsque la peine pour laquelle ce mandat a été délivré n’est pas prescrite selon le droit de l’Etat d’émission mais est allégué l’être selon le droit de l’Etat membre d’exécution ? ».
Les questions proposées ont déjà été soumises à la Cour de justice de l’Union européenne. Il suit en effet de l’arrêt C-514/17 du 13 décembre 2018 que la disposition interprétée ne fait pas obstacle à l’exécution du mandat d’arrêt européen lorsque la prescription de la peine qui en fonde l’émission est acquise dans l’Etat d’exécution, de sorte que cette sanction ne pourrait y être subie.
Partant, par le constat que la peine étrangère est prescrite selon le droit belge, l’arrêt justifie légalement sa décision de rejeter la cause de refus visée à l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 et les questions préjudicielles ne doivent pas être posées.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1318.F
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 25/10/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-09-27;p.23.1318.f ?

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