N° P.23.0823.F
L. A.,
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fatima Omari, avocat au barreau de Liège-Huy,
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles 199, 200 et 204 du Code d’instruction criminelle.
Il est soutenu qu’en se fondant « intégralement » sur la motivation du jugement entrepris, alors que celle-ci est contestée, l’arrêt attaqué méconnaît le droit à un procès équitable, l’effet dévolutif de l’appel et le droit à un double degré de juridiction, dès lors que cette appropriation pure et simple trahit l’absence d’un nouvel examen approfondi du dossier et des arguments avancés par l’appelant.
En tant qu’il affirme que l’arrêt ne contient pas d’autre motivation qu’un renvoi à celle du jugement entrepris, alors que les juges d’appel ont également opposé aux conclusions du demandeur des considérations qui leur sont propres, le moyen repose sur une lecture incomplète de la décision, et manque en fait.
Sous le nom d’effet dévolutif, l’appel a pour vocation de remettre le litige entre les mains des juges du second degré, afin qu’ils se prononcent sur tout ce qui fait l’objet de leur saisine telle que l’appelant l’aura circonscrite.
De la circonstance que le juge d’appel se soit approprié la motivation du premier juge, en constatant qu’elle répondait entièrement aux moyens identiques réitérés par l’appelant, il ne résulte pas que ce dernier ait été privé de la garantie résultant du double examen d’une même question litigieuse. Ce n’est pas parce que cette question appelle, au terme d’un débat contradictoire, la même réponse, que la contestation n’a pas fait l’objet du second jugement de fond que le recours assure à celui qui l’exerce.
A cet égard, le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’article 47bis du Code d’instruction criminelle.
Il est reproché à la cour d’appel de s’être fondée, pour condamner le demandeur, sur son audition du 30 septembre 2020, alors qu’il n’était pas médicalement apte à être entendu et que sa renonciation au bénéfice de l’assistance d’un avocat a été recueillie avant qu’il n’ait été informé de ses droits.
Par adoption des motifs du jugement entrepris, l’arrêt relève, d’une part, que le traumatisme diagnostiqué à 13.30 heures n’établit pas que le demandeur n’ait pas été en état d’être entendu à 16.58 heures, après avoir bénéficié de plus de trois heures de repos.
L’arrêt relève, d’autre part, en s’appropriant les mêmes motifs, que le prévenu a renoncé à l’assistance d’un avocat, alors que ses droits lui avaient été communiqués.
Par ces appréciations qui gisent en fait, les juges d’appel n’ont violé aucune des dispositions invoquées par le demandeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 149 de la Constitution, et des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif à la présomption d’innocence et du principe selon lequel le doute profite à l’accusé.
Le demandeur reproche à l’arrêt de le condamner malgré les contradictions et les imprécisions figurant dans le dossier répressif et nonobstant le doute qui, selon lui, en résulte.
En instituant un recours en cassation, l’article 147 de la Constitution n’a pas entendu octroyer aux parties le droit à un troisième degré de juridiction. En tant qu’il invite la Cour à prendre connaissance des déclarations du demandeur et des policiers, à les comparer entre elles, à examiner les images de l’intervention, le moyen, mélangé de fait, est irrecevable.
Le doute qui doit conduire à l’acquittement n’est pas celui dont une partie allègue l’existence mais celui qui, dans l’esprit du juge, porte sur la culpabilité du prévenu concernant les faits des préventions mises à sa charge. Les conséquences que le juge tire, à titre de présomptions, des faits qu’il déclare constants, sont abandonnées à sa prudence et relèvent de son appréciation souveraine, dès lors qu’il ne déduit pas, de ces faits, des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d’aucune justification.
Il ressort de la motivation de l’arrêt que la cour d’appel n’a exprimé aucun doute. Il en résulte, au contraire, qu’il existait à son estime suffisamment de présomptions précises et concordantes pour juger les préventions établies.
Pour arriver à cette conclusion, les juges d’appel se sont fondés, et ont pu se fonder, notamment, sur les éléments suivants :
- le demandeur a admis avoir voulu éviter le contrôle de son véhicule dont le chargement, dangereux, n’était pas réglementaire ;
- il a reconnu avoir tenu à l’égard des policiers des propos désobligeants ;
- il a concédé avoir refusé de présenter ses documents d’identité au motif que le policier l’ayant interpellé ne portait pas de masque buccal ;
- il a avoué s’être débattu ;
- la photographie des traces de semelles laissées par les coups de pieds du prévenu sur les vêtements des agents, ainsi que les vidéos réalisées par les passants, objectivent la description de la scène par les verbalisateurs ;
- l’agressivité du prévenu est démontrée par le témoignage des trois policiers intervenants ; elle n’est démentie ni par les dires des quelques personnes ayant assisté à une partie de la scène, ni par les images enregistrées après que le prévenu a été maîtrisé ;
- les douleurs, rougeurs et abrasions relevées par le médecin sur la personne du prévenu sont compatibles avec la version policière signalant un usage de la contrainte proportionné à la rébellion et aux outrages dont les agents furent l’objet ;
- les imprécisions ou contradictions dénoncées par la défense n’ont, au vu de leur caractère périphérique voire insignifiant, aucune incidence sur la solution du litige.
Les juges d’appel ont, ainsi, régulièrement motivé et légalement justifié leur décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante euros quatre-vingt-un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-sept septembre deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.