N° P.23.1242.F
L. H.
condamné, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Romain Delcoigne, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 18 août 2023 par le juge de l’application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le jugement attaqué rejette la requête de libération provisoire du demandeur pour raisons médicales.
Pris de la violation de l’article 779 du Code judiciaire, le moyen reproche au juge de l’application des peines ayant rendu ce jugement de ne pas avoir repris les débats ab initio alors qu’un précédent jugement avant-dire-droit, ordonnant la production d’avis médicaux complémentaires, avait été rendu par un autre siège.
En vertu de l’article 779 du Code judiciaire, le jugement ne peut, à peine de nullité, être rendu que par le juge qui a assisté à toutes les audiences de la cause.
Il suit de cette disposition que la décision doit être rendue par le juge qui a assisté aux audiences antérieures ou, à défaut, par un siège devant lequel les débats ont été entièrement repris.
En vertu de l’article 74 de la loi du 17 mai 2006, le juge de l’application des peines statue sur la demande de libération provisoire pour raisons médicales au terme d’une procédure écrite.
Dès lors que cette disposition ne prévoit pas la tenue d’une audience, la deuxième phrase de l’article 779 du Code judiciaire n’est pas applicable à cette procédure.
Reposant sur la premisse juridique contraire, le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen reproche au jugement d’énoncer que « les différentes pathologies, bien réelles […] peuvent être traitées en détention, pour autant que le matériel médical et l’appareillage qui sont ou seront prescrits par les médecins de la prison soient effectivement fournis et pour autant que les séances de kinésithérapie soient réelles […] ».
Selon le demandeur, pareil motif est ambigu, dès lors que le jugement laisse incertain s’il décide que la détention est ou non compatible avec l’état de santé du demandeur en cas de non-respect desdites conditions.
Le moyen soutient également que le jugement se contredit puisque le dispositif ne contient pas la formule conditionnelle énoncée dans les motifs.
Par le motif critiqué, le jugement n’évoque pas un possible traitement médical du demandeur en prison mais indique aux autorités compétentes les conditions à respecter dans ce cadre.
Reposant sur une autre lecture du jugement, le moyen manque en fait.
Sur le troisième moyen :
Quant aux deux branches réunies :
En sa première branche, le moyen est pris de la violation de l’article 74, § 1er, de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté. Il reproche au juge de l’application des peines d’avoir statué sur la demande de libération provisoire pour raisons médicales sur la base d’un avis non motivé du médecin référent de la direction générale des établissements pénitentiaires.
La seconde branche soutient que la motivation de la décision attaquée est contradictoire.
Le jugement relève que la loi exige la communication de deux avis médicaux et considère qu’il est cohérent que seul l’avis du médecin de la prison, qui a un contact direct et régulier avec la personne détenue, soit formulé après une auscultation du patient, l’avis du médecin référent de l’administration pénitentiaire devant se prononcer du point de vue de la gestion générale des soins de santé au sein de la prison sur la base de ce premier avis.
Il énonce que, selon l’avis du médecin responsable de la prison, le demandeur est suivi médicalement pour des lombalgies et des pathologies herniaires par l’orthopédiste de la prison, qu’un examen médical demandé sera réalisé dans un hôpital civil, que les séances de kinésithérapie prescrites peuvent être suivies deux ou trois fois par semaine, que le demandeur peut, comme tout un chacun, réaliser son auto-kinésithérapie quotidiennement et que celui-ci reçoit un traitement bien constitué. Le jugement ajoute que, bien que l’avis du médecin référent de la direction générale des établissements pénitentiaires soit dépourvu de toute motivation, celui-ci renvoie à l’avis motivé du médecin responsable de la prison et qu’au vu de l’ensemble des autres pièces, l’éclairage fourni par le premier peut être considéré comme suffisant.
De ces considérations, qui ne sont pas contradictoires, le juge de l’application des peines a pu déduire que les avis dont il disposait lui ont permis de se prononcer en connaissance de cause sur la demande de libération provisoire pour raisons médicales.
Ainsi, le jugement motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le quatrième moyen :
Le moyen reproche au jugement de déduire de la seule circonstance que la mutuelle ne prend en charge qu’un nombre maximal de soixante heures de kinésithérapie par an, que l’état de santé du demandeur ne nécessite pas des séances quotidiennes. Selon le demandeur, le jugement méconnaît ainsi la notion légale de présomption de fait.
A la note dans laquelle le demandeur exposait que son état nécessite des soins quotidiens de kinésithérapie, le jugement répond que la lettre de la mutualité du 6 janvier 2023, contenue dans le dossier de pièces déposé par lui, renseigne une prise en charge d’un nombre maximal de soixante séances sur un an et qu’il ne s’agissait donc pas de séances quotidiennes.
Par cette énonciation, le jugement n’exclut pas que des soins non remboursés puissent avoir été prodigués. Il décide que la pièce déposée par le demandeur ne corrobore pas ses allégations.
Reposant sur une autre lecture du jugement, le moyen manque en fait.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de neuf euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.